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Entre la chute des feuilles et la floraison, il est temps de préparer le verger pour la nouvelle saison

Pour l’arboriculteur, la période qui suit la récolte des fruits n’est pas synonyme de repos. Au contraire, c’est l’occasion de clôturer l’année mais aussi et surtout de préparer la saison à venir.

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Après la récolte des fruits arrivés à maturité, puis la chute des feuilles, le cycle annuel du verger est terminé. Or le cycle de l’année suivante a déjà commencé depuis plusieurs mois… En effet, chez la plupart des espèces fruitières, la formation des fleurs qui s’épanouiront au printemps prochain a commencé imperceptiblement dès juin-juillet.

En réalité, la période que l’on appelle « repos hivernal » parce que les arbres et les arbustes ne manifestent aucune activité n’en est pas un. En automne, les bourgeons étaient entrés en dormance, et cette dormance va être levée par l’effet du froid hivernal. Puis la montée de la sève brute qui s’était arrêtée au même moment va reprendre dès que la température du sol sera supérieure à 5 ou 6ºC, et les boutons, bourgeons contenant des fleurs et, chez certaines espèces, également des feuilles, vont commencer à gonfler. Leur ouverture marque le début de la nouvelle saison.

Pour l’arboriculteur professionnel ou amateur, il ne peut être question de « repos » pendant cette période. Différents travaux vont devoir être effectués soit pour clôturer l’année précédente, soit pour préparer l’année suivante en mettant le verger et les plantes fruitières en bon état général.

Il faudra aussi s’intéresser à l’état du sol, terre nourricière de nos arbres et arbustes.

Le programme des travaux pourra être établi après avoir fait le bilan de la saison passée et en faisant le tour du verger lors d’une belle journée où la luminosité permettra de bien observer la ramure de chaque plant, d’abord de loin afin d’en percevoir l’allure générale. On pourra ainsi, selon leur âge, décider des opérations de taille ou d’élagage nécessaires. Ensuite, de plus près, on évaluera le boutonnement et la présence de signes de maladies ou de ravageurs.

Comme la fin de l’automne est le moment le plus favorable pour la plantation de la majorité des espèces fruitières (à l’exception des framboisiers, des myrtilles et des kiwis), plusieurs travaux préalables sont à envisager dès à présent afin de mettre tous les atouts dans son jeu.

Un regard sur 2021

De manière générale les conditions climatiques des premiers mois ont provoqué un retard de la floraison en comparaison avec les années précédentes. Mais en réalité, on est revenu à une phénologie qui correspond à la moyenne calculée sur le long terme. Les gelées tardives des 7 et 13 avril ont eu un effet très variable selon les endroits.

Dans de nombreux vergers, le nombre de fleurs était inférieur à la normale, en conséquence de la sécheresse observée en 2020, mais parfois aussi lors des années précédentes, et d’une surcharge en fruits. Ces deux facteurs conjugués ont induit un phénomène d’alternance.

Pour les jeunes plantations, la sécheresse relative du mois d’avril a eu des conséquences défavorables sur la reprise et le début de croissance des plantations si des arrosages suffisants n’ont pas été effectués. En effet, pour des plantations réalisées en fin d’hiver, la terre qui a été remuée et qui est foisonnée se dessèche beaucoup plus rapidement qu’un sol en place ; il est important de maintenir une humidité suffisante.

Avril 2021 a aussi été le plus froid des trente dernières années, avec pour conséquences la phénologie tardive déjà citée, et une mauvaise fécondation des fleurs suite à une faible activité des insectes butineurs et à une mauvaise germination du pollen. Peu de fleurs et de telles conditions climatiques pendant la floraison : on pouvait déjà dire que l’année ne serait guère « fructueuse ».

Mai et la première moitié de juin ont connu des conditions climatiques normales, favorables au développement des fruits. Une vague de chaleur supérieure à 30ºC est survenue du 15 au 20 juin.

Juillet a été anormalement humide, avec comme conséquence des attaques importantes de maladies cryptogamiques. Le 15 juillet, suite à des pluies qui ont parfois dépassé 200 mm (rappelons que la normale mensuelle est d’environ 70 mm !) toute la Wallonie a connu des inondations catastrophiques : plus de 40 personnes décédées, d’innombrables habitations totalement ou partiellement détruites ou dévastées par l’eau qui a emporté à la fois les meubles et les souvenirs, et plusieurs infrastructures gravement endommagées. Les semaines suivantes ont été froides et pluvieuses, avec des orages localisés mais très violents comme le samedi 24 juillet dans la Haute-vallée de la Meuse, entre Dinant et Namur. La première moitié d’août fut une alternance d’orages et d’éclaircies avec des températures inférieures à la normale.

Finalement, les seules cultures qui nous ont donné cette année une (toute relative) satisfaction sont les groseilliers (à grappes, cassis et casseilles) et les vignes hybrides (cépage ‘Regent’).

