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Comment aborder aux mieux la conservation et le stockage des précieux tubercules?

Les mécanismes physiologiques du tubercule (transpiration, respiration) perdurent durant la période de stockage. Certaines actions durant cette phase sont essentielles pour préserver leur qualité, limiter les pertes de poids, réduire le développement des maladies et maîtriser la germination.

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La conduite de la conservation passe par l’utilisation d’équipements adaptés qui, grâce à un contrôle précis de la température et de l’hygrométrie de l’air véhiculé dans le tas, permettent de sécher les tubercules, de favoriser leur cicatrisation, d’empêcher les condensations d’eau à leur surface, et d’éviter leur asphyxie, tout en limitant au maximum les pertes de poids par déshydratation.

La transpiration et la respiration des tubercules

De la récolte à l’utilisation, les tubercules respirent et transpirent activement. Une partie de l’énergie nécessaire à la vie du tubercule en cours de stockage est fournie par la respiration (formation de gaz carbonique et d’eau à partir d’amidon) qui provoque un dégagement de chaleur.

La respiration

Afin de maintenir les tubercules à un niveau de respiration faible, il est nécessaire de les refroidir par ventilation ou réfrigération en début de conservation, et d’assurer l’élimination régulière de la chaleur produite.

L’intensité respiratoire augmente avec :

– la température (entre 4ºC et 8ºC, l’intensité respiratoire est minimale) ;

– le calibre des tubercules :

– le nombre de manipulations subies par les tubercules avant le stockage ;

– le nombre et l’importance des blessures.

La transpiration

Elle se traduit par un dégagement de vapeur d’eau, important après la récolte, se stabilisant ensuite si les conditions de conservation sont satisfaisantes. La transpiration est responsable de 90 % des pertes de poids et peut entraîner une dépréciation de la qualité des tubercules (flétrissement ou apparition de faces planes).

L’intensité de la transpiration dépend :

– du pouvoir desséchant de l’air ventilé ou réfrigéré : on parle de déficit de pression de vapeur (DPV) qui est fonction de l’humidité relative et du différentiel de température entre l’air et les tubercules ;

– de la « sensibilité » de la peau à la déshydratation. En cas de récolte avant maturité (épiderme peu épais) ou endommagements (blessures), la perméabilité de l’épiderme s’accroît. Après cicatrisation, elle est réduite à son minimum.

Si la récolte doit être effectuée avec le plus grand soin, il en va de même  pour le déchargement, le stockage et la conservation des tubercules.
Si la récolte doit être effectuée avec le plus grand soin, il en va de même pour le déchargement, le stockage et la conservation des tubercules. - J.V.

Les pertes de poids sont maximales pendant le premier mois de stockage du fait de la présence de blessures non encore cicatrisées et de la nécessité de ventiler les tubercules durant de nombreuses heures pour les refroidir jusqu’à la température de consigne, a fortiori lorsque la récolte s’est effectuée en période chaude.

Ces pertes sont généralement plus élevées dans les bâtiments vrac, ventilés uniquement avec l’air extérieur, que dans les bâtiments réfrigérés, du fait d’une moins bonne maîtrise du DPV. Malgré tout, l’utilisation d’une sonde hygrométrique extérieure couplée au système de régulation permet de limiter les pertes en eau. L’emploi supplémentaire d’équipements d’humidification d’air permet encore de les abaisser de 1 % environ en moyenne.

Ainsi, pour un stockage en bâtiment vrac sans ventilation, les pertes de poids peuvent atteindre 3 à 5 % durant le premier mois si les tubercules sont immatures ou fortement blessés, avant de se stabiliser ultérieurement entre 0,5 à 0,8 % par mois.

Pour six mois de stockage, ces pertes peuvent atteindre, en bonnes conditions, 5,5 à 6,5 % pour les stockages vracs ventilés, 3,5 à 4 % pour les stockages réfrigérés en caisses, et 4,5 % pour les stockages vrac ventilés avec humidification d’air.

