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La vente de ses animaux, un des rares domaines où l’éleveur à encore le choix!

Guillaume Detroz est agriculteurs-éleveur à Seneffe et marchand de bétail. Ce second boulot, il l’a embrassé un peu par hasard, en saisissant une opportunité qui correspondait à ses affinités. Une position et une double casquette qui le poussent à envisager le métier sous d’autres perspectives. Il nous l’explique.

Temps de lecture : 9 min

Fils d’agriculteurs, Guillaume a suivi le parcours classique et peut être un peu trop évident de l’école d’agriculture mais a rapidement ressenti le besoin de s’ouvrir à d’autres sujets : « J’ai commencé mes secondaires à Ciney et je les ai terminées à Ath ce qui m’a permis de rencontrer des personnes d’autres horizons. J’avais besoin de cela, m’ouvrir à d’autres milieux, sortir de l’agricole, parler d’autres choses. Je trouve qu’il est important de faire preuve d’ouverture d’esprit et ne pas rester cantonné à ce qu’on connaît. À la fin de mes études, j’ai travaillé 2 ans à l’extérieur en mécanique. Ce détachement m’a été bénéfique car sans ça, je pense que j’aurais pu être dégoûté de l’agriculture pure et dure. J’y suis quand même revenu avec plaisir puisqu’à 20 ans, j’ai repris une partie de la ferme, aux côtés de mon papa ». Guillaume se consacre d’abord entièrement à l’exploitation familiale dédiée à un troupeau laitier, viandeux mais aussi à la volaille, aux cultures et la vente à la ferme.

D’éleveur à marchand de bétail

Et puis un jour, via son cousin qui construit une étable dédiée à l’engraissement de veaux, il entre en contact avec la société Vanlommel, spécialisée dans la production de viande de veau. « C’est une société qui a pignon sur rue dans le domaine. Elle maîtrise aussi bien la production d’aliments, l’engraissement, que la découpe et la distribution de la viande ou des coproduits de cette production. Elle travaille en intégration avec pas mal d’éleveurs flamands et quelques-uns en Wallonie. Les installations sont assez coûteuses car elles sont pensées en accord avec le bien-être animal et dans le but de produire une viande de qualité. En effet, pour conserver une viande bien blanche, les veaux doivent être engraissés dans des infrastructures faites d’inox et bois. Les circuits d’alimentation sont aussi plus élaborés puisque le lait distribué doit être chaud. Tout ça fait qu’au final ça représente un sacré investissement que les éleveurs hésitent à faire. Néanmoins, ça reste une solution de diversification à laquelle les jeunes peuvent réfléchir. Mon cousin est par exemple très satisfait de son choix et estime que l’investissement en vaut le coup. La société est d’ailleurs toujours à la recherche d’éleveurs intéressés en Wallonie ».

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Sa spécialité : les veaux

Pour garnir ses étables d’engraissement, l’intégrateur a logiquement besoin de jeunes veaux et c’est là que Guillaume intervient : « La société m’a donné l’occasion d’acheter des veaux pour elle. C’est une activité qui m’a séduite car j’ai toujours aimé être sur la route, rencontrer des gens et faire du commerce. Adolescent, je me suis très vite occupé de la vente des bêtes sur la ferme et j’étais toujours en recherche d’un bon plan commercial ». L’idée de départ était que Guillaume revende également l’aliment poudre de lait dans l’exploitation où les veaux étaient achetés. « Si les veaux achetés aux éleveurs sont déjà habitués à la poudre de lait de la société d’intégration, c’est plus facile de les insérer dans leur filière. Mais en pratique, ça ne s’est pas vraiment passé comme ça. Ce sont devenu des activités différentes. Je revends bien de la poudre de lait Verveka mais par forcément dans les élevages où j’achète les veaux. Les éleveurs sont tout à fait libres de faire les choix qui leur conviennent le mieux ».

