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Édito : le climat ou la souveraineté alimentaire?

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« Notre maison brûle et nous regardons ailleurs ». La célèbre phrase prononcée par feu le Président Chirac lors du IVe sommet de la Terre en 2002 pourrait, ironie du sort, s’appliquer non plus à l’urgence climatique mais à celle de la souveraineté alimentaire de l’UE questionnée par les conséquences délétères du conflit russo-ukrainien.

Car la guerre sans partage que mène la Russie sur le territoire de l’Ukraine risquerait bien de poser un sérieux problème de sécurité alimentaire, les protagonistes étant deux exportateurs majeurs de céréales (environ 100 millions de tonnes, 30 % des exportations mondiales de blé) et d’oléagineux. La situation la plus dramatique serait celle où les prochaines moissons ukrainiennes seraient entravées par la poursuite du conflit.

Certains eurodéputés ont tout récemment réclamé un moratoire sur la mise en application des objectifs visés par la stratégie « De la fourche à la fourchette » pour qu’ils cèdent la place à une autre priorité : garantir les approvisionnements au sein de l’UE. Reporter, voire abandonner le Pacte Vert pour se concentrer sur la gestion de la pandémie, l’idée avait déjà germé dans la tête de certains ministres européens de l’Agriculture en avril 2020.

La commission se retrouve donc une nouvelle fois face à deux menaces existentielles à combattre en même temps.

Elle n’entend toutefois pas baisser la garde environnementale de sitôt.

Pour le commissaire Frans Timmermans, un report serait une « erreur tragique » dès lors que l’essence du Pacte Vert consiste à mettre l’accent sur la résilience et la durabilité de l’économie européenne et d’exploiter tout le potentiel de la révolution numérique.

« La seule manière d’éviter d’être mis sous pression, puisque nous sommes les clients de Vladimir Poutine, c’est de ne plus dépendre de lui pour notre approvisionnement énergétique et pour ce faire, la seule voie consiste à accélérer la transition énergétique » a-t-il développé la semaine dernière devant le parlement européen.

C’est ainsi que la commission souhaite davantage encourager les investissements au niveau des constructions prévus dans le cadre de son ambitieuse décision de décarboner la totalité du parc immobilier du Vieux Continent d’ici à 2050 et pousser au maximum les énergies renouvelables. Dans l’objectif de réduire de 30 % la consommation totale de gaz de l’UE d’ici à 2030, et de réduire des deux tiers les importations de gaz en provenance de Russie d’ici la fin de l’année (soit 100 milliards de m³), elle prévoit de diversifier ses approvisionnements à hauteur de 60 millions de m³ sous un an et de doubler la production de biométhane pour une production de 18 milliards de m³ supplémentaires « en utilisant la PAC pour aider les agriculteurs à devenir des producteurs d’énergie » selon les propos de M. Timmermans.

Le commissaire néerlandais suggère aussi d’augmenter la production et l’importation d’hydrogène renouvelable et « installer des millions de panneaux photovoltaïques supplémentaires sur les toits de nos maisons, entreprises et fermes ».

« Il faut accélérer la transition vers une agriculture plus durable, sachant que les systèmes agroécologiques sont plus productifs que les traditionnels » a-t-il encore posé, en soutenant qu’il faut aussi « aller dans le sens du solaire et de l’éolien ».

Là où le vent nous portera ? C’est bien là le problème…

Marie-France Vienne

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