Le sol : effectuer un nettoyage de fin d’année…

Jusqu’il y a peu, il aurait été conseillé d’effectuer avant la chute des feuilles un traitement herbicide systémique au pied des arbres, afin d’éliminer les plantes adventices annuelles ou vivaces, de façon à maintenir le sol exempt de végétation pendant toute la mauvaise saison. Ce point a une action préventive importante en ce qui concerne les dégâts des petits rongeurs à la base des arbres.

Le retrait d’agréation de la quasi-totalité des herbicides pour les non-professionnels ne les autorise qu’à utiliser un herbicide de contact, peu efficace envers les plantes vivaces. Il les a aussi amenés à adopter d’autres modes de gestion du sol. La couverture herbacée doit être tondue aussi ras que possible afin d’éliminer les tiges porteuses de graines qu’il faudra détruire et éviter de les mettre au compost si celui-ci n’atteint pas une température de 65 à 70ºC.

Un sol enneigé facilite la taille parce qu’il améliore fortement la visibilité de la ramure.
Un sol enneigé facilite la taille parce qu’il améliore fortement la visibilité de la ramure.

Après la chute des feuilles, on passera encore une fois la tondeuse afin de les broyer et d’accélérer leur décomposition, en les ramassant ou non. Cette pratique a un effet réducteur de la pression d’infection de différents cryptogames au printemps prochain.

… et apporter de la matière organique

On sait qu’une teneur élevée du sol en humus favorise sa structure, sa teneur en air, en eau et en éléments minéraux, l’activité des racines ainsi que celle des différents organismes vivants. Comme l’humus se décompose à raison de 1,5 à 2 % par an, en libérant des éléments minéraux, il est nécessaire de faire périodiquement des apports de matière organique afin de maintenir ou d’améliorer la richesse du sol en cet élément.

Outre des matières « vertes », c’est-à-dire non ou peu décomposées que l’on épand en mulch pendant la belle saison, le début de l’hiver est la période idéale pour épandre du compost « mûr » qui a terminé son cycle de décomposition. Il contient en moyenne 20 à 25 % d’humus, 0,5 % d’azote, 0,25 % d’aide phosphorique, 0,8 % de potasse ainsi que divers éléments mineurs et oligo-éléments. L’épandage se fera sur toute la surface du sol correspondant à la ramure, à raison d’une brouette pour 10 m².

Si on ne dispose pas de compost mûr, il est possible d’utiliser de la matière organique brute : différents déchets végétaux, comme les feuilles mortes, abondantes en cette saison-là.

Contrôler le pH !

Une mesure précise du pH du sol doit être effectuée tous les 4 ou 5 ans lors d’une analyse de terre par un laboratoire agréé. Il en existe au moins un dans chaque province. Pour la plupart des espèces fruitières (sauf les myrtilles !), le pH idéal se situe entre 6,5 et 7. Le bulletin d’analyse indiquera s’il y a nécessité de le corriger ou non.

Élever le pH est facile, par apports de préférence fractionnés d’un amendement calcique ; l’abaisser est plus difficile, en n’utilisant que des engrais acidifiants, et en tenant compte du fait que les sols ont une tendance naturelle à s’acidifier lentement.

Il faudra éviter d’apporter simultanément de la matière organique et un amendement calcique.

L’apport d’une fumure minérale complète (N + P + K + Mg +…) se fera en mars, juste avant le départ de la végétation.

Place aux traitements préventifs des arbres et arbustes…

Dans la ramure des arbres et arbustes fruitiers, la période hivernale caractérisée par une humidité fréquente est particulièrement favorable au développement de chancres. Chez les pommiers ils sont dus à un champignon ( Nectria galligena ) qui infecte le bois via des blessures (cicatrices foliaires, dégâts de grêle, plaies de taille…) ; chez les poiriers, il s’agit de pustules qui sont la forme hivernante de la tavelure ( Venturia pirina ) ; chez les espèces à noyau, l’agent causal des chancres est une bactérie ( Pseudomonas mors-prunorum ). Un traitement au cuivre effectué pendant la chute des feuilles sera efficace préventivement aussi bien contre les cryptogames que contre la bactériose. Ce traitement est de plus en plus important puisque nos automnes et hivers sont de plus en plus humides.

Dans le passé, il était aussi conseillé d’effectuer pendant l’hiver un traitement de la ramure au carbolineum ou aux huiles de pétrole ou d’anthracène. Actuellement, seule l’huile paraffinique est agréée.

… et à leur taille hivernale

Taille de formation, taille de fructification et taille de rajeunissement sont trois opérations conjointes qui sont la base de la conduite des arbres et arbustes fruitiers. Dans la plupart des méthodes de conduite, elles s’effectuent pendant que la végétation est à l’arrêt et que la ramure est dépourvue de feuillage, soit de décembre à mars. Au cours de ces quatre mois, les moments disponibles pour ce travail sont réduits par les conditions climatiques (froid et pluie) et par une luminosité faible. Un sol enneigé facilite la taille parce qu’il améliore fortement la visibilité de la ramure. Lorsque l’occasion se présente, il ne faut pas hésiter à se mettre au travail, afin d’avoir terminé la taille lorsque la végétation commencera.

