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La valeur et points d’attention pour une utilisation optimale des engrais de ferme pour 2022

Depuis de nombreux mois, le milieu agricole fait face à une hausse du prix des engrais minéraux. L’augmentation du prix des engrais azotés est influencée par la hausse des coûts énergétiques, ce qui semble logique étant donné que la production d’engrais azotés synthétiques nécessite beaucoup d’énergie. Toutefois, les prix du phosphore, de la potasse, du magnésium et de la chaux ont également augmenté de manière significative, ce qui suggère d’autres causes pour cette évolution.

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Les perturbations de l’économie mondiale et du commerce, suite à des mesures géopolitiques ou à des conflits, sont mentionnées par les fabricants. La fin de l’escalade des prix n’est toujours pas en vue et ne se limite pas à l’Union Européenne, comme le montre la poursuite de la hausse des prix des engrais des deux côtés de l’Atlantique. On constate une situation similaire pour les produits phytosanitaires, les semences, le film plastique d’enrubannage, l’énergie et le carburant, la taxe carbone…

Les conséquences se feront sentir tout au long de 2022 et peut-être même au-delà. Les prix des denrées alimentaires vont augmenter, mais il reste à voir dans quelle mesure les agriculteurs en profiteront.

Il est donc utile de s’adapter à cette situation parce que ces augmentations de prix se répercuteront également sur le revenu des exploitations agricoles. Devant ces prix élevés en ce début d’année 2022, il est donc plus que jamais profitable de prendre conscience de la valeur importante que représentent vos engrais de ferme et de mettre tout en œuvre pour optimiser leur apport de la manière la plus efficace possible.

En guise d’introduction, il convient de préciser que les recommandations formulées dans cet article doivent toujours être considérées dans le contexte du Programme de Gestion Durable de l’Azote en agriculture (PGDA 3 : protecteau.be/fr/nitrate/agriculteurs/legislations/pgda)

Quelques considérations…

Éviter les pertes ou les réduire au minimum est la base d’une utilisation optimale des engrais de ferme dans le circuit entre l’étable et le champ. Celles-ci peuvent avoir lieu à différentes étapes de manipulation des engrais de ferme : à commencer par le stockage à faible perte, l’épandage dans des conditions météorologiques idéales et avec des outils d’épandage adaptés. La valorisation optimale des engrais de ferme est donc un aspect qui doit être pris en compte dans tous les domaines du travail. Dans cet article, nous parlons de l’optimisation de la fertilisation et de l’épandage des engrais de ferme. Vous trouvez des informations supplémentaires publiées dans les livrets de l’agriculture (« lisier », « compostage » et « fertilisation raisonnée des prairies »), disponibles sur le site d’Agra-Ost.

Réduire les pertes lors de l’épandage d’engrais de ferme liquides

Les engrais organiques à action rapide, notamment les lisiers, les digestats de biométhanisation… sont soumis à une volatilisation de l’ammoniac vers l’atmosphère, qui représente non seulement une source de pollution mais également une perte financière pour l’agriculteur. Une attention particulière est à apporter au moment de l’épandage. Plusieurs leviers peuvent être appliqués afin de réduire cette volatilisation :

– l’épandage du lisier en surface est uniquement recommandé par un temps frais et humide, un ciel couvert, peu de vent et des températures basses. Les épandages par temps ensoleillé sont absolument à éviter, car la totalité de la fraction ammoniacale de lisier peut être perdue ;

– au moment de l’épandage, un contact important entre l’air ambiant et le lisier augmente davantage la volatilisation, d’autant plus lorsque le lisier est projeté en fines gouttelettes. Les techniques d’épandage déposant le lisier en lignes au niveau du sol, réduisent significativement ces pertes ammoniacales. En prairie permanente, les patins d’épandage, qui déposent le lisier en dessous du feuillage au niveau du sol conviennent assez bien à cette fin. Avec cette technique, il est conseillé d’épandre dans une végétation d’une hauteur de 10 – 12 cm. Les systèmes de tuyaux traînés déposent le lisier à la surface de la végétation, ce qui salit le fourrage. L’injection systématique du lisier en prairie permanente est peu conseillée étant donné qu’elle peut mener à une dégradation du gazon sur le long terme. Le désavantage de ces systèmes qui déposent le lisier au ras du sol ? Ils sont aussi plus lourds, ce qui augmente la consommation de carburant, et donc les coûts, ainsi que le risque de compactage du sol ;

– la dilution du lisier avec de l’eau (eau de pluie, eau de lavage de la salle de traite) permet de maintenir la fraction ammoniacale soluble (sous forme N-NH4) ce qui réduit sa transformation en forme gazeuse et volatile (N-NH3). Nos résultats de mesure des dernières années démontrent l’efficacité d’une dilution du lisier jusqu’à une teneur d’environ 5-6 % de matière sèche (MS). La teneur moyenne en MS du lisier est de 7,2 %. Pour réduire, par exemple, la teneur en MS d’un lisier de 7,2 % à 6 %, il faut ajouter (7,2/6) environ 200 litres d’eau par mètre cube de lisier. L’agriculteur doit bien sûr aussi rechercher l’optimum lors de la dilution du lisier, car cela signifie automatiquement une augmentation des coûts d’épandage et du volume de lisier à stocker.

