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Conflit russo-ukrainien : «un impact majeur et douloureux sur le secteur agricole»

Véritable attentat contre la liberté et la démocratie, l’invasion de l’Ukraine par la Russie aura également de lourdes conséquences économiques sur le secteur agricole en raison

de la hausse des prix des engrais liés à celle du gaz,

du pétrole ainsi que des céréales. Afin d’y faire face,

le parlement a convié un représentant de la commission

pour envisager les pistes à court, moyen et long terme.

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Car au-delà de l’aspect purement militaire, la montée des tensions entre la Russie et l’UE se répercute déjà sur les cours mondiaux de céréales. Les prix du blé meunier et du maïs clôturaient par exemple dans les tout premiers jours du conflit à un nouveau record sur le marché européen, respectivement à 351,25 et 340 € la tonne sur l’échéance de mars 2022, galvanisés par l’invasion russe.

L’objectif de la commission est désormais de pouvoir sécuriser au maximum les revenus des agriculteurs européens, mais également l’approvisionnement en énergie et en intrants. La secousse la plus forte est d’ailleurs attendue sur le prix des engrais, notamment azotés, très gazo-dépendants, ce qui rend l’UE stratégiquement particulièrement vulnérable.

Il faut savoir que la Russie constitue le premier fournisseur de combustibles de l’UE. Plus d’un quart de nos importations de pétrole brut et plus d’un tiers de celles de gaz naturel sont d’origine russe. Les exportations d’engrais russes vers l’UE représentent quant à elles 3 milliards €, soit environ 30 % des importations européennes d’engrais.

La Russie et l’Ukraine, deux géants au niveau des échanges mondiaux de céréales

Avec une SAU représentant 70 % de son territoire, le secteur agricole est devenu le moteur de l’économie ukrainienne.

L’Ukraine représente 11 % du marché mondial du blé, 16 % du marché de l’orge, 15 % de celui du maïs, 16 % du marché du colza, 50 % de celui d’huile de graines de tournesol, 9 % des échanges de graines de tournesol et 61 % de celui des tourteaux de tournesol. En ce qui concerne la Russie, ces chiffres sont respectivement de 20 % (blé), 16 % (orge), 2 % (maïs), 3 % pour le marché des graines de colza et 20 % pour celui des tourteaux de tournesol.

La commission a indiqué scruter la situation sur les ports de la mer Noire qui constituent le point de sortie pour la grande majorité des exportations céréalières ukrainiennes. Les échanges commerciaux sont quasiment à l’arrêt et la situation ne risque pas de se débloquer de sitôt, sachant que la marine ukrainienne a miné les corridors maritimes adjacents. Aujourd’hui, plus un armateur ne se risque à aller charger dans les ports de la mer Noire, ce qui explique la nervosité des marchés.

Sur la terre ferme, c’est la logistique qui est fortement mise à mal et engendre des perturbations au niveau de la certification des semences et des semis qu’il sera difficile d’organiser en cette période de guerre. Ce qui entraînera des conséquences plus tard dans l’année, au moment des récoltes.

Le conflit entraîne par ailleurs des problèmes de disponibilité de main-d’œuvre, car de nombreux Ukrainiens ont pris les armes, mais c’est aussi la question du matériel endommagé pour éviter qu’il ne tombe aux mains des Russes, ainsi que des risques accrus de défaut de paiement.

Des répercussions sur les échanges bilatéraux

Le conflit aura d’importantes répercussions sur les exportations européennes de volaille et de viande de porc vers l’Ukraine, tandis que la Russie reste « notre sixième plus grand partenaire commercial, notamment pour les produits transformés à haute valeur ajoutée tels que les confiseries, vins, alcools, les biscuits ou encore les farines » a précisé le représentant de la commission ajoutant que l’Exécutif était en « contact étroit » avec tous les États membres concernant les différents secteurs de matières premières agricoles.

À titre d’exemple, nos voisins français exportent chaque année environ 50 millions € d’œufs à couver et de poussins futurs reproducteurs vers ces deux pays (dont 90 % vers la Russie). Ce débouché représente un quart des exportations totales, soit 217 millions € en 2020.

Le plus important reste de « sauver la démocratie » ont réagi plusieurs eurodéputés qui ont demandé dans la foulée un plan d’urgence et un « paquet de mesures de soutien » pour le secteur agricole et de « dégager une marge de manœuvre budgétaire pour ce faire ».

Certains ont évoqué la nécessité pour l’Europe se rendre indépendante de la Russie au niveau énergétique « quelle que soit l’issue de ce conflit ». Mais pas que. Le conservateur néerlandais Bert-Jan Ruissen en a profité pour attaquer les stratégies « De la fourche à la fourchette » et « Biodiversité » contre lesquelles il s’était déjà inscrit en faux à de nombreuses reprises, en indiquant qu’elles allaient encore « accroître davantage notre dépendance vis-à-vis de partenaires tiers ».

Les écologistes ont par ailleurs souligné toute l’importance de développer la culture du soja en Europe et d’assurer « la souveraineté agricole en la matière ».

Mise en place d’un « bouclier alimentaire » en Europe

En marge de cette réunion, Christiane Lambert, patronne de la Fnsea et du Copa, a milité pour la mise en place d’un « bouclier alimentaire ». Cela signifie « produire en Europe, c’est la souveraineté alimentaire » a-t-elle insisté.

« Aujourd’hui, quand il y a conflit, chaque pays se replie sur lui-même et fait de l’arme alimentaire sa stratégie », a-t-elle poursuivi, inquiète des représailles potentielles du président russe Vladimir Poutine, qui « s’est dotée de l’arme alimentaire et énergétique ». « Il a le choix des mesures de rétorsion, il peut appuyer sur le volet pétrole, il peut appuyer sur le volet gaz, il peut appuyer sur le volet engrais, il peut appuyer sur le volet blé, il est le maître du jeu aujourd’hui, puisqu’il a construit sa souveraineté et son arme alimentaire dans tous les domaines », a-t-elle déploré.

« Il faut reconnaître la force et la résilience de notre industrie agroalimentaire »

La commission a annoncé qu’elle évaluera la meilleure manière d’utiliser la PAC actuelle ou encore les mesures de marché pour aider notamment le secteur porcin. Elle a également abordé la question de la forte dépendance de l’UE en matière de fourrage animal, autant d’aspects et de faiblesses sur lesquelles elle a promis de travailler.

Dans le cadre du plan d’urgence en vue de garantir l’approvisionnement et la sécurité alimentaires en période de crise – adopté en novembre – l’Exécutif a par ailleurs indiqué que « le groupe d’experts devrait se réunir pour la première fois avant Pâques afin notamment de répondre à la hausse des prix à l’importation ».

« Il nous faut néanmoins reconnaître nos forces. Nous avons une industrie agroalimentaire résiliente soutenue par la PAC qui a montré son efficacité durant la crise sanitaire » a encore pointé le représentant de la commission devant les députés.

Marie-France Vienne

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