Accueil Economie

Plan stratégique wallon« : le gouvernement s’engage résolument aux côtés des agriculteurs»

Le plan stratégique wallon, qui porte sur un total de 1,862 milliard € mobilisé par l’UE et la Wallonie, a été présenté le 17 janvier dernier, par les trois partenaires du gouvernement wallon (PS, MR et Écolo). Si l’on ne peut parler de révolution, la proposition, très attendue et parfois redoutée, s’est à tout le moins attachée à épouser les réalités et défis de l’agriculture au sud du pays.

Temps de lecture : 9 min

En pleine période transitoire entre deux PAC, alors que l’on peine à sortir d’une crise sanitaire à rallonge, il n’était pas inutile de jeter un œil dans le rétroviseur, un travelling-arrière qui nous permet de revenir aux sources pour mieux appréhender le futur.

Une approche basée sur la subsidiarité

Ce passé est toujours d’avenir, celui d’une politique agricole commune basée sur l’objectif d’accroître la productivité de l’agriculture, d’assurer un niveau de vie équitable aux agriculteurs et des prix raisonnables aux consommateurs, de veiller à la stabilité des marchés agricoles et de garantir l’approvisionnement et la souveraineté alimentaire.

Pour rappel, la PAC est financée d’un côté par le Feaga (Fonds européen agricole de garantie), de l’autre par le Feader (Fonds européen agricole pour le développement rural). Les agriculteurs bénéficient d’aides directes du premier pilier financé à 100 % par l’UE et d’un soutien au développement rural que l’on retrouve dans le deuxième pilier bénéficiant d’un co-financement à hauteur d’un tiers par l’UE et deux tiers par la Wallonie.

« Le parcours européen pour adopter la nouvelle PAC a été le plus long et le plus difficile de l’histoire de l’agriculture » a avancé le ministre-président Elio Di Rupo en évoquant le périlleux exercice de transposition des nouvelles modalités à la réalité wallonne qui aura nécessité de nombreuses discussions et analyses dont le fruit se retrouve gravé dans un document de 800 pages.

En tout, ce sont 14.800 agriculteurs et autres acteurs (communes, associations…) qui bénéficient, en Wallonie, des aides de la PAC. Même si ses objectifs principaux restent la production de produits agricoles ainsi que l’apport d’un revenu du travail équitable aux agriculteurs, la PAC s’est peu à peu élargie au développement rural, à la protection de l’environnement, de la biodiversité, du bien-être animal et, enfin, ces dernières années, à la lutte contre le réchauffement climatique. Cette nouvelle PAC suivra une approche davantage basée sur la subsidiarité, c’est-à-dire une plus grande autonomie des États membres.

Des objectifs européens aux défis wallons

La PAC 2023-2027 reprend trois objectifs globaux (favoriser le développement d’un secteur agricole innovant, résilient et diversifié garantissant la sécurité alimentaire, renforcer la protection de l’environnement et l’action pour le climat afin de contribuer aux objectifs de l’UE et enfin renforcer et consolider le tissu socio-économique des zones rurales) eux-mêmes déclinés en neuf objectifs spécifiques et soulignés d’un objectif transversal.

La Wallonie a, quant à elle, fixé les siens dans son plan stratégique qui s’articule autour de plusieurs axes. C’est la garantie du revenu des agriculteurs, du soutien équitable des différents types d’agriculture qui doivent garder leur complémentarité par rapport aux besoins du marché (conventionnel, bio, qualité différenciée, élevage, cultures, maraîchage…), de la sauvegarde et de la promotion de l’autonomie alimentaire. C’est encore d’assurer une transition vers une agriculture plus durable, s’inscrire dans l’orientation donnée par le Pacte Vert et enfin, favoriser la reprise des exploitations par la nouvelle génération et dégager des moyens en vue d’intensifier la transformation de la production.

L’âge moyen des chefs d’exploitation en Wallonie est aujourd’hui de 54 ans et seul un exploitant de 50 ans et plus sur cinq déclare avoir un successeur, « c’est dire à quel point l’enjeu de la transmission vers les jeunes a retenu notre attention » a insisté le ministre Willy Borsus dans son intervention.

