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Conseil de ministres de l’Agriculture : clauses miroirs, crise du secteur porcin…

C’est une foultitude de dossiers brûlants qui attendaient d’être débattus, le 21 février dernier, par les ministres européens de l’Agriculture. Déforestation importée, crise du secteur porcin, envolée des prix de l’énergie et des engrais et, bien sûr, clauses miroirs, autant de sujets qui s’inscrivent dans une actualité particulièrement chargée.

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Le débat phare portait, et ce n’est pas une surprise, sur la mise en cohérence du Pacte Vert avec la PAC et la politique commerciale européenne au niveau de la réciprocité des normes et la nécessité de la renforcer, sujet prioritaire s’il en est pour la présidence française.

La présidence française demande de respecter le cadre multilatéral et les règles de l’OMC, et de s’appuyer sur la science. « L’UE demeure le premier exportateur de produits agricoles et agroalimentaires dans le monde » a rappelé le ministre français de l’Agriculture Julien Denormandie en se félicitant qu’une large majorité d’États membres a convenu de l’importance de réviser la législation européenne sur les limites maximales de résidus (LMR) et les tolérances d’importation (IT) pour les produits phytopharmaceutiques.

L’importance du « Codex Alimentarius »

Alors que des denrées alimentaires ou des aliments pour animaux contenant des résidus de substances interdites dans l’UE peuvent être légalement mis sur le marché, la présidence française appelle la commission à « poursuivre sa révision en cours des LMR/IT des substances interdites dans l’UE afin de les mettre en conformité dans les meilleurs délais avec les dernières données scientifiques ». M. Denormandie a souligné qu’« une partie de ce travail devrait consister à mieux prendre en compte les défis environnementaux mondiaux lors de la définition des LMR/TI ». Et d’indiquer que « des LMR pourraient être définies pour les produits destinés uniquement à l’alimentation animale afin de mieux maîtriser le risque de contamination des animaux par des produits phytopharmaceutiques pouvant constituer une menace pour leur santé ».

Il a également évoqué la question des étiquetages et des modes de production et de l’origine des produits. « Un large consensus » sur la nécessité de poursuivre l’action déterminée de l’UE s’est dégagé pour « porter nos normes et nos valeurs à l’international » a précisé M. Denormandie.

Dans leurs conclusions, les ministres ont reconnu le rôle crucial que joue la « Commission du Codex Alimentarius » pour faciliter la transition vers des systèmes alimentaires durables et réaffirmé la détermination de l’UE à maintenir des normes élevées et des pratiques loyales.

Pour mémoire, le « Codex Alimentarius » ou « code alimentaire » est un ensemble de normes, de lignes directrices et de codes d’usages visant à protéger la santé des consommateurs, à promouvoir des pratiques loyales en matière de commerce international de denrées alimentaires et à coordonner les travaux relatifs aux normes alimentaires menés par des organisations internationales gouvernementales et non gouvernementales. Il est géré par la « Commission du Codex Alimentarius », un organisme international de normalisation alimentaire créé en 1963 par la Fao et l’OMS (Organisation mondiale de la Santé).

Soutien au développement du biogaz

Le commissaire Wojciechowski a évoqué son projet de communication « pour une énergie plus abordable, plus sûre et plus durable » qui est présenté au moment où nous mettons la présente édition sous presse.

Le document souligne que les prix des engrais ont bondi de plus de 140 % (entre le troisième trimestre 2020 et le troisième trimestre 2021) ce qui porte à 20 % la part de l’énergie et des engrais dans les coûts de production des agriculteurs. Une situation qui devrait encore empirer dans les prochains mois avec le conflit russo-ukrainien.

Parmi les solutions proposées, le texte met en avant la nécessité d’accroître les investissements dans les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique. Il fixe dans ce cadre une ambition au niveau de l’UE de produire 35 milliards de m³ de biogaz d’ici 2030. La commission « encourage » donc les États membres à profiter des possibilités offertes par la future PAC pour soutenir le développement du biogaz. Comme autre action, l’Exécutif suggère le soutien aux entreprises fortement exposées, par le biais d’aides d’État. Dans le secteur agricole, il cite les aides à l’investissement dans l’énergie durable, par exemple la possibilité d’accorder des soutiens pour l’utilisation d’engrais moins conventionnels.

Porc : mise en place d’un groupe de réflexion

La situation du secteur porcin est revenue sur le devant de la scène et la commission a fait « un premier pas » en proposant la mise en place d’un groupe à haut niveau pour évoquer des solutions, même si le commissaire Wojciechowski a évoqué « des signes d’amélioration » au niveau des prix des porcelets qui augmentent « doucement » et table sur une stratégie de long terme pour la relance du secteur quand certains États membres réclament le recours à la réserve de crise.

L’Exécutif privilégie une réflexion entre autorités nationales et acteurs de la chaîne d’approvisionnement autour de la dépendance excessive du secteur à l’égard des exportations vers des marchés de pays tiers instables, la dépendance à l’égard des importations massives de soja et de maïs, la concentration du secteur dans des exploitations de plus en plus grandes, et l’impact de la peste porcine africaine sur la structure du secteur.

Plusieurs pays, dont la Belgique, ont demandé à la commission de présenter une proposition sur l’étiquetage obligatoire de l’origine des produits agricoles qui constituerait, selon la ministre autrichienne de l’Agriculture, un dispositif essentiel pour créer « un environnement dans lequel les agriculteurs peuvent à nouveau vivre équitablement de leur travail alors que depuis des décennies, leurs revenus stagnent ou diminuent ». Le commissaire à l’Agriculture a confirmé qu’il transmettra un texte d’ici la fin de cette année.

La déforestation importée, un dossier qui suscite des inquiétudes

Les ministres ont une nouvelle fois abordé la thématique de la lutte contre la déforestation importée. S’ils se sont montrés favorables au principe, ils se sont néanmoins plus réservés quant à la mise en œuvre des propositions de la commission qui s’appliqueraient à six produits de base (café, cacao, huile de palme, soja, bovins, bois). Plusieurs États membres ont fait part de leurs inquiétudes au niveau de la complexité du dispositif pour les petites entreprises, de la charge administrative supplémentaire, ou encore du risque de rupture d’approvisionnement et de hausse des coûts pour l’alimentation animale.

M. Denormandie espère pour sa part que les ministres de l’Environnement de l’UE, qui sont en charge du dossier, parviendront à un accord d’ici la fin du mois de juin qui clôturera la présidence française dont c’était une priorité.

Marie-France Vienne

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