Les rapports sur les résultats de nos expériences, mentionnés dans le texte précédent, sont librement disponibles sur www.agraost.be.

Le choix de la technique d’épandage dépend de nombreux facteurs. Le tableau 1 résume quelques critères pour le choix de la technique d’épandage de lisier.

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Période pour l’épandage de lisier sur les prairies permanentes

Les prairies permanentes se distinguent des autres cultures par le fait qu’elles couvrent le sol toute l’année et continuent de croître et d’absorber des nutriments à des températures de 2 à 4º C. La récolte se fait en plusieurs coupes et la fertilisation peut donc être répartie en plusieurs apports, après chaque coupe.

À la fin de l’hiver et au printemps, donc avant la première coupe, qui est en général la meilleure coupe de l’année, il vaut mieux fractionner par exemple un apport de 30 m³ en 2 apports de 15 m³, ce qui améliore l’efficience azotée. Les apports de fin d’hiver (dans le respect du PGDA 3 à partir du 16/01 et en quantité limitée jusqu’au 1/02) et de printemps sont les plus efficaces, comme le montre le Graphique 1. Le lisier est à épandre de préférence à ces moments de l’année.

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Pour les exploitations qui n’ont pas de grandes quantités de lisier à disposition durant toute l’année, la meilleure stratégie est d’épandre avant la 1ère coupe. C’est notamment le cas dans les exploitations où les animaux sont au pâturage en période estivale.

La valorisation du fumier et du compost

En ce qui concerne les engrais de ferme à action lente, moins riche en azote ammoniacal, comme les fumiers (pailleux) et les composts… les pertes de nutriments lors de l’épandage sont moins importantes. La période de l’année et le climat ont donc moins d’importance. Néanmoins, les pertes peuvent avoir lieu durant leur stockage au champ.

Elles sont inévitables. Il est cependant essentiel, de les limiter au maximum. Pour gérer de manière optimale la quantité d’engrais de ferme partout mais surtout en prairies, le compostage s’impose comme une technique éprouvée, efficace et pertinente dans de nombreuses situations. Les différentes étapes – le dépôt du tas au champ, le retournement de l’andain et l’épandage du compost – doivent se suivre dans le respect d’un déroulement bien défini dans le temps, afin de limiter les pertes de nutriments au maximum. Tous les avantages du compostage au champ sont atteints 4 à 6 semaines après le retournement de l’andain. À ce moment-là le compost est prêt à être épandu. Un stockage au champ plus prolongé dans le temps conduit à des pertes en nutriments, notamment potassium, azote et carbone.

Une bonne gestion de vos engrais de ferme vous permet donc de limiter les pertes et d’augmenter leur efficience fertilisante.

Comme ces engrais ne déploient leurs effets que sur une longue période, le moment optimal pour l’épandage de fumier et de compost dépend plutôt du stade de végétation et du degré de maturité. Dans les prairies, le fumier frais doit être épandu à la fin de l’hiver ou en automne, afin d’éviter qu’il ne soit réintroduit dans le fourrage par les machines lors de la récolte suivante. Dans le cas du compost, la matière est déjà fragmentée et peut donc être utilisée entre deux coupes, si on le souhaite.

Lorsque des échanges paille/fumier existent entre deux exploitations la question des quantités à échanger se pose souvent. Votre conseiller Agra Ost ou Protect’eau peut vous conseiller, ou encore la structure française Arvalis qui met à disposition un logiciel pour vous aider dans le calcul des équivalences paille/fumier, disponible sur www.paille-fumier.arvalis-infos.fr.

Les stocks utilisables sur l’exploitation

Si vous voulez connaître exactement les teneurs en nutriments de vos propres engrais de ferme, une analyse de matière organique est vivement conseillée. En fonction de nombreux facteurs, comme la composition de la ration des animaux, le type de spéculation, le degré de dilution du lisier… on peut observer des variations assez élevées par rapport aux teneurs moyennes reprises. En Wallonie, les laboratoires du réseau « Requasud ») sont à même de réaliser des analyses de matières organiques. Vous trouvez le laboratoire le plus proche de chez vous sur : www.requasud.be/laboratoires/.

Mais, l’analyse n’a d’intérêt que dans la mesure où l’échantillon est représentatif de l’ensemble de la matière à épandre. L’échantillonnage correct des engrais de ferme nécessite des précautions particulières et doit être réalisé, dans la plupart des situations, par du personnel qualifié. Si nécessaire, les laboratoires ou les organisations de conseil peuvent fournir des recommandations à ce sujet. Les informations sur la manière de prélever un échantillon représentatif d’engrais de ferme sont disponibles sur www.agreau.be.

Les recommandations de fertilisation

Pour l’azote, un coefficient d’efficacité est à appliquer aux différents engrais de ferme. Nous avons calculé ce coefficient sur base d’essais de fertilisation de longue durée. Il est d’autant plus élevé lorsque l’on arrive à éviter au mieux les pertes azotées. Les résultats de ces essais sont à disposition sur le site d’Agra-Ost.