Le ministre Borsus a confirmé une aide forfaitaire à l’installation de 70.000€ et annoncé deux nouveautés, tout d’abord la possibilité d’accès à l’aide pour les jeunes à titre complémentaire, avec l’engagement de passer à une activité à titre principal dans une période de cinq ans au maximum, ensuite la suppression de l’obligation de développement qui pouvait s’inscrire dans « un cycle négatif de surinvestissement pour le jeune ».

Une attention particulière a été apportée à l’installation en horticulture dans les critères de sélection des projets.

Premier pilier et transfert de montants de l’enveloppe des aides couplées vers celle des éco-régimes

Le budget du premier pilier s’élève à 1,328 milliard € pour la période 2023-2027, on y retrouve la volonté du gouvernement wallon de garantir le revenu des agriculteurs mais aussi l’intégration des éco-régimes, la nouvelle intervention qui envisage des paiements annuels dont l’objectif est d’inciter les agriculteurs à prendre des mesures en faveur d’une gestion agricole plus durable. Le gouvernement wallon a décidé de pousser à 26 % du budget du premier pilier leur mise en œuvre alors que la commission exigeait d’en réserver un minimum de 25 %. La Wallonie n’aura donc pas recours à la dérogation permettant de descendre en deçà de ce seuil fixé par l’UE. Les 26 % visés par la Wallonie représentent 345 millions € disponibles dans le premier pilier.

Tous ces efforts ont été rendus possibles par un mécanisme de transfert de paiements basé sur la diminution constante du cheptel en Wallonie qui libérera « mécaniquement » des montants sur les aides couplées pour abonder l’enveloppe des éco-régimes, dont 50 % seront attribués au maillage écologique et 25 % aux prairies permanentes, le solde de 25 % allant à d’autres éco-régimes.

Le paiement de base est, quant à lui, fixé à un peu plus de 402 millions € (représentant 30,3 % du budget du premier pilier), le paiement redistributif pour les plus petites exploitations l’est à près de 259 millions € (soit 19,5 %), en augmentation. Sa valeur est approximativement de 130 €/ha pour les 30 premiers hectares.

Les aides couplées représentent pour leur part un montant total de 21,3 % et le paiement « jeunes agriculteurs » 2,9 %, un chiffre en hausse pour répondre à la volonté du gouvernement de soutenir plus largement les jeunes dans le cadre d’une reprise d’exploitation.

« Les éco-régimes se veulent simples, accessibles pour permettre aux agriculteurs d’entrer de plain-pied dans la transition écologique tout en leur assurant un revenu supplémentaire » a pour sa part renchéri la ministre Céline Tellier qui a évoqué la question de l’équité entre les agriculteurs, qui se traduit par un soutien à travers le paiement redistributif, un soutien aux jeunes et une aide dirigée vers l’agriculteur actif, ce vieux serpent de mer. Le gouvernement entend lier « à chaque fois que cela sera juridiquement possible » l’aide à la notion d’agriculteur actif. « L’Europe nous y a invité et c’était une revendication que nous avons portée au conseil européen » a développé M. Borsus avec pour but d’aider « celui qui assume réellement l’activité d’élevage, de culture, d’agriculture et de maraîchage à l’inverse de sociétés de gestion, de retraités ou de personnes qui n’auraient pas pour objet principal le fait de ne pas travailler la terre ».

Ramener de l’autonomie protéique, soutien aux prairies permanentes

Parmi de nombreuses nouveautés présentées par les ministres, on trouve les protéagineux, un dossier qui suscite un large débat au niveau européen. Logique, quand on connaît la volonté de ramener de l’autonomie protéique sur le territoire européen et wallon plutôt que d’importer du soja sud-américain dans nos exploitations. D’où l’idée d’un soutien aux alternatives au soja et une prime à l’hectare pour les cultures de pois protéagineux d’hiver, de printemps, de fèves et féveroles d’hiver, de printemps, et de lupin.

Le gouvernement a également insisté sur l’éco-régime relatif au soutien aux prairies permanentes en raison de leur rôle au niveau de la captation de carbone, de la lutte contre l’érosion, de la résilience du territoire. Cette mesure peut être activée à partir d’un minimum de 0,6 UGB/ha et prévoit un paiement de 44€/ha.