Chaque semaine depuis 4 ans, Guillaume fournit un lot de veaux laitiers achetés chez ses clients à la société Vanlommel : « C’est vraiment ce partenariat qui a contribué à me lancer dans le métier. Il m’a assuré une certaine protection, avec un débouché fixe. Même si je n’avais pas forcément la même envergure que d’autres partenaires, ils m’ont donné ma chance ».

Les veaux chargés sont rouges, noirs ou mixtes. Ils ont entre 15 jours et 1 mois afin de pouvoir être intégrés dans des groupes d’âges semblables : « c’est important pour la logistique. Les veaux sont abattus à 8 mois et quittent l’étable d’engraissement ensemble, on ne peut pas se permettre de devoir différer le chargement de quelques individus car ils n’ont pas l’âge requis ».

La viande de veaux laitiers produite par Vanlommel est vendue aussi bien en Belgique qu’à l’extérieur. « Contrairement à la viande de veaux culards pour laquelle la demande se concentre exclusivement sur la Belgique. En effet, les veaux BBB ne sont engraissés en plus petits groupes car ils sont moins faciles à mettre en route du fait de leurs origines souvent diverses. Ils proviennent parfois d’élevage au pis. Ça demande plus de travail. Le veau laitier est beaucoup plus constant et boit naturellement bien ».

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La clientèle s’étoffe, la confiance s’installe

Du fait de ses prospections pour les veaux, la clientèle de Guillaume finit par s’étoffer et on lui fait d’autres propositions : « De fil en aiguille, les gens m’ont également proposé des vaches ou des taureaux et aujourd’hui, je fais autant l’un que l’autre. Je travaille essentiellement en laitier et BBB mais c’est parce que ça correspond à ma région où il y a davantage de cultures que d’élevage. Je dirais même qu’elle a beaucoup souffert ces dernières années et perdu pas mal de bons élevages car les fermes n’ont plus de repreneurs. Restent aujourd’hui des élevages plus spécialisés avec une suite assurée. Dans le sud du pays, c’est beaucoup moins le cas. Les marchands roulent moins large, ils sortent d’une ferme pour rentrer dans une autre. C’est la région qui veut ça ».

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Au fil du temps, la confiance s’est aussi installée : « J’ai des amis qui sont devenus mes clients et des clients qui sont devenus des amis. Certains d’entre eux travaillent avec plusieurs acheteurs. On intervient une semaine sur deux ou uniquement pour des catégories précises mais, on reste en confiance. C’est comme ça qu’on travaille en tant que prestataires en agriculture. Pour le vétérinaire, le vendeur d’aliment, le marchand…, il n’y a pas de contrat. On fonctionne aux affinités et à la confiance. D’ailleurs pour certaines catégories d’animaux, on travaille davantage à la commission. Le client me charge de vendre ses bêtes, je fais au mieux et je prends la somme qui me revient pour cette transaction. Par contre, pour les taureaux, le BBB, les échanges plus conséquents, on annonce une somme. Dans ces cas-là, les gens aiment voir où ils vont, c’est normal ».

« Pour le vétérinaire, le vendeur d’aliment, le marchand…, il n’y a pas de contrat. On fonctionne aux affinités et à la confiance ».

Les contacts pris au niveau des canaux de revente se sont aussi élargis au fil du temps : « Ce n’est pas forcément un milieu très vaste mais, beaucoup de marchands sont là depuis toujours. On fait souvent ce métier de père en fils. Ce qui n’est pas mon cas. Il m’a donc fallu un peu de temps pour trouver les contacts qui me convenaient. J’ai rencontré des chevilleurs, des marchands qui travaillaient pour l’export. Autre point positif, j’ai bénéficié du soutien de marchands éleveurs en fin de carrière qui m’ont appris ce qui avait à apprendre. C’est une chance et c’est rare dans ce milieu qui a tendance à être un peu protectionniste et ou le business reste individuel. Néanmoins, dans notre région, même si on n’est pas toujours d’accord sur tout, le respect est bien présent entre les marchands ».