Chez les espèces à pépins, la distinction entre les yeux (bourgeons à feuilles) et les boutons (bourgeons à feuilles et à fleurs) est facile. À partir de janvier, ces derniers ont tendance à grossir en s’écartant du rameau.

La situation est différente chez les espèces à noyaux : chez les pruniers et les cerisiers, il faut attendre le mois de mars et même l’éclatement des bourgeons pour distinguer les bourgeons à feuilles des bourgeons à fleurs : pointes vertes = feuilles ; pointes blanches = fleurs ! Chez les pêchers, les yeux sont pointus, tandis que les boutons (qui ne contiennent qu’une seule fleur) sont globuleux. Souvent, ils sont situés de part et d’autre d’un œil.

Dans les différentes espèces fruitières, des fruits momifiés suite à une attaque de moniliose ( Monilia fructigena ) peuvent être restés accrochés aux branches. Ils doivent être enlevés  et détruits puisqu’ils restent infectieux pendant un temps très long.
Dans les différentes espèces fruitières, des fruits momifiés suite à une attaque de moniliose ( Monilia fructigena ) peuvent être restés accrochés aux branches. Ils doivent être enlevés et détruits puisqu’ils restent infectieux pendant un temps très long.

Quelle que soit la forme voulue, buisson ou fuseau, il faudra, sur des arbres jeunes encore en formation, conserver tous les rameaux dont l’orientation va dans le sens voulu et qui ouvrent la couronne. Ceux qui se dirigent vers le centre et le haut seront supprimés entièrement. Afin d’obtenir des ramifications fructifères sur les rameaux principaux, ceux-ci sont raccourcis d’un tiers.

Dans la taille de formation, on veillera aussi à la forme générale de la couronne : conique pour les fuseaux, et plus évasée pour les buissons. Comme la tendance générale des arbres est à davantage de vigueur dans le haut, il faudra la contrarier en taillant plus court et sur une ramification latérale dans le haut, et moins sévèrement dans le bas. L’orientation idéale d’une ramification par rapport à l’axe central est approximativement l’horizontale chez les fuseaux, et 30 à 45º vers le haut chez les buissons.

Sur des arbres adultes dont la formation est terminée, la taille de fructification doit viser à obtenir un équilibre entre la formation de nouvelles pousses fructifères et l’enlèvement de rameaux qui prennent de l’âge. Ainsi, on prolongera la phase adulte productive et on retardera le vieillissement.

Dans la ramure, un bon éclairement et une bonne circulation de l’air sont obtenus en laissant au moins 30 à 40 cm entre deux branches qui se superposent. Sur une variété qui produit beaucoup de petites pousses, il faudra en enlever une partie pour les mêmes raisons. De manière générale, les arboriculteurs amateurs ont tendance à laisser trop de petits bois dans la ramure de leurs arbres.

Profiter de la taille pour assainir la ramure

Lors de la taille hivernale de pommiers par une journée bien claire, on remarquera facilement la présence de rameaux blanchâtres, mais aussi des rameaux sains dont le bourgeon terminal a un aspect anormal : non clos, avec des petites feuilles nécrosées. Il s’agit d’infections d’oïdium (Podosphaera leucotricha) dans sa forme hivernante. Lors de la taille hivernale, l’élimination et la destruction des pousses et des bourgeons infectés est importante puisqu’ils seront le point de départ des infections au printemps prochain.

Sur pommiers aussi, des chancres dus à Nectria galligena peuvent s’être développés sur des rameaux de tous âges : les rameaux jeunes et les rameaux âgés superflus sont coupés quelques centimètres sous la plaie, puis celle-ci est traitée avec un fongicide. Sur les branches charpentières à conserver, toute l’écorce malade est éliminée, puis la totalité de la plaie est recouverte d’un cicatrisant. L’opération devra peut-être être répétée dans le courant de l’année prochaine.

Dans les différentes espèces fruitières, des fruits momifiés suite à une attaque de moniliose (Monilia fructigena) peuvent être restés accrochés aux branches. Ils doivent être enlevés et détruits puisqu’ils restent infectieux pendant un temps très long.

Il va de soi que tous les rameaux apparemment morts doivent être enlevés et détruits.

Préparer les plantations nouvelles

Lorsqu’a été prise la décision de planter des fruitiers, plusieurs préalables doivent permettre de réussir au mieux la nouvelle parcelle.

La connaissance des caractéristiques du sol doit être précisée par une analyse et par l’examen d’un profil, afin d’apporter au préalable les amendements et les engrais nécessaires.

Les plants doivent être commandés ou réservés à temps. Ces dernières années, on a pu observer de plus en plus souvent des ruptures de stock dans les pépinières en raison de l’importance de la demande.

Les trous de plantation peuvent être creusés dès à présent lors de quelques belles journées automnales ; les tuteurs et le treillis de protection des racines seront ensuite mis en place. Il ne restera plus qu’à attendre la Sainte-Catherine pour effectuer la plantation selon toutes les règles de l’art.

Ir. André Sansdrap

Wépion

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