La couverture du sol du 1er janvier au 15 février est un autre éco-régime proposé par la Wallonie qui donne droit à une intervention progressive en fonction de l’ampleur du couvert hivernal (70 % donne droit à une prime de 15€ha, 90 % à une prime de 45€/ha). Sont prises en compte les cultures d’hiver, prairies temporaires, prairies permanentes.

Le deuxième pilier, un soutien majoré pour l’agriculture biologique et la transition écologique

Le deuxième pilier apporte un soutien à concurrence de 534 millions €, une somme destinée à un certain nombre d’orientations, de nouvelles mesures phares parmi lesquelles la traduction de l’objectif wallon de 30 % de la SAU en agriculture biologique à l’horizon 2030. Pour rappel, la commission avait fixé ce seuil à 25 %. Le bio sera donc mieux soutenu, l’aide de 92 millions € de la précédente programmation passant à 140 millions € dans cette nouvelle mouture de la PAC. L’une des nouveautés réside en une augmentation significative de 7 % des aides et le soutien des maraîchers bio diversifiés sur petite surface via une aide majorée de 4.000 € par hectare, pour un maximum de 3ha.

Les ministres ont évoqué le maillage écologique et les MAEC déclinées sur une série d’axes tels que la détention de races locales menacées, les parcelles et bandes aménagées, les prairies à haute valeur biologique, les prairies naturelles, les tournières enherbées, les céréales sur pied, l’autonomie fourragère. Une nouvelle disposition concerne la préservation des sols (MAEC « sols »), le tout pour un budget de 94,4 millions €.

La ministre de l’Environnement Céline Tellier a embrayé sur Natura2000, un des aspects complémentaires à l’enjeu de biodiversité du plan. Deux types d’indemnités sont prévus pour les agriculteurs ayant des parcelles en zones soumises à des désavantages spécifiques : 460 €/ha pour les prairies à contraintes fortes et 1.100€/ha pour les bandes extensives le long des cours d’eau.

Les organisations agricoles plutôt positives

Le plan stratégique wallon a suscité des réactions plutôt positives dans le chef des différentes organisations agricoles. « À travers le maintien d’une enveloppe aide couplée forte, le gouvernement a marqué son soutien envers le secteur de la viande bovine qui nécessite plus que jamais un maintien de son aide au revenu. Avec un système de distribution plus équitable, cette aide garantira par ailleurs une plus grande durabilité de nos élevages » a réagi la Fugea, première sur la balle. Elle a également accueilli favorablement le soutien aux maraîchers bio diversifiés sur petite surface, la mise en place d’une aide à l’installation progressive pour les jeunes et la fixation des éco-régimes a 26 % du premier pilier, avec des possibilités d’augmentation des enveloppes.

« La hausse du budget du premier pilier pour les jeunes agriculteurs, hausse de la superficie éligible pour les aides jeunes, ouverture aux aides à l’installation pour les agriculteurs qui débutent à titre complémentaire et suppression des objectifs de développement pour l’accès aux aides à la première installation » sont des points qui vont dans le sens des revendications soutenues par la FJA qui a bien noté la volonté du gouvernement wallon de rediriger les aides PAC vers les personnes qui exercent réellement une activité d’agriculteur. Dans sa communication, la Fédération des jeunes agriculteurs attend néanmoins des précisions « afin de voir dans quelle mesure les éco-régimes seront effectivement accessibles et agronomiquement applicables sur le terrain ».

Enfin, la FWA a « acté positivement » l’accord communiqué par le gouvernement. Elle s’est montrée satisfaite que « le gouvernement ait entendu l’impérieuse nécessité de conserver le budget actuel destiné à soutenir notre élevage (soit un niveau d’aides couplées de 21,3 % du budget). Toutefois, il faudra encore prendre le temps de mesurer les impacts du nouveau mode de répartition de ces aides sur l’économie des exploitations d’élevage wallonnes ».

Marie-France Vienne

A lire aussi en Economie

Voir plus d'articles