Accueil Droit rural

Céder son droit de préemption: quels avantages?

En tant que jeunes agriculteurs nous sommes confrontés à une grave problématique : nous avons repris l’exploitation de mes parents il y a quelques années. Aujourd’hui, l’un de nos bailleurs est décédé et ses héritiers souhaitent vendre les parcelles que nous avons en bail à ferme. Nous ne sommes actuellement pas capable d’acheter ces terres mais, sans celles-ci notre ferme se sera peut-être plus rentable. Pouvons-nous faire stopper cette vente ?

Temps de lecture : 4 min

Par le décès de votre bailleur, ses héritiers sont devenus vos nouveaux bailleurs. La relation entre le bailleur et le preneur n’est pas modifiée par cet héritage. Selon l’article 55 l’acquéreur à titre gratuit ou à titre onéreux est subrogé dans les droits et obligations du bailleur. Vous restez donc preneur en quatrième année de la première période de bail. Toutes les clauses et dispositions contractuelles restent les mêmes, seule la personne assimilée au bailleur change.

La vente est possible

Chaque propriétaire a en principe le droit de disposer de ses biens immobiliers. Il peut soit les vendre, soit les modifier et même les donner. Le fait qu’un bien immobilier soit loué sous le régime du bail à ferme n’empêche pas un propriétaire de le vendre. Vous n’avez en tant que preneur aucun moyen légal d’arrêter la vente d’un bien loué sous le régime du bail à ferme.

Bénéficier d’un droit de préemption

Néanmoins, le propriétaire est obligé de tenir compte de la convention de bail à ferme. Le propriétaire qui veut vendre est entre autres obligé d’expliquer aux candidats acquéreurs la situation locative, car l'’acquéreur sera subrogé dans les droits et obligations du bailleur. De plus, le vendeur sera en principe obligé d’offrir un droit de préemption au preneur. Ce droit de préemption donne au preneur la possibilité d’acheter au même prix et même conditions. Cela veut dire que le bailleur – vendeur peut seulement conclure une convention de vente sous la condition suspensive que le preneur n’exerce pas son droit de préemption légale. En pratique c’est le notaire qui offre le droit de préemption par l'envoi d’une lettre recommandée avec une copie de la convention de vente et une explication sur le droit de préemption et la façon de l’exercer dans le délai légal d’un mois.

Cession du droit de préemption

Vous précisez, dans votre courrier, qu’il vous est actuellement impossible d’acquérir ces parcelles même si vous bénéficiez de votre droit de préemption. La reprise de la ferme récente fait que vous ne disposez pas des moyens financiers et ne pouvez pas les emprunter. Afin de garantir que ces terres ne seront pas achetées par quelqu’un qui va vous donner congé pour exploitation propre, vous pouvez envisager de trouver vous-même un acquéreur qui n’est pas intéressé par l’exploitation des biens. La possibilité de céder son droit de préemption, comme elle est prévue dans l’article 48 bis de la loi sur le bail à ferme, vous donne cette solution. Cet article prévoit que le preneur peut céder son droit de préemption pour la totalité du bien, ou pour partie s’il l’exerce lui-même pour le surplus, à un ou plusieurs tiers.

Les conditions

Pour céder son droit de préemption il faut notifier la cession au notaire. En cas de vente de gré à gré, le preneur et le ou les tiers notifient ensemble la cession et l’acceptation au notaire dans le mois de la notification du notaire, auquel cas, conformément à l’article 1583 du Code civil, la vente est parfaite entre parties dès que l’acceptation du preneur et le tiers est arrivée à la connaissance du notaire.

En cas de vente publique physique, le preneur déclare céder le droit de préemption et le tiers déclare exercer ce droit, à la séance d’adjudication, ou à l’occasion de la notification de l’acquiescement dans le délai de dix jours.

En cas de vente dématérialisée, le preneur déclare céder son droit de préemption et le tiers déclare exercer ce droit, à l’occasion de la notification d’un extrait de l’acte d’adjudication faite par l’officier instrumentant et cela dans les 10 jours.

Renouvellement du bail

Céder son droit de préemption n’entraîne pas uniquement la présence d’un nouveau propriétaire qui ne donnera pas congé. Il existe une autre conséquence favorable pour le preneur. En cas de cession de droit de préemption, le bail est renouvelé de plein droit au profit du preneur à dater du jour anniversaire de l’entrée en jouissance du preneur suivant la date d’acquisition par le tiers. Cela signifie que vous recevrez en tant que preneur une nouvelle première période de bail. Comme vous avez un bail ayant commencé le 1er décembre, une vente au printemps du 2022 résulte dans une nouvelle période de bail qui débutera le 1er décembre de 2022

Jan Opsommer

A lire aussi en Droit rural

La cession privilégiée en gelée…

Droit rural Qui veut bien se prêter à l’exercice de la comparaison entre l’ancienne version de la loi sur le bail à ferme et sa nouvelle version wallonne, en vigueur depuis le 1er janvier 2020, fera le constat que, ci-et-là, apparaissent parfois de nouvelles dispositions légales, autrement appelées de nouveaux articles, souvent affublés d’un « bis » ou d’un « ter » : 2bis, 2ter, 57bis…
Voir plus d'articles