Choisir la température de consigne

La température de conservation des pommes de terre est déterminée en fonction du débouché des tubercules et des équipements de stockage disponibles (présence ou non d’un groupe frigorifique).

Pour les tubercules destinés au marché du frais, il est primordial de préserver la qualité de présentation. Pour les pommes de terre destinées à la transformation, on cherche avant tout le maintien de leur qualité technologique, alors que pour les pommes de terre féculières, l’objectif est de préserver l’intégrité des tubercules et maintenir leur teneur en amidon.

Afin de bien contrôler la température de conservation du tas, il est recommandé de disposer d’au moins une sonde de température par tranche de 200 t de pommes de terre stockées et d’au moins deux sondes par cellule.

Pomme de terre destinée à la transformation

Pour ce débouché, il est important de maîtriser le métabolisme des sucres afin de maintenir la qualité technologique des pommes de terre. Les sucres réducteurs (glucose et fructose) conditionnent dans une large mesure la couleur des produits transformés. Ils réagissent, lors de la cuisson, avec les protéines pour donner des composés bruns qui altèrent la couleur et la saveur (amertume) des chips et des frites et, dans une moindre mesure, celle des flocons. Ce phénomène est connu sous le nom de réaction de Maillard ou brunissement non enzymatique. Pour la plupart des produits transformés, la teneur en sucres réducteurs doit être faible à modérée.

En conservation, la teneur en sucres est susceptible d’augmenter fortement sous l’influence :

– du froid (« sucrage à basses températures » ou « sucrage de froid ») ; il s’agit d’une réaction rapide se développant en dessous de 8-10ºC mais partiellement réversible par réchauffage prolongé des tubercules à 15-18ºC (reconditionnement) ;

– du vieillissement des tubercules (« sucrage de sénescence ») qui constitue un phénomène irréversible susceptible de se développer après plusieurs mois de conservation si la température est trop élevée.

Cette évolution dépend essentiellement de la variété, de la maturité, de la température et de la durée du stockage.

Pour la pomme de terre destinée à la transformation, le choix de la température de consigne doit être un compromis entre une température assez élevée (9-10ºC) permettant d’éviter le « sucrage à basses températures » et une température plus basse (6ºC) limitant les pertes de poids, la germination et le « sucrage de sénescence ». L’optimum dépend de la variété, de la maturité au défanage, du débouché et de la durée de conservation envisagée, la règle générale étant de faire un choix d’autant plus bas que la durée est longue.

Pomme de terre féculière

Le maintien de la qualité technologique (teneur en amidon) des pommes de terre féculières suite à une durée de conservation longue est le principal objectif en conservation. La température de consigne visée est de l’ordre de 5 à 6ºC.

Pomme de terre destinée au marché du frais

Pour le marché du frais, les objectifs prioritaires sont le maintien de la turgescence et le contrôle de la gale argentée, de la dartrose et de la germination.

Le choix de la température contribue en partie à ces objectifs puisque la germination et le développement de ces pathogènes sont fortement réduits en dessous de 5-6ºC. Toutefois, ce choix doit être compatible avec l’utilisation culinaire des tubercules.

Pour les variétés ayant au moins une assez bonne aptitude à la friture à la récolte et destinées à une commercialisation spécifiquement pour cet usage (« spéciale frites ») (exemples : Bintje, Victoria ou encore Agria), il est nécessaire d’adopter une consigne au moins égale à 5-7ºC.

Pour les autres utilisations

Pour les autres modes d’utilisation (pommes « vapeur », purées, gratins, salades), et dans le cas général où l’utilisation d’un inhibiteur de germination est possible en cas de stockage prolongé, une température comprise entre 4,5ºC (variétés à teneur en sucres faible à modérée : Charlotte ou Belle de Fontenay) et 6-6,5ºC (variétés à teneur en sucres assez élevée à élevée : Monalisa, Samba, Nicola ou Franceline) semble le meilleur compromis. Le seuil minimal de 4,5ºC est d’ailleurs une des exigences de la Norme de « production raisonnée » AFNOR NF V 25-111.

