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Drôle de guerre

Chaque année, novembre joue avec les contrastes et peint le monde en clair-obscur. Les nuits s’allongent à vue d’œil, tandis qu’en journée, le soleil joue à cache-cache entre brouillards et nuages. Pas pressé de travailler, l’astre du jour émerge durant l’après-midi et se montre l’espace de quelques heures : la campagne alors s’enflamme et brille de tous ses arbres, drapés d’ors et de fauves ! Ces moments de magie lumineuse nous font oublier quelques instants combien le onzième mois peut être terne et ennuyeux. Mais pour nous distraire cette année, l’actualité nous propose la COP 26. Déjà 26 ! Celle-ci attire tous les regards et vient donner quelques couleurs à notre quotidien, « le réchauffer » serait une expression malheureuse… À l’image des éditions précédentes, la grand-messe du climat se veut cette fois encore

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« déterminante », « de la dernière chance », émaillée de nombreuses promesses et de bonnes intentions. Pourtant, personne n’y croit vraiment et chacun attend que l’autre fasse des efforts, pour limiter les émissions de gaz à effet de serre. Le réchauffement climatique a déjà lancé ses premières offensives, mais l’humanité attend je ne sais quoi, je ne sais quelles catastrophes pour enfin prendre la mesure de l’ampleur du danger.

Tous ces atermoiements, ces décisions sans envergure, me rappellent furieusement la « Drôle de Guerre », entre septembre 1939 et mai 1940. Quand l’Allemagne a envahi la Pologne, la France et la Grande-Bretagne disposaient de forces armées largement suffisantes pour aller flanquer une bonne raclée aux hordes nazies, mais elles ont chipoté, lanterné, et laissé les Allemands monter en puissance jusqu’à la conflagration. Déjà, depuis l’accession d’Hitler au pouvoir, les Alliés Occidentaux avaient joué petits bras, accepté tous les compromis, signé des traités, discuté sans fin – « blablabla », dirait Greta Thunberg- et laissé aller les choses. L’Anglais Chamberlain et le Français Daladier avaient relayé la volonté politique de leurs pays, lesquels voulaient « sauver la paix » à tout prix. En 2021, les Grands de ce monde rassemblés à la COP 26 donnent aussi l’impression qu’ils veulent à tout prix sauver la paix illusoire du modèle capitaliste actuel, malgré les évidences d’un réchauffement climatique, lequel a déjà entamé les hostilités depuis des décennies !

Comme en septembre 1939, les pays les plus riches se regardent et attendent de voir. Certes, ils mobilisent des moyens, comme les Français et les Britanniques le firent lors des prémices de la seconde guerre mondiale. Confiants dans leurs forces (??), les « Alliés » de la COP engagent petit à petit des solutions qui devraient être massives, agressives et immédiates, afin de contenir la tendance au réchauffement dans des limites « gérables ». En octobre 1939, un journaliste anglais qualifia cette période incertaine de « phoney war » (fausse guerre, guerre bidon), qui devint vite par jeu de mot « funny war » (guerre amusante) dans la presse anglo-saxonne, traduite en « drôle de guerre » par les Français. En Allemagne, cette époque ahurissante reçut le nom de « Sietzkrieg » (guerre assise).

En vérité, nous vivons une guerre du climat assise, pas très « funny », et totalement irresponsable comme en 1939. L’ennemi implacable d’aujourd’hui, c’est nous-mêmes, notre addiction aux énergies fossiles, et notre consumérisme impénitent. L’humanité dispose de toutes les connaissances et de moyens extraordinaires pour réfléchir et trouver des solutions, mais l’insouciance, la gourmandise et l’égoïsme des peuples nantis les maintiennent dans un état de semi-coma irresponsable. L’urgence climatique les fait sursauter mollement de temps à autre, comme lors de ces « Conférences des Parties » (COP) consacrés aux défis du réchauffement. Les jeunes -et les moins jeunes- ont beau descendre dans la rue, multiplier les manifestations, mais rien ne bouge réellement. Les signataires des grandes conventions internationales marchandent chichement leur contribution personnelle, et rechignent à aider les peuples innocents qui souffrent le plus des changements climatiques, sans y avoir contribué. Un vaste mouvement international et une vraie solidarité restent désespérément confinés dans le domaine de l’utopie. Chacun râle dans son coin, y va de sa petite idée, de sa conception étriquée du problème. Voyez en Belgique ! La Flandre part dans un sens, la Wallonie dans l’autre, tandis que Bruxelles propose son propre programme. Les politiciens belges sont pathétiques !

En Belgique, l’agriculture contribue aux émissions de GES à hauteur de 10,1 %, loin de la moyenne mondiale de 25 %. Les activités industrielles et la production d’énergie se taillent chez nous la part du lion (48,1 %), les transports (22,3 %), le chauffage et l’électricité domestiques (18,7 %), chiffres (hors Covid) de 2019. Assez curieusement, les agriculteurs belges sont encore et toujours pointés du doigt, bien que nous ne brûlons pas nos forêts pour y planter du soya ou des palmiers à huile, bien que nos prairies -puits de carbone- couvrent la moitié des surfaces agricoles. Que pouvons-nous faire de plus ? Rouler demain à l’électricité ? Ne plus utiliser d’engrais azotés de synthèse ? Planter des millions d’arbres dans nos prairies ? Que vont-ils encore nous inventer comme directives et conditionnalités ?

La guerre assise menée par la COP 26 n’a rien de drôle, pour personne. Sans doute faudra-t-il d’autres virus, des inondations encore plus destructrices, des sécheresses et des famines désastreuses, des cyclones dévastateurs, pour sortir l’humanité de sa léthargie criminelle…

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Voix de la terre Il n’aura fallu que cinq jours ! Lundi matin, l’énorme vieille ferme dressait encore ses murs orgueilleux au milieu du village, défiant le temps et les saisons depuis trois cents ans. Vendredi soir, elle n’était plus là, tout simplement ! Disparue, envolée, comme si elle n’avait jamais existé. Un bulldozer, deux pelleteuses, ainsi qu’une noria de très gros tracteurs attelés de bennes, ont tout rasé et enlevé en quelques dizaines d’heures. Sur le terre-plein ainsi dégagé, sera bientôt construit un complexe de vingt appartements. L’un après l’autre, les derniers témoins de la vie agricole d’autrefois disparaissent des paysages intérieurs de nos localités.
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