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Conseil des ministres européens de l’Agriculture des 11 & 12 octobre: les plans stratégiques au cœur des débats

Les ministres européens de l’Agriculture, réunis à Luxembourg les 11 et 12 octobre, se sont penchés sur plusieurs dossiers brûlants : préparatifs des plans stratégiques nationaux, qui permettent de mettre en musique la nouvelle PAC dans les pays membres, analyse des normes de commercialisation des marchés agricoles, et situation du secteur porcin. Un point soulevé par la Belgique.

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L es délégations ont également discuté de la contribution de l’agriculture et de la sylviculture au paquet législatif « Ajustement à l’objectif 55 », la commission visant à optimiser l’utilisation des terres et des forêts de manière à réduire à zéro les émissions nettes de gaz à effets de serre d’ici 2035.

Mais « le nerf de la guerre » reste, bien entendu, les plans stratégiques nationaux, déclinaison d’un accord convenu entre la commission, le parlement et le conseil, qui doivent être finalisés d’ici la fin de l’année.

Échéance serrée, inclusion des objectifs « De la fourche à la fourchette »

Une échéance très serrée, notamment en l’absence des textes définitifs, qui doivent encore être votés par le parlement fin novembre, et surtout des actes secondaires d’application.

Certains États membres, a indiqué le commissaire Wojciechowski, ont fait part de leurs inquiétudes quant au respect des délais dans la remise de leur plan, en précisant immédiatement que l’approche de la commission restait souple.

« Le 31 décembre ne constituera pas une date couperet, un dialogue structuré est mené au fur et à mesure de la construction des plans avec chaque pays » a-t-il d’ailleurs souligné face à la presse à l’issue de la réunion.

La Pologne, pays d’origine du commissaire, et la Slovaquie ont déjà averti qu’elles pourraient ne pas respecter la date limite tandis que sept autres États membres, dont l’Allemagne, ont exprimé des difficultés pour rentrer leurs plans nationaux dans les délais impartis.

De nombreux ministres redoutent des demandes additionnelles à titre secondaire de la commission, qui reviendraient à introduire de nouvelles caractéristiques pouvant contrevenir à l’équilibre politique trouvé entre les trois institutions juste avant cet été.

Le conseil a demandé à être informé des critères d’approbation des plans stratégiques par la commission, ainsi que de la méthode de travail et du calendrier qu’elle envisage de suivre une fois que les plans auront été formellement transmis.

Dans un souci de transparence, « tous les plans stratégiques soumis par les États membres ainsi que les lettres d’observations contenant leurs évaluations par la commission seront publiés » a annoncé M. Wojciechowski et ce, afin d’assurer une approche équitable envers chacun.

L’Exécutif présentera ensuite un rapport aux colégislateurs fin 2023.

Le commissaire Wojciechowski a en outre rappelé que les objectifs de la stratégie « De la fourche à la fourchette », même s’ils ne sont pas contraignants, devaient se retrouver dans les plans stratégiques.

Et d’évoquer, à titre d’exemple, l’objectif de 25 % de terres agricoles en bio, déjà pleinement réalisé par l’Autriche quand d’autres États membres ne dépassent pas les 3 % à 4 %.

Il est donc important, a-t-il insisté, que « ces pays présentent leur stratégie pour développer l’agriculture biologique, de même que pour la réduction des pesticides ».

« Ce n’est pas une idée qui sort du chapeau de la commission mais une priorité pour l’ensemble de l’UE » a précisé M. Wojciechowski.

Revoir les règles qui fondent le commerce international

Plusieurs ministres se sont ému de l’inertie de l’Exécutif au regard des résultats de l’étude menée par le Jrc (le centre commun de recherche de l’UE) indiquant que le Pacte Vert pourrait conduire à 10 à 13 % de la réduction de la production et une augmentation de 20 % des importations.

Un avertissement qui est venu s’ajouter à ceux, similaires, du département américain de l’agriculture, de l’Université allemande de Kiel et d’une étude de l’Université néerlandaise de Wageningen.

Pour Julien Denormandie, ministre français de l’Agriculture, les résultats de ce document doivent appeler à un réveil des consciences.

Interrogé à son arrivée au conseil, il a indiqué que le Pacte Vert était « une bonne vision politique si elle était inclusive et concernait aussi la politique commerciale qu’il convient de revoir avec la mise en œuvre des clauses-miroirs, notamment sur les antibiotiques de croissance ».

Avec ses collègues espagnol et autrichien, il plaide pour que l’UE impose ses normes environnementales aux produits qu’elle importe. La politique commerciale est essentielle pour atteindre les objectifs du Pacte Vert qui ne pourront pas être remplis uniquement via des politiques internes à l’UE telles que la PAC insistent-ils.

On le sait, nos voisins entendront bien profiter de la présidence de leur pays, qui débutera en janvier 2022, pour faire bouger les lignes à ce niveau.

La Belgique réclame des mesures de soutien pour le secteur porcin

Hausse du coût des intrants, baisse des prix, le secteur de la viande porcine, qui est une nouvelle fois en souffrance, a poussé la délégation belge, soutenue par plusieurs États membres, à demander à la commission d’activer des mesures exceptionnelles de soutien dans le cadre du règlement sur l’OCM.

Notre pays a indiqué que les marges de l’industrie de la viande porcine ont été, au cours de l’année écoulée, les plus faibles de la dernière décennie et que les prix européens des carcasses de porc sont actuellement inférieurs de 7,2 % à ceux de l’année dernière, déjà très bas en raison des épidémies régionales de peste porcine africaine et des perturbations de la chaîne d’approvisionnement et de la consommation.

Et la Belgique d’ajouter que les coûts de production de la viande de porc, notamment le prix des aliments pour animaux, connaissaient quant à eux leurs niveaux les plus élevés depuis huit ans.

La demande belge n’a toutefois pas rencontré un écho favorable auprès du commissaire Wojciechowski qui s’est référé, dans sa réponse, au rapport de son administration sur les perspectives à court terme pour les marchés agricoles.

Ce document indique une hausse de 466.000 tonnes de la production porcine dans les principaux pays producteurs.

Des chiffres favorables qui, selon M. Wojciechowski, ne justifient pas, du moins à l’heure actuelle, l’activation de mesures de soutien de marché.

Au contraire a-t-il précisé, une intervention « pourrait être contre-productive, retarderait l’ajustement nécessaire du marché et prolongerait la crise ».

Marie-France Vienne

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