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Édito: l’Europe désarme-t-elle son agriculture?

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La question a été posée par l’économiste français Thierry Pouch qui s’est exprimé dans le cadre de l’Assemblée annuelle de l’Union des Agricultrices wallonnes.

Où nous situons-nous face aux États-Unis qui ont injecté des aides exceptionnelles dépassant largement le cadre de leur politique agricole quinquennale (le « Farm Bill ») au point de faire des entorses à la législation OMC en dépassant le plafond autorisé ?

Il convient de rappeler que la politique agricole américaine est indiscutable et intouchable depuis 1933. Après une malheureuse expérience de découplage dans les années 90, tombée au mauvais moment en raison de la crise économique asiatique qui a touché les pays de l’Asie du Sud-Est entraînant une diminution des leurs exportations et un effondrement du revenu, les États-Unis sont revenus au système du couplage qu’ils n’ont plus jamais quitté. Contrairement aux États-Unis, à la Chine, au Brésil et à la Russie, l’Europe a été la seule région du monde dont les soutiens publics ont été diminués entre 2000 et 2018 et risque bien, a imagé M. Pouch, de se transformer en « herbivore cernée de carnivores ».

Il faut dire que les inquiétudes qui planent sur le secteur agricole se sont renforcées à la lumière des différentes études d’impact à charge des nouvelles stratégies « De la fourche à la fourchette » et « Biodiversité ». Si l’étude américaine « s’amuse à chatouiller l’UE », elle indique surtout qu’il faudra un temps « assez long » à l’Europe pour trouver des substituts à tous les intrants utilisés jusqu’à présent. Ce qui nécessitera des progrès technologiques, agronomiques et des moyens financiers conséquents en recherche et développement pour atteindre cet objectif à l’horizon 2030. Cette mission quasi impossible constitue une faille que la commission ne renie d’ailleurs pas dans sa propre étude dont les résultats défavorables ont été délibérément dissimulés avant d’être publiés en catimini.

Une étude de l’université néerlandaise de Wageningen ne dit pas autre chose en annonçant une chute des productions et un doublement des importations alimentaires que provoqueraient la mise en œuvre de ces préconisations de baisse drastique des usages d’intrants et de développement d’une agriculture bio moins productive, sur des surfaces cultivées réduites. Des objectifs « sortis d’un chapeau », dénonçait quant à lui l’eurodéputé italien Paolo De Castro, l’un des piliers de la commission de l’Agriculture du parlement. L’étude menée par nos voisins du nord pointe également les répercussions de ces stratégies sur le portefeuille des consommateurs européens. S’ils pourront toujours manger à leur faim, ils verront leur pouvoir d’achat alimentaire se restreindre (de 17 % selon le département américain de l’Agriculture).

Le bénéfice écologique de cette stratégie apparaît donc plutôt douteux avec une externalisation de la pollution, une chute du revenu agricole et une baisse du pouvoir d’achat. Bref, l’Europe perdrait sur tous les tableaux… À cette fuite en avant environnementaliste s’ajoute l’aggravation du contexte géopolitique actuel qui engendre déjà une volatilité des marchés, laquelle aura forcément de lourdes conséquences sur les trésoreries des exploitations familiales.

Autant d’éléments qui devraient amener la commission et les États membres à réviser le Pacte Vert.

Marie-France Vienne

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