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Les travaux de récoltes réalisés durant la nuit sont-ils punissables?

L’été passé, notre rédaction a été alertée de plaintes adressées à l’encontre d’agriculteurs et entrepreneurs agricoles car ils poursuivaient les travaux de récolte durant la nuit. Il semble que, dans certaines communes, des riverains aient demandé une intervention de la police. Nous avons examiné la problématique au niveau juridique.

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En principe, la police intervient seulement quand il existe une infraction à une loi pénale. Si, entre deux parties, il existe seulement une discussion civile, la police refusera d’intervenir. Dans une simple discussion entre voisins, la police ne dressera un procès-verbal que si au moins une des parties a commis un délit. La première question qui se pose est de savoir si l’agriculteur ou l’entrepreneur agricole enfreint une loi pénale.

Même s’il n’est pas obligatoire de demander un permis unique pour les travaux de récolte, certaines interdictions assorties d’une sanction peuvent être applicables.

Bruits ou tapages nocturnes

L’article 561 du code pénal prévoit que ceux qui se seront rendus coupables de bruits ou tapages nocturnes, de nature à troubler la tranquillité des habitants, seront punis d’une amende de 10 à 20€ et d’un emprisonnement de 1 à 5 jours, ou d’une de ces peines seulement. En cas de récidive, le juge pourra prononcer, outre l’amende, un emprisonnement de neuf jours au plus.

Les amendes mentionnées dans le code pénal seront multipliées par 8 en application du système des décimes additionnels. Le montant de l’amende est augmenté des décimes additionnels en vue d’actualiser les montants figurant dans le code pénal.

Le code pénal ne prévoit pas une définition de la notion « bruits ou tapages nocturnes » ni de la notion « nuit ». Ce sera au juge de trancher sur les faits et de déterminer s’ils doivent être considérés comme bruits ou tapages nocturnes ayant troublé la tranquillité des habitants.

Dans la jurisprudence, on retrouve plusieurs arrêts intéressants de la Cour de Cassation. À plusieurs reprises, celle-ci a déjà décidé que si le bruit est la conséquence inévitable de l’exercice normal d’une profession, son auteur n’est pas punissable s’il a pris les mesures appropriées pour ne pas troubler le repos nocturne des voisins.

À notre avis, il faut aussi tenir compte de l’endroit où réside le voisin qui a porté plainte. Certains jugements exigent une plus grande tolérance de ceux qui viennent habiter en zone rurale face aux « ennuis de la campagne ».

En outre, on ne peut pas perdre de vue que la récolte doit être faite dans un très court laps de temps, avec un certain nombre de machines et dans des conditions météorologiques favorables. Durant cette brève période, il est vraiment nécessaire de travailler jour et nuit afin que l’on puisse terminer à temps la récolte.

Dans ces circonstances, on ne peut pas imaginer qu’un juge pénal condamnera un agriculteur ou un entrepreneur agricole pour des activités de récolte exercée durant la nuit.

Que dit le règlement de police ?

À côté du code pénal, il y existe des dispositions pénales ailleurs dans notre législation. Dans ce contexte, les règlements de police sont très importants. Dans chaque zone de police, on retrouve un tel règlement intégrant diverses dispositions, notamment en matière de bruits ou tapages nocturnes.

Heureusement, on constate que les règlements de police que nous avons examinés prévoient souvent une exception pour les machines agricoles, horticoles et forestières, si celles-ci sont utilisées dans des circonstances normales pour le secteur agricole. Souvent, on peut y lire un article affirmant que la disposition du tapage diurne et du tapage nocturne n’est pas applicable aux engins utilisés par les agriculteurs dans l’exercice de leur profession.

Troubles de voisinage ?

Rappelons que ceux qui se plaignent peuvent aussi s’adresser à la justice de paix sur base des troubles de voisinage. Dans ce contexte, ils ne doivent pas s’appuyer sur une infraction à une disposition pénale, ni sur une intervention de la police.

Il suffit que le plaignant prouve qu’il subit un trouble de voisinage. Selon l’article 3.101 § 1, deuxième partie du Code civil, le juge doit tenir compte de toutes les circonstances de l’espèce, tels le moment, la fréquence et l’intensité du trouble, la préoccupation ou la destination publique du bien immeuble d’où le trouble causé provient, afin de décider si l’équilibre entre les fonds voisins est violé.

Il nous semble peu probable qu’un juge statuera que les travaux de récolte réalisés durant une ou deux nuits par an constituent un trouble excessif.

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