Assurer un séchage et une cicatrisation efficaces

Lorsque les tubercules sont humides à la récolte, leur séchage immédiatement après la mise en stockage est requis pour éviter le développement d’agents pathogènes (pourritures bactériennes ou fongiques, gale argentée). Une ventilation énergique du tas doit donc être mise en œuvre au fur et à mesure du remplissage du bâtiment.

Pour assurer un séchage efficace des tubercules, quelle que soit l’humidité relative de l’air ventilé, il faut que la température de l’air soit inférieure à celle du tas. Par contre, plus l’hygrométrie est basse, plus rapide est le séchage. La durée de séchage dépend aussi de la quantité de terre présente dans le tas.

Durant la conservation, il convient d’assurer un bon suivi de l’évolution des tubercules  et de leur éventuelle germination, afin d’intervenir au moment opportun.
Durant la conservation, il convient d’assurer un bon suivi de l’évolution des tubercules et de leur éventuelle germination, afin d’intervenir au moment opportun. - TD

L’usage du groupe froid seul permet d’assurer un séchage satisfaisant des tubercules tant que ceux-ci sont rentrés chauds. Lorsque la récolte est susceptible d’être réalisée par temps froid, température inférieure à 12ºC, l’apport d’un air extérieur froid et sec est recommandé.

Pour un stockage en vrac ventilé par la base, le séchage est obtenu lorsque les tubercules du sommet de tas sont secs. Avec une capacité de ventilation élevée (100 m³/h par m³ de pommes de terre), il faut en moyenne deux à trois jours pour y parvenir. Toutefois, un début de déshydratation des tubercules dans la couche inférieure du tas est inévitable.

Après séchage, il convient d’amener progressivement la température du tas entre 12ºC et 15ºC en maintenant une hygrométrie voisine de 90 % pour assurer de bonnes conditions de cicatrisation des blessures. Dans tous les cas, il faut éviter le réchauffement du tas au-dessus de 18ºC. Dans ces conditions, la cicatrisation est achevée 15 jours à 3 semaines après la mise en tas. Une bonne cicatrisation des blessures contribue à limiter le développement des agents pathogènes responsables des pourritures sèches ou humides.

Lorsque la température des tubercules récoltés est modérée à faible, il est nécessaire de marquer un palier dans la descente en température du tas en limitant les heures de ventilation et en privilégiant les heures à hygrométrie maximale. Dans la mesure où les tubercules respirent et transpirent encore beaucoup sous ces conditions, il convient de ventiler faiblement mais régulièrement. Cela permet d’éviter toute élévation de température après séchage et d’empêcher toute condensation au sommet du tas, tout en assurant un renouvellement d’air suffisant.

Lorsque les tubercules sont récoltés chauds et tôt en saison, ce palier peut être limité voire inexistant, en veillant toutefois à maintenir une hygrométrie élevée durant les heures de ventilation/réfrigération.

Refroidir et maintenir la température

Lorsque la cicatrisation des tubercules est achevée, le tas est progressivement refroidi jusqu’à la température de consigne. L’utilisation du groupe froid permet de fournir un air froid « standardisé » en température et hygrométrie limitant la déshydratation des tubercules.

En cas de ventilation du bâtiment avec l’air extérieur, l’usage d’un système automatisé de mélange d’air intérieur/extérieur permet d’optimiser le différentiel de température entre l’air soufflé dans le tas et le stockage.

Par principe, la ventilation avec l’air extérieur s’effectue lorsque la température extérieure est inférieure à celle du tas. Grâce au dispositif de mélange d’air, l’écart de température entre l’air ventilé peut être maintenu constant, en général entre 1,5ºC et 2,5ºC. La régulation automatisée de déclenchement de la ventilation s’effectue à partir de la prise en considération de trois capteurs de température : un extérieur, un dans le tas et un dans le couloir technique.

Afin de bien contrôler la température de conservation du tas, il est recommandé de disposer d’au moins une sonde de température par tranche de 200 t de pommes de terre stockées  et d’au moins deux sondes par cellule.
Afin de bien contrôler la température de conservation du tas, il est recommandé de disposer d’au moins une sonde de température par tranche de 200 t de pommes de terre stockées et d’au moins deux sondes par cellule. - J.V.

