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Édito: la politique de l’autruche

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C’est une antienne que l’on entend depuis de longs mois. La filière porcine européenne souffre et les États membres n’en finissent plus de réclamer, depuis octobre 2021, l’activation de mesures de crise pour la soutenir.

Mais il n’est pire sourd que celui qui ne veut pas entendre, dit-on communément. Un adage qui s’applique particulièrement bien à la posture du commissaire Wojciechowski, lui qui répète à l’envi que les signaux concernant la viande de porc sont positifs… alors que les prix sont à la baisse dans la plupart des États membres. Les éleveurs connaissent, de fait, une crise très profonde due à un effet ciseau, d’une part une augmentation des charges notamment liée à la hausse du prix des céréales, de l’autre à une baisse du prix de vente.

À son tour, la commission de l’Agriculture du parlement européen s’est emparée du dossier. Elle a auditionné un représentant de l’Exécutif qui a, lui aussi, tenté de rassurer les eurodéputés, indiquant une augmentation du prix des porcelets au cours de ces dernières semaines. Il a par ailleurs imputé la mauvaise passe traversée par le secteur européen à des foyers de PPA ainsi qu’à une baisse des exportations vers la Chine qui a rapidement pu reconstituer son cheptel après avoir été frappée par un épisode de peste porcine. Dans la foulée, il a tablé sur une embellie de la situation grâce au ralentissement de l’inflation des coûts des intrants (qui a principalement frappé les petits producteurs), à l’assouplissement des restrictions liées à la pandémie (qui avait entraîné la fermeture des restaurants et des cantines) et à la perspective de réintégrer certains marchés fermés. Et de citer les Philippines, la Corée, Taiwan et le Viêtnam. « Il faut faire confiance aux prévisions de la Banque centrale européenne, elles indiquent que la spirale inflationniste est temporaire et que nous reviendrons à des prix plus normaux au cours de cette année, notamment au niveau de l’énergie, qui constitue l’un des facteurs clefs pour l’industrie des aliments pour animaux et permettrait par conséquent une reprise du secteur » a encore déroulé le représentant de la commission.

Reste que nous ne sommes pas dans le secteur de l’automobile et que les éleveurs ne peuvent se payer le luxe d’attendre des temps meilleurs pendant que la commission mène une politique de l’autruche.

Il est question de l’humain, d’entreprises familiales qui sont menacées de disparition, d’un secteur qui est à genoux. Les eurodéputés l’ont bien compris et fait comprendre à l’Exécutif européen, dont certains ont dénoncé le « cynisme » en raison de sa frilosité à proposer des solutions acceptables. Il faut surtout injecter de l’argent « quoi qu’il nous en coûte », a avancé un député, reprenant ainsi le mantra du Président Emmanuel Macron. En attendant, à l’issue d’une réunion avec la filière, la France a débloqué, le 31 janvier dernier, 270 millions € d’aides d’urgence pour soutenir ses éleveurs tandis que la Belgique reconduira le train de mesures qu’elle avait pris en 2021.

Marie-France Vienne

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