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Avant même de construire un noveau bâtiment, pensez à le protéger du feu !

Pour des raisons de sécurité, la construction d’un nouveau bâtiment ou d’une annexe d’un bâtiment existant est soumise au respect des normes de base en matière de prévention contre les incendies. Celles-ci peuvent néanmoins paraître abstraites aux yeux d’un agriculteur, peu habitué à ce type d’information. Pour y voir plus clair, décodage avec Lisa Legros, capitaine au Service de prévention de la Zone de secours de Wallonie picarde.

Temps de lecture : 7 min

Destruction des bâtiments et engins, perte du matériel, des récoltes ou des fourrages stockés, intoxication voire mort du bétail… Au vu des dégâts qu’il occasionne, un incendie peut rapidement mettre en péril une exploitation agricole. Si de nombreuses mesures permettent d’éviter un tel incident (lire ici), c’est dès la construction d’un nouveau bâtiment ou d’une extension que la prévention incendie doit être réfléchie.

En effet, ceux-ci doivent répondre aux prescriptions de l’annexe 6 de l’arrêté royal du 7 juillet 1994 fixant les normes de base en matière de prévention contre l’incendie et l’explosion auxquelles les bâtiments nouveaux doivent satisfaire. Une annexe décodée par le capitaine Lisa Legros lors d’une après-midi d’étude organisée par le comice agricole de Tournai.

Bâtiment industriel, suis-je concerné ?

Afin de savoir si la nouvelle construction tombe sous le coup de ladite annexe, il convient de savoir ce qu’est un bâtiment industriel. Lisa Legros : « Il s’agit d’un bâtiment ou d’une partie de bâtiment qui, en raison de sa construction ou de son aménagement, sert à des fins de transformation ou de stockage industriel de matériaux ou de biens, de culture ou de stockage industriel de plantations ou d’élevage industriel d’animaux ». Sont donc concernés, notamment, les hangars de stockage en vrac des céréales, les élevages de volailles ou porcs, les haras, les serres horticoles…

D’autres bâtiments ne sont quant à eux pas considérés comme étant industriel au sens de l’annexe 6. Il s’agit des bâtiments habituellement accessibles au public (manège, jardinerie…), des bâtiments ayant un seul niveau et une superficie totale inférieure à 100 m², des constructions qui ne sont pas classées comme des bâtiments (silos, parc à citerne à l’air libre), des constructions couvertes et à l’air libre (desquelles la fumée et la chaleur s’évacuent facilement en cas d’incendie), des parties de bâtiments dans lesquelles il n’y a pas d’activité industrielle (bureaux…) ainsi que les constructions pour activité de type industriel non professionnelles (élevage d’animaux à titre de hobby, serres utilisées à des fins personnelles…).

Et à quoi est-il destiné ?

Si le bâtiment ou l’extension à construire est caractérisé(e) comme étant industriel(le), une classe (de A à C) devra lui être attribuée par le maître d’ouvrage, à savoir l’agriculteur. Celle-ci est fonction de la densité de charge calorifique et reflète les risques que présente la construction en matière d’incendie. Elle sera renseignée dans la demande de permis d’urbanisme, elle-même transmise au Service de prévention de la Zone de secours compétente.

On distingue ainsi la classe A, attribuée aux bâtiments destinés à la culture, à l’élevage, à l’abattage des animaux, à la fabrication de fromage… « Bref, aux activités ne risquant pas d’attiser, d’aggraver l’incendie. » À l’opposé, la classe C est dédiée aux bâtiments de stockage des aliments pour bétail et des fourrages, d’entreposage des graisses… c’est-à-dire à toute activité renforçant l’incendie. Entre les deux, on retrouve la classe B (chocolaterie, rôtisserie, pâtisserie…).

Au cas où le maître d’ouvrage n’attribue pas de classe au bâtiment, celui-ci sera automatique catégorisé C, soit la classe la plus contraignante, par les services compétents. « N’oubliez donc pas de faire ce petit travail, afin de ne pas apporter de contraintes supplémentaires à votre projet », conseille le capitaine Legros. Néanmoins, si l’affectation du bâtiment risque un jour de changer, choisir la classe C peut être utile. Même si elle ne correspond pas à l’affectation initiale de la construction. En effet, une fois la classe du bâtiment définie, seules les activités correspondant à cette classe ou à une classe inférieure y sont autorisées. « Avec la classe C, on s’assure donc d’un maximum de conformité », ajoute-t-elle.

