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Virus et sacs à puces

De toute évidence, le réchauffement climatique nous avait oubliés durant les premiers jours de décembre… Il était sans doute trop occupé ailleurs, à faire fondre la banquise du Pôle Nord, les glaciers des Alpes et des Andes, sans oublier les pergélisols en Sibérie. Chez nous, la météo nous a gratifiés d’une semaine de Saint-Nicolas tout à fait classique, avec des températures aux alentours de zéro degré et de sporadiques chutes de neige. Les vaches ont rejoint leur étable depuis la Saint Martin, et nos vieux chats ne quittent plus leur coussin au coin du feu. Les jours sont très courts ce mois-ci, mais à partir de la Sainte-Luce (13 décembre), ils croissent paraît-il du « saut d’une puce », car le soleil se couche un peu plus tard chaque fin d’après-midi.

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Ceci dit, une puce saute très loin et très haut, par rapport à sa taille, comme si un être humain bondissait de 100 mètres à chaque saut. Puces et virus, même combat : se trouver un hôte compatissant qui leur assure le gîte et le couvert. Et on saute d’une victime à l’autre ! Notre vieux copain Covid adore ce petit jeu. Il joue les prolongations et va sans doute se décliner dans toutes les lettres de l’alphabet grec. En général, m’a dit un vétérinaire, un coronavirus dans un élevage fait des vagues durant cinq ans, avant de devenir inoffensif et se faire oublier. Il nous reste encore trois années à patienter, jusque 2024 si tout va bien. Mais soyons optimistes, que diable ! Grâce aux vaccins et aux masques, on sera quitte bien avant, à moins qu’Omicron ne devienne un vilain Pi, puis un Rhô indomptable, un Sigma terrifiant, jusqu’à un Omega qui signerait notre fin…

D’un Codeco à l’autre, les recommandations et les obligations sanitaires évoluent à la va comme je te pousse, -comme je te puce, du saut d’une puce-. C’est devenu le train-train quotidien, et le reste de l’actualité baigne dans cette soupe à la grimace. La réforme de la PAC est arrivée au bout de son petit bonhomme de chemin, sans trop se presser comme à chaque fois. Les éleveurs wallons de bovins viandeux, appréhendent l’abandon des primes « vaches allaitantes » comme une trahison de nos ministres agricoles. À l’image des carabiniers d’Offenbach, ils montent trop tard au combat, contre la PAC nouvelle-née déjà coulée dans son bunker bétonné. Il aurait fallu manifester de nombreux mois plus tôt, mais de manière assez curieuse, les FWA, FUGEA, ABS, BB &Cie ont attendu la chute des feuilles pour mobiliser leurs troupes. Étrange et déplorable atermoiement, n’est-il pas ?

Mais ces cultos « sans-culotte », qu’ils se consolent donc au lieu de pleurnicher, plastronnent syndicats et politiciens : une nouvelle loi destinée à protéger les agriculteurs des pratiques commerciales abusives va voir le jour. Alléluia ! Il est né, le divin enfant, jouez hautbois, résonnez musettes ! Depuis plus de cinquante ans, nous le promettaient les prophètes (ministres, syndicats, politiciens, etc), nous attendions cet heureux temps. Qu’il est beau, qu’il est charmant, chantons tous son avènement ! Comme tous les agriculteurs, je suis très curieux de voir quand et comment cette promesse se traduira en actes réels, en décrets noirs sur blanc, ou si la montagne aux écritures accouchera encore d’une souris, comme d’habitude…

Nous autres paysans, depuis plus de quatre mille ans -comme dans la chanson ! –, nous n’avons d’autre choix que d’être taillables et corvéables à merci, variables d’ajustement dans une société qui compte sur nous pour la nourrir et faire gagner beaucoup de sous aux autres maillons de la chaîne commerciale alimentaire. J’ai peine à croire que justice nous sera rendue grâce à cette nouvelle loi, dans nos rapports commerciaux avec nos acheteurs… J’espère de tout cœur me tromper, et que demain voit poindre un jour nouveau, où les richesses créées au sein de la galaxie agro-alimentaire seront réparties équitablement entre tous les intervenants. On peut rêver un peu, du saut d’une puce, en cette semaine de Noël…

Cependant, et je vais encore faire mon grognon, il est vraiment déplorable d’avoir attendu qu’il ne reste presque plus d’agriculteurs pour mettre en place cette (très hypothétique) mesure. Depuis plusieurs décennies, les autorités se comportent avec nous comme un mauvais fermier qui soigne très mal ses vaches, et les trait jusqu’à la dernière goutte de lait. Épuisées, démotivées et malheureuses, elles disparaissent une après l’autre, sans être remplacées. Le fermier n’a que faire de ces « sales bêtes » et mise sur les plus résistantes, les plus rentables qui lui assurent toujours une bonne production. Mais un jour, il se rend compte qu’il ne lui reste que quatre vaches sur les quarante qu’il possédait, et seulement une génisse pour leur succéder. Zut alors ! Il doit faire quelque chose, mais quoi ? Ceux qui profitent de nous depuis plus de quatre mille ans, commencent tout doucement à admettre qu’il restera infiniment trop peu d’agriculteurs dans nos régions, d’ici une dizaine d’années. Mais la pièce a mis trop de temps à tomber…

Le mal numéro UN dont souffre le tout petit monde agricole wallon, réduit en 2021 à sa plus simple expression, c’est l’absence de perspectives pour les rares jeunes motivés par notre beau métier. On a beau les éblouir avec l’agriculture 2.0, le smart-farming et autres miroirs aux alouettes, eux-mêmes ne sont pas dupes et ne croient plus aux miracles, aux promesses « sacs à puces » et « virus ».

Mais à Noël, tous les rêves sont permis. Joyeux réveillons à vous et belles fêtes de fin d’année !

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