Quand le verger fleurit: plaisir pour les yeux… et promesse de savoureuses récoltes!

Dans le verger, ces fleurs de cerisier sont un plaisir pour les yeux...  mais aussi pour les insectes butineurs.
Dans le verger, ces fleurs de cerisier sont un plaisir pour les yeux... mais aussi pour les insectes butineurs.

Pour l’arboriculteur, qu’il soit professionnel ou amateur, la floraison des arbres et des arbustes fruitiers est, avec la cueillette, la période la plus exaltante de l’année. Les floraisons des différentes espèces fruitières des régions tempérées s’échelonnent de fin mars à fin mai. Elles sont un plaisir pour les yeux et attirent autant les insectes butineurs que les photographes ; elles répandent dans le voisinage une diversité de parfums et elles sont la promesse de belles récoltes quelques mois plus tard.

Mais les floraisons les plus précoces sont aussi des causes d’inquiétude lorsque des gelées tardives viennent endommager les fleurs et si de longues périodes pluvieuses perturbent leur pollinisation par les insectes et la fécondation des ovules.

Une bonne connaissance du processus de floraison propre à chaque espèce est importante lorsque l’on pratique la taille hivernale afin d’avoir les gestes appropriés et de conserver un nombre idéal de bourgeons à fleurs : les boutons.

L’examen en détail des fleurs suppose que l’on dispose d’une loupe de botaniste ayant un grossissement de 10 fois. Pour les photographes, les floraisons sont l’occasion de réaliser de beaux clichés en lumière naturelle, mais l’emploi d’un flash (ou l’aide d’un assistant muni d’un miroir !) permettra d’améliorer la vision du centre de la ramure. Un objectif macro et un pied sont nécessaires, et un paravent est parfois utile pour atténuer les mouvements des branches.

Une promenade dans le verger après une averse, lorsque l’air est immobile, permettra aussi de percevoir, associée au parfum des fleurs, cette odeur particulière dite « odeur de pluie » ou « odeur de terre » due à des substances organiques comme le pétrichlor et la géosmine.

Un peu de phénologie florale

Pour les botanistes, le terme « phénologie » désigne les relations qui existent entre les phases du développement des plantes et le climat. De tout temps, les horticulteurs ont noté les dates où les plantes atteignent, à un endroit précis, un stade donné. La floraison est le stade le plus étudié parce qu’il peut être facilement décrit avec précision. Au 18è  siècle, l’invention du thermomètre par Réaumur (1683-1757) a permis de définir les relations entre la température d’un lieu et les stades de végétation des plantes, en particulier la floraison des diverses variétés pour l’arboriculture, et la date des vendanges pour les viticulteurs.

Les systèmes de notations phénologiques ont permis de tracer sur des cartes des lignes isophènes correspondant par exemple à un même stade-repère de la floraison d’une variété donnée. Plusieurs codifications des stades-repères ont été établies ; elles utilisent des mots, des lettres ou des nombres.

En arboriculture fruitière, les stades-repères allant du « repos hivernal » à la « fin de floraison » sont particulièrement utiles à observer. On a en effet constaté que le cycle biologique de certains bio-agresseurs va de pair avec l’évolution des bourgeons floraux puisque tous deux sont influencés par la température du lieu. Le moment où effectuer certaines interventions phytosanitaires ou d’autres travaux comme l’éclaircissage des fleurs ou des fruits peut ainsi être précisé.

Ce système permet aussi, par exemple, de voir l’influence des sujets porte-greffe sur la date de floraison, de mesurer la durée totale d’une floraison ou la synchronisation des floraisons de deux variétés afin qu’elles puissent se féconder mutuellement…

La notation, année après année, de la date des stades-repères est utile pour les climatologues qui étudient l’évolution de notre climat. En Belgique, ces données sont récoltées depuis le milieu du 20è  siècle, soit depuis plus de 70 ans. On peut constater que de manière générale les floraisons sont de plus en plus précoces dans la saison.

La floraison des espèces à noyau

Dans nos vergers, ce sont les fruits à noyau qui ouvrent la saison des floraisons, avec les pêchers, certains pruniers comme les myrobolans, et des amandiers ou des abricotiers.