Pour éviter autant que possible les dépenses inutiles et les carences dans les cultures, il est important de déterminer les réserves en nutriments du sol à l’aide d’analyses préalables et en les corrigeant en fonction des recommandations découlant de l’analyse. Cette année en particulier, les coûts d’une fertilisation déséquilibrée dépassent largement les coûts d’une analyse de sol.

Une fois que l’on a déterminé les réserves en nutriments du sol, on peut commencer à planifier la fertilisation pour combler les déficits.

En cultures

Lors de l’établissement du plan de fertilisation de vos cultures, tout excès de fertilisation est à éviter. Les apports d’engrais doivent tenir compte des exportations de nutriments liées à la récolte du fourrage. Les sites productifs nécessitent une fertilisation plus importante et la restituent efficacement en termes de rendement. Les exportations sur une parcelle pâturée sont cependant beaucoup plus faibles. De même, les parcelles où la production est limitée par d’autres facteurs, tels qu’une faible profondeur de sol, une saturation en eau ou une situation sèche, ne peuvent évidemment pas convertir les nutriments de manière aussi efficace.

Les rendements à atteindre dépendent de nombreux facteurs et l’agriculteur doit apprendre à évaluer au mieux son potentiel de production ou à l’améliorer en entretenant et en gérant au mieux les cultures. Un mauvais entretien ou une mauvaise gestion peut entraîner une baisse de l’efficacité de la fertilisation, car la culture n’est pas en mesure d’utiliser efficacement les éléments nutritifs.

La connaissance des exportations en nutriments permet de mieux appréhender les besoins réels des cultures. Les exportations en nutriments sont toujours calculées sur base de la matière sèche (MS) récoltée(Cf. Tab. 2).

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La valeur des engrais de ferme…

Les tableaux indiquent la valeur théorique de différents engrais de ferme en comparant leurs teneurs moyennes en nutriments aux prix des différents engrais minéraux disponibles sur le marché. Ces valeurs donnent une idée des coûts à dépenser, si on devait acheter les nutriments contenus dans une tonne de produit frais sous forme minérale. Il ne s’agit pas de la valeur marchande des matières, qui est souvent influencée par d’autres facteurs propres aux exploitations.

… en prairie permanente

Les sols sous prairies ont la propriété de stocker d’énormes quantités de nutriments sous forme d’humus et, en règle générale, les réserves stockées dans le sol sont plusieurs fois supérieures aux besoins annuels. La disponibilité de ces nutriments pour les plantes trouve son optimum dans un sol à pH légèrement acide. Sur les sols fortement acidifiés, cela signifie que le chaulage des prairies devrait être la première mesure à prendre.

Ensuite, les cultures doivent être gérées de manière optimale afin d’utiliser au mieux les nutriments disponibles. Pour les prairies, cela signifie qu’il faut réensemencer les zones endommagées avec un mélange de semences adapté.

Il ne faut cependant pas commettre l’erreur de retourner une prairie intacte, en bon état, dans le seul but d’accélérer la minéralisation des réserves du sol. Cette stratégie n’est pas toujours payante, car les pertes de rendement et de substances nutritives (lessivage de nitrate) peuvent être importantes et les mesures sont liées à des coûts élevés.

Dans le cas des prairies permanentes, nous calculons la valeur des engrais de ferme avec le prix du phosphate naturel et le prix du TSP est mentionné à droite du Tab. 3.

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La valeur des engrais organiques a presque doublé par rapport à l’année dernière. Cependant, l’utilisation d’engrais organiques doit également être adaptée aux besoins des plantes, comme on le ferait pour des engrais minéraux. Le fumier de poule, par exemple, est un engrais très concentré et de grande qualité, car le coefficient d’utilisation de l’azote est très élevé, tant pour les prairies que pour les cultures. Cela signifie toutefois que la technique d’épandage doit être capable d’épandre de petites quantités (inférieures à 5 tonnes/ha) de façon précise et homogène. Les anciens épandeurs de fumier ne sont généralement pas adaptés, car le dosage est trop élevé et/ou la largeur de travail trop faible. Il est donc judicieux de ne pas chercher à économiser au mauvais endroit et de confier ce travail à une entreprise de travaux agricoles qui, dans la plupart des cas, dispose de machines plus récentes et plus précises.

… sur terre de culture

Pour les grandes cultures, le calcul de la valeur des engrais de ferme est plus compliqué, car le coefficient d’utilisation de l’azote peut être très variable, du simple au triple, selon les conditions d’épandage. Protect’eau a publié, en collaboration avec ses partenaires, un petit flyer d’information sur les coefficients d’utilisation de l’azote en grandes cultures. Ceux-ci sont fonction de la culture, de la matière organique, des quantités apportées et de la période d’apport. Ils varient également avec le matériel d’épandage, conditions climatiques… (protecteau.be/fr/presse/doc-11770)

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D’après Agra Ost

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