Si le bâtiment est divisé en compartiments, ils pourront recevoir des classes différentes chacun. « À condition que les parois les séparant aient la résistance au feu nécessaire. »

Stabilité, étanchéité et isolation

La prévention incendie doit répondre à plusieurs objectifs : permettre l’évacuation des personnes présentes, éviter la propagation de l’incendie (des flammes et des fumées) et protéger les pompiers lors de leur intervention. Elle peut être active (extincteurs, dévidoirs…) ou passive. C’est sur ce point que se focalise l’annexe 6. Elle renseigne le maître d’ouvrage quant aux paramètres de résistance que devront présenter les matériaux de construction utilisés, en fonction de la classe à laquelle appartient le bâtiment. Le but : éviter que les flammes, la chaleur et les fumées n’aillent toucher des éléments extérieurs (habitation, autres bâtiments agricoles, véhicules…).

Ces paramètres sont au nombre de trois, suivant la fonction de l’élément de construction :

– stabilité au feu (symbole « R ») : aptitude de l’élément ou de la structure à supporter l’exposition au feu ou à la chaleur ;

– étanchéité aux flammes (symbole « E ») : aptitude d’un élément séparatif exposé au feu d’un seul côté à empêcher les flammes et les gaz chauds de le traverser ;

– isolation thermique (symbole « I ») : aptitude d’un élément séparatif à prévenir le passage de la chaleur.

Par exemple, des murs porteurs R60 (stabilité minimale – classe A) ou R120 (stabilité minimale – classe B et C) assureront respectivement une stabilité pendant 60 ou 120 minutes au moins en cas d’incendie. Une porte n’étant quant à elle pas un élément porteur, elle ne devra pas être « R » mais « EI ». Une porte EI30, par exemple, sera étanche et isolante durant 30 minutes.

« Ces différents paramètres et les valeurs associées seront renseignés sur le rapport de prévention incendie que recevra le maître d’ouvrage. Ils devront ensuite être respectés lors de la construction du bâtiment. » Une fois terminé, ce dernier sera contrôlé par les pompiers.

En cas d’évacuation

Lors de la construction du nouveau bâtiment ou de l’extension, le positionnement des sorties de secours sera également réfléchi. Lisa Legros : « Légalement, une seule sortie de secours suffit si le bâtiment abrite moins de 50 personnes. Toutefois, je conseille d’en prévoir deux, dans des zones opposées. Au cas où l’incendie se déclarerait à proximité de la première sortie et la rendrait inaccessible, la deuxième pourra être utilisée ». Pour les pompiers, l’accès au feu sera facilité.

« Prévoyez toujours deux sorties de secours, au cas où l’une serait rendue inaccessible par l’incendie », conseille le capitaine Lisa Legros.
« Prévoyez toujours deux sorties de secours, au cas où l’une serait rendue inaccessible par l’incendie », conseille le capitaine Lisa Legros. - J.V.

Le chemin à parcourir jusqu’à la sortie doit être inférieur à 60 m, quel que soit l’endroit où l’on se trouve dans le bâtiment. « Et ce, en tenant compte de l’encombrement et donc d’éventuels détours à faire. » Les portes devront s’ouvrir dans le sens de l’évacuation, afin de faciliter celle-ci. Pour la même raison, une signalisation (pictogrammes) ainsi qu’un éclairage de secours seront prévus par le maître d’ouvrage. « Enfin, gardez les voies d’évacuation dégagée. Peindre un couloir d’évacuation au sol peut vous aider à structurer votre bâtiment. »

Veillez aussi à…

Selon la loi, la distance nécessaire entre deux bâtiments dépend du nombre d’ouvertures dans les façades qui se font face. Celle-ci varie entre 0 m (les façades des bâtiments présentent une résistance au feu d’une heure et aucune ouverture dans leur paroi commune) et, dans le pire des cas, 16 m (aucune résistance au feu des parois). Le même principe s’applique entre un bâtiment et une zone de stockage. « En cas de doute, prévoyez une distance de 16 m. »

« Vu la distance généralement faible qui les sépare, protéger son exploitation, c’est aussi protéger son habitation ! »

Enfin, le maître d’ouvrage devra assurer une protection active contre l’incendie : installation de détecteurs, d’un système d’alerte et d’évacuation de fumées et de chaleur (dans le respect des normes en vigueur).

J.V.

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