Les boutons sont des bourgeons qui contiennent uniquement des fleurs. Ils sont portés par des rameaux de l’année précédente en position latérale, exceptionnellement en position terminale. Parfois, par exemple chez les pêchers, les yeux stipulaires situés de part et d’autre d’un œil (= bourgeon à feuilles) peuvent évoluer en un bouton. Après avoir fleuri, et éventuellement donné naissance à des fruits, les boutons s’annulent ; ce sont les yeux (= bourgeons à feuilles) qui assurent la continuité de la végétation des espèces à noyau. Ceci explique la tendance des brindilles à se dégarnir si elles ne comportent guère d’yeux.

Leurs fleurs sont hermaphrodites, c’est-à-dire qu’elles comportent à la fois des organes mâles (les étamines productrices de pollen) et un ovaire (qui, après fécondation de l’ovule, va évoluer en un fruit).

Les pétales blanc-crème du prunier contrastent avec ses étamines à anthère jaune.
Les pétales blanc-crème du prunier contrastent avec ses étamines à anthère jaune.

Les fleurs des différentes espèces à noyau ont en commun :

– cinq sépales caducs plus ou moins soudés,

– cinq pétales libres,

– 20 à 40 étamines à anthère jaune,

– un ovaire surmonté d’un style ; il contient deux ovules dont un va avorter sauf chez certains amandiers,

– un parfum d’amande dû à la présence de benzaldéhyde et de cyanure d’hydrogène en quantité plus importante que chez les fruits à pépins.

Lors du grossissement du fruit, se détache un ensemble composé des sépales, des étamines et parfois des pétales.

D’autres caractères diffèrent selon les espèces :

– le type de rameau porteur des boutons,

– le nombre de fleurs par bouton : une seule, ou s’il y en a plusieurs, elles sont implantées au même endroit et elles ont un pédoncule de même longueur (il s’agit donc d’ombelles),

– la longueur du pédoncule : parfois absent, ou de plusieurs centimètres,

– la couleur des pétales.

Chez quelques espèces

Voyons comment se présentent les fleurs chez plusieurs espèces de fruitiers à noyau.

Pruniers européens : brindilles, 1 à 2 (voire 5) fleurs par bouton, pédoncule de 1 à 1,5 cm, pétales blanc-crème.

Cerisiers à fruits doux : brindilles et bouquets de mai vivant plusieurs années, 1 à 3 (voire 4) fleurs par bouton, pédoncule de 3 à 4 cm, pétales blancs.

Griottiers : brindilles, 1 (voire 2) fleurs par bouton, pédoncule de 2,5 à 3 cm, pétales blancs.

Pêchers : brindilles ou bouquets de mai dont l’œil avorte, ou yeux stipulaires, une seule fleur par bouton, pédoncule de 3 ou 4 mm ; selon les variétés : pétales roses étalés (= fleurs rosacées) ou pétales rouges formant une coupe (= fleurs campanulées).

Les pêchers peuvent présenter, selon les variétés, des fleurs à pétales roses étalés (= fleurs rosacées, à gauche) ou à pétales rouges formant une coupe (= fleurs campanulées, à droite).
Les pêchers peuvent présenter, selon les variétés, des fleurs à pétales roses étalés (= fleurs rosacées, à gauche) ou à pétales rouges formant une coupe (= fleurs campanulées, à droite).

Abricotiers : bouquets de mai ou boutons stipulaires, une seule fleur par bouton ; pédoncule de 5 mm, grandes fleurs à sépales rouges et pétales blanc-rose.

Amandier : comme chez le pêcher, les bouquets de mai vivent plus ou moins 5 ans.

Chez les espèces à noyau, le mécanisme de fécondation des fleurs diffère selon l’espèce, mais aussi parfois selon les variétés d’une même espèce : chez les pruniers européens, un certain nombre de variétés (qui sont les plus cultivées pour cette raison) sont auto-fertiles, les autres sont autostériles ; chez les cerisiers à fruits doux, la plupart des variétés traditionnelles sont autostériles, et quelques variétés nouvelles ont l’avantage d’être auto-fertiles ; chez les griottiers et les pêchers, l’auto-fertilité est la règle générale ; la majorité des variétés d’abricotiers sont auto-fertiles ; toutes les variétés d’amandier sont autostériles.

La chute des fleurs non fécondées intervient dès la fin de la floraison ; plus tard, on observe une chute de petits fruits difformes dont le développement avait commencé puis s’est arrêté.

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Dans un prochain article, nous décrirons la floraison des espèces fruitières à pépins, des fruits secs et des petits fruits ligneux, ainsi que quelques autres…

Ir. André Sansdrap

Wépion

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