Cette technique de mélange d’air permet d’accroître le nombre d’heures disponibles pour la ventilation et de l’autoriser y compris en période de gel.

Après toute ventilation froide, il est nécessaire d’homogénéiser les températures du tas par un recyclage interne, dont la durée est d’environ 20 % de la durée de ventilation avec l’air extérieur.

L’utilisation complémentaire d’une sonde d’hygrométrie extérieure couplée à la régulation permet de mettre en marche la ventilation lorsque l’hygrométrie est supérieure à un seuil donné (90 ou 95 %) de façon à limiter les déficits de pression de vapeur.

Lorsqu’on ne dispose que de l’air extérieur, il est préférable d’éviter un refroidissement trop rapide, qui crée des hétérogénéités de température et favorise des condensations en surface. De plus, un refroidissement exceptionnellement plus rapide que l’abaissement habituel des températures extérieures minimales risque de limiter fortement les périodes propices aux ventilations de renouvellement d’air. Ce manque de ventilation favorise alors les remontées en température et hygrométrie dans le stockage qui accroissent la pression germinative.

La vitesse de descente de la température des tubercules est un paramètre à considérer. Ainsi, lorsque les pommes de terre ont un débouché industriel en produits frits, l’abaissement de la température doit être progressif de façon à éviter un sucrage de « stress » trop important en début de conservation. Il est ainsi conseillé de réduire la température du tas sur un rythme modéré de 0,3ºC à 0,5ºC maximum par jour.

Dans le cas d’un stockage réfrigéré exclusivement destiné au marché du frais, les contraintes de sucrage sont moins fortes. La diminution de la température se fera plus rapidement, par un abaissement de 0,5ºC à 1ºC par jour pour se placer rapidement en dessous du seuil thermique de développement des pathogènes nuisibles à la présentation.

Inhiber la germination

La gamme de produits pour contrôler la germination des tubercules au stockage compte plusieurs solutions : l’huile de menthe (Biox-M), l’huile essentielle d’orange (Argos), le 1,4-dimethylnaphtalène (1,4 Sight) ou encore l’hydrazide maléique appliqué au champ, avant la récolte.

En la matière, il convient à tout un chacun de faire son choix en fonction de ses préférences, des appareils de thermonébulisation disponible à la ferme ou encore des demandes des acheteurs.

En cas de traitements par thermonébulisation

Le choix de la dose et des dates d’interventions doit se faire en prenant en compte la température de conservation, l’aptitude à la germination des tubercules (variété, influence des conditions climatiques en végétation…) et les conditions de récolte (terre adhérente aux tubercules).

Un bon suivi de l’évolution du tas est nécessaire pour éviter toute application trop tardive (et donc un démarrage intempestif de la germination), susceptible d’induire ultérieurement un phénomène de germination interne.

Par ailleurs, pour éviter tout risque de brûlure de l’épiderme, les applications ne doivent se faire que sur des tubercules secs et bien cicatrisés. Ainsi, une période de refroidissement (réduction de la température de 0,2ºC), complétée d’une ventilation interne vigoureuse, 24 à 48 heures avant traitement, sont conseillées.

Après application, le bâtiment doit rester fermé, sans brassage d’air ni réfrigération, durant généralement 24 à 48 heures pour favoriser le bon dépôt du produit. Pour l’huile de menthe, au moins 48 heures sont nécessaires.

Afin d’éviter tout risque de sucrage par l’excès de CO2 dans l’air ambiant pour les tubercules destinés à la friture, il est conseillé d’assurer, pendant quelques minutes seulement, un renouvellement d’air dans le bâtiment 12 heures après traitement. L’utilisation de l’huile de menthe n’a pas d’effet significatif sur la qualité culinaire et technologique.

L’efficacité du traitement est conditionnée par le bon respect des doses, des dates d’application mais également par le maintien rigoureux des tubercules à la température de consigne.

D’après Arvalis

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