Étable de commerce

Les animaux repérés en ferme par Guillaume sont généralement rassemblés dans son étable de commerce. « Des lots de veaux ou de vaches noires quittent l’étable chaque semaine et je sous-traite le transport. Des animaux sont également achetés sur place. Je pourrais me rendre au marché de Ciney qui reste une institution mais j’y suis moins attaché, peut-être parce que je n’y ai pas été habitué dès le plus jeune âge, et surtout parce que ça me convient moins par rapport à mon autre métier d’éleveur. Ça reste néanmoins la référence et, tous les vendredis, je prends pas mal de contacts pour connaître les tendances et voir comment je dois agir. Ça me paraît plus efficace de travailler à l’étable, j’annonce mes animaux, l’acheteur se déplace si ça l’intéresse et si ça ne convient pas tant pis. Je n’ai pas les frais de transport ou autres liés au marché. Je connais mes acheteurs, leur mode de fonctionnement, leurs délais de paiement… ».

« Le commerce du bétail est un secteur assez strict qui ne laisse pas beaucoup de chance au hasard ».

Le type d’achat vente conditionne aussi le prix et les garanties à apporter et règles à respecter. « Les échanges sont assez réglementés et une carte d’identité suit les animaux. On doit également tenir un registre des dates, heures et lieux de chargements mais, en fonction de la destination de l’animal les garanties à apporter sont différentes. Les animaux destinés à l’engraissement en station, aux centres d’hébergement ou à l’abattoir ne demandent quasi-pas de garanties au contraire des bêtes d’élevage. Dans ce cas, on doit prendre davantage de précautions : les camions et vans doivent être désinfectés avant chargement et cela doit être prouvé ; une quarantaine doit être respectée ; des prises de sang doivent être faites à l’achat et la fin de la quarantaine… On ne laisse pas beaucoup de place au hasard ».

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À équilibrer avec son métier d’éleveur

Son métier de marchand, Guillaume a également dû apprendre à l’organiser en fonction de son exploitation et vice versa : « Au début, j’étais beaucoup sur la route pour faire ma clientèle et ça a engendré un peu de casse à la ferme. J’ai dû trouver un équilibre. L’étable de commerce m’a permis de mieux m’organiser car je peux charger quand je veux dans les élevages, rassembler les animaux à l’étable et le transporteur se charge de les amener à bon port en temps et en heure. En saison culturale, ça m’apporte aussi de la flexibilité. Je passe également rarement en ferme. Je téléphone pour m’enquérir de ce qui est disponible. Je gagne du temps et l’éleveur n’en tire pas de conclusion quant aux pratiqués. Au niveau de la ferme, on a également changé notre manière de travailler et délégué certaines choses avec lesquels j’avais par exemple moins d’affinités. J’ai également voulu tester les bonnes idées pêchées lors de mes visites en exploitations mais je me suis rendu compte que c’était parfois contre-productif. Je voulais tenter trop de choses en même temps et ce n’était pas profitable ».

La décision de vente est assez libre

Aujourd’hui, Guillaume estime avoir trouvé une certaine stabilité : « Ça ne s’est pas fait sans peine. Le commerce de bétail c’est quelque chose qu’il faut envisager sur le long terme car l’offre et la demande sont vite influencées et certaines catégories fluctuent beaucoup. La fidélité des clients et acheteurs joue aussi un rôle important. Je suis assez satisfait du commerce que je fais, je n’ai pas besoin de plus même si je m’épanouis vraiment dans ce métier. Je crois qu’on aura toujours besoin de marchands en bovins. Si on travaille bien et justement, il y a de la place pour tout le monde sur la route. Enfin, je pense qu’il s’agit encore d’un domaine où l’agriculteur à la main mise. Il peut décider de quand il vend et à qui il vend. Ça devient plutôt rare, on se retrouve souvent lié à un interlocuteur unique ».

D. Jaunard

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