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Hilde Vautmans: «Cette PAC apporte de la sécurité aux agriculteurs européens»

Quelques minutes après que le parlement eut donné son feu vert à la nouvelle PAC, nous sommes allés à la rencontre de plusieurs eurodéputés. Pour la libérale flamande Hilde Vautmans, il fallait absolument voter cette réforme qui apporte de la flexibilité aux États membres pour écrire leur PAC.

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L’exercice d’équilibre était certes difficile, mais il s’agit, pour M. Vautmans, fille d’agriculteur, échevine de la ville de Saint-Trond, d’une PAC « réaliste et ambitieuse » qui offre aux agriculteurs une sécurité et une clarté juridiques. Une politique agricole dont ils sont le centre, mais dans laquelle des efforts leur seront également demandés.

Quels sont les arguments de votre groupe politique en faveur de cette réforme ?

C’est tout d’abord la flexibilité. Nous passons d’une « taille unique » (one size fits all) à une « approche sur mesure ». Cela nous permet de mieux prendre en compte la réalité. Je vis à Saint-Trond, dans la ville des fruits, entre les pommes et les poires, et on ne peut s’attendre à ce qu’un producteur d’oranges espagnol réduise ses émissions de CO2 de la même manière qu’un éleveur de porcs belge. Les investissements en faveur de l’environnement seront très différents. Les États membres et les agriculteurs ont leurs propres défis et opportunités, et étant donné le budget plus faible, il est crucial d’utiliser les ressources plus efficacement. On va de la conformité à la performance : l’accent sera moins mis sur la réglementation et la conformité, mais plutôt sur les progrès et les résultats concrets. Contrairement à ce que certains soutiennent, la PAC est plus verte que jamais, mais d’une manière différente. Mon groupe, Renew, s’est beaucoup investi dans le système des éco-régimes dont c’était le cheval de bataille. Grâce à ceux-ci, les agriculteurs obtiennent plus d’argent s’ils investissent en faveur de l’environnement et peuvent démontrer ces résultats. Plus vous voulez faire pour le climat, plus vous gagnez de l’argent.

En parlant d’éco-régimes, comment les voyez-vous fonctionner chez nous ?

Je rappelle une nouvelle fois l’avantage des éco-régimes qui constituent un bien meilleur cadre de travail pour les agriculteurs. Ils sont les premiers à être confrontés au changement climatique et tireront bénéfices de ce nouveau système. Les éco-régimes permettent par exemple aux agriculteurs et aux États membres de choisir eux-mêmes la façon dont ils pourront travailler d’une manière plus respectueuse de l’environnement. Une entreprise fruitière en Hesbaye pourra se concentrer sur l’arrosage et la fertilisation de précision, un producteur de pommes de terre liégeois privilégiera la rotation des cultures et implantera des bandes fleuries. Des mesures qui sont moins pertinentes pour un éleveur de porcs en Flandre-Occidentale. Pas de problème, celui-ci pourra par exemple se tourner vers des plans d’alimentation animale adaptés. Chacun fera ce qu’il jugera comme potentiellement le plus efficace pour lutter contre le réchauffement climatique et pour préserver la biodiversité. Plus vous en faites pour l’environnement, plus vous en serez récompensé financièrement.

Pourquoi y avait-il urgence de voter cette nouvelle PAC ?

1.000 exploitations agricoles disparaissent chaque jour en Europe. Et je le constate dans mon propre environnement. Enfant, je me souviens qu’il y avait une ferme dans chaque rue. Désormais, les petits agriculteurs ont quasiment tous disparu. Il faut garder l’agriculture européenne en vie, je ne pourrais jamais accepter une importation massive de produits en provenance de pays tiers. Je reconnais néanmoins que cette réforme n’est pas parfaite. J’aurais préféré voir un peu plus de soutien pour nos jeunes agriculteurs et il manque, à mes yeux, des actions concrètes pour renforcer la position des agricultrices. Mais cette réforme est nécessaire pour garantir la survie de la filière, de nos 10 millions d’agriculteurs européens et des 44 millions d’emplois qui y sont associés.

Que répondez-vous aux écologistes qui regrettent une timidité des avancées au niveau du climat et à ceux qui crient aux « greenwashing » ?

Pour certains l’accord est trop vert, pour d’autres il ne l’est pas assez. Pour moi, il est réaliste et ambitieux, et il réconcilie la survie de l’agriculture avec le Pacte Vert et la stratégie « De la fourche à la fourchette ». Nous devons devenir plus écologiques, mais sans mettre le secteur agricole à genoux. La PAC se doit d’être un modèle de revenu économique, pas une politique qui impose des règles irréalistes qui tuent le secteur. Et c’est ce que propose la présente réforme , tout à la fois favorable pour les agriculteurs, l’environnement et les consommateurs. Voter contre cet accord aurait été synonyme de retour à l’ancienne PAC, beaucoup moins verte que celle qui entrera en vigueur en janvier 2023.

Quels sont justement les atouts de cette réforme par rapport à la précédente programmation ?

C’est une répartition plus juste des subventions de la PAC, plus de soutien aux agriculteurs actifs. Il sera possible d’octroyer un niveau d’aide plus élevé à l’hectare aux petites et moyennes exploitations agricoles. Cette réforme introduit aussi une redistribution obligatoire d’au moins 10 % des paiements directs aux petites et moyennes exploitations. La nouvelle PAC signifiera d’autre part moins de charge administrative pour les agriculteurs. Les avancées au niveau de l’OCM aideront les agriculteurs à faire face aux risques et aux éventuelles crises futures.

Vous évoquez la Belgique… Où en est justement votre région, la Flandre, au niveau de ses plans stratégiques ?

La Belgique sera le seul État membre à soumettre deux plans stratégiques à l’Europe. Ils devront l’être avant la fin de l’année pour que la commission les adopte en 2022. Tant la Wallonie que la Flandre seront dans les temps.

Hilde Crevits a déclaré en octobre que la PAC serait soumise à un examen public pendant 60 jours au cours des prochains mois. Après cela, elle doit être approuvée par le gouvernement flamand pour être officiellement soumise à la commission. La Flandre n’attendra pas 2023 pour se lancer. Le gouvernement flamand a approuvé cinq nouveaux « pré-éco-régimes » en septembre. Ils portent sur le développement et à la gestion de prairies productives, aux cultures respectueuses de l’environnement, du climat et de la biodiversité, à l’agriculture de précision ou encore à l’augmentation de la teneur en carbone organique des terres arables. Ils constituent un tremplin vers la nouvelle PAC.

Dans les six piliers autour desquels s’articulent ses plans stratégiques, La Flandre défend des ambitions en matière climatique et environnementale, mais aussi l’innovation ainsi que l’esprit de collaboration. Lorsque vous êtes seul, vous êtes vulnérable, lorsque vous défendez les intérêts d’un groupe, vous êtes plus fort. Un point sur lequel nos agriculteurs doivent encore travailler...

Marie-France Vienne

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