Accueil Ovins, caprins

Filière caprine wallonne : rendez-vous à la chèvrerie de Cent Pieds

Des nuages dodus et paresseux, la souplesse des branches dénudées que la main du vent froisse, un silence sans contraire fait de ciel et de terre. Buvrinnes, à un jet d’orange de Binche, quasi anonyme, au gré de maisons presque cossues, la rue de Cent-Pieds dévoile quelques petits trésors de vie, la chèvrerie éponyme et sa timide propriétaire.

Temps de lecture : 5 min

C’est dans cette commune paisible de la région du Centre, qu’Anne Delbeke passe son enfance sur l’exploitation laitière de ses parents, à l’ombre des patrimoines folklorique et architectural binchois.

Des bovins, des poules, quelques moutons et déjà des chèvres, acquises par ses parents sur le conseil de leur pédiatre car, enfant, Anne ne digérait pas le lait de vache. C’est le début d’une belle complicité qui s’est transformée en passion pour ces petits ruminants qui ont la cote dans le Hainaut, la province caprine par excellence, avec 30 % des exploitations et 38 % des chèvres wallonnes qui y vivent.

L’élevage de chèvres, une activité qui épouse parfaitement la personnalité d’Anne Delbeke car la chèvre, est «un animal attachant » qui a l’avantage de s’adapter à une conduite en monotraite offrant ainsi de la souplesse dans l’organisation des tâches.
L’élevage de chèvres, une activité qui épouse parfaitement la personnalité d’Anne Delbeke car la chèvre, est «un animal attachant » qui a l’avantage de s’adapter à une conduite en monotraite offrant ainsi de la souplesse dans l’organisation des tâches. - M-F V.

Après des études en agronomie à Huy, elle travaille en association avec son père en 2004 avant de reprendre entièrement l’exploitation familiale en 2013. Toute seule, « même si mes parents m’aident encore un peu et que j’ai engagé deux personnes à mi-temps cette année ».

Elle troque rapidement les vaches laitières contre des Limousines et des moutons.

Un troupeau de 80 chèvres

Elle achète ensuite quinze chevrettes en 2018 et débute dans la foulée une formation au Carah (Centre pour l’Agronomie et l’Agro-industrie de la Province du Hainaut) à Ath pour se lancer dans la fabrication de fromages en 2019.

Anne peaufine son savoir-faire aux côtés de la personne qu’elle a engagée et qui, grâce à son expérience antérieure en fromagerie, « a mis en pratique ce que j’avais appris en cours ».

Une spéculation et une activité qui épousent parfaitement sa personnalité car la chèvre, indique-t-elle, « est un animal attachant » qui a l’avantage de s’adapter à une conduite en monotraite offrant ainsi de la souplesse dans l’organisation des tâches. Ce qui lui permet de se consacrer davantage à sa famille, elle qui a quatre enfants et dont le mari ne travaille pas sur la ferme.

Anne Delbeke a développé une belle complicité qui s’est transformée en passion pour ces petits ruminants qui ont la cote dans le Hainaut, la province caprine par excellence, avec 30 % des exploitations et 38 % des chèvres wallonnes qui y vivent.
Anne Delbeke a développé une belle complicité qui s’est transformée en passion pour ces petits ruminants qui ont la cote dans le Hainaut, la province caprine par excellence, avec 30 % des exploitations et 38 % des chèvres wallonnes qui y vivent. - M-F V.

Alors qu’on lui conseillait au départ de se tourner vers la race Alpine, rustique, à la robe chamoisée, qui s’adapte parfaitement en stabulation et au pâturage, Anne Delbeke s’est finalement orientée vers un croisement Alpine/Saanen (originaire de la vallée de Saane, en Suisse, de couleur entièrement blanche, c’est la chèvre la plus répandue dans le monde) pour ses quinze premières chevrettes, auxquelles elle ajoute des boucs Alpins.

Elle se trouve, au jour d’aujourd’hui, à la tête d’un troupeau de 80 chèvres qui produisent environ 240 litres de lait par jour, entièrement transformés.

Élevage, fromages, chevrotage…

Si l‘Alpine donne un peu moins de lait que la Saanen, il est particulièrement riche et apprécié dans le cadre de la fabrication de fromages dont Anne propose un large éventail : fromages frais, crottins secs, maquée, yaourts, fêta, tomme, camembert et même du maroilles ainsi que, bien entendu, du lait.

« Je commence à traire vers 07h30 avant de me consacrer durant toute la matinée à la fabrication des fromages. Les chèvres sont saisonnières, elles mettent bas en février-mars et je sépare directement les jeunes que je nourris au biberon pendant deux à trois jours. Je les alimente ensuite avec des tétines. Avec la traite, cela prend environ trois heures ».

« Il faut ensuite repailler, nourrir les chèvres (avec du préfané presque sec, du foin et un mélange d’aliments concentrés) qui sortiront au printemps pour les faire pâturer durant la journée » développe Anne en précisant qu’elle pratique les chevrotages elle-même.

Elle doit également concilier la gestion du pâturage avec l’éventuelle utilisation de vermifuges, période durant laquelle la traite est interdite. Pour éviter d’y être confrontée, elle change les chèvres tous les deux jours de prai ries et ne les sort pas par temps de pluie « en raison des vers qui remontent à la surface du sol, mais aussi tout simplement parce qu’elles ne veulent pas sortir quand il pleut » sourit-elle.

Si la longévité moyenne d’une chèvre est d’environ 15 ans, Anne les revend assez rapidement à des particuliers qui cherchent des chèvres de réforme pour faire un peu de fromage pour leur consommation personnelle ou juste pour les mettre en prairie ou dans un jardin.

« Je sélectionne celles que je vais garder en fonction du volume de leur production laitière, de leur état santé, surtout au niveau des mammites ».

« A côté de cela, y a également l’entretien des clôtures, des prairies et la vente au magasin certains après-midi » indique Anne qui livre ses produits dans d’autres points de vente en ferme et des épiceries tandis que quelques restaurateurs de la région viennent directement se fournir à la chèvrerie.

« Je ne m’attendais pas à décrocher un Harzé d’argent à ma première participation »

La renommée de ses fromages dépasse rapidement les limites de la petite commune de Buvrinnes et c’est poussée par des amateurs de ses produits qu’elle s’inscrit en 2021 au « Concours des meilleurs fromages de chez nous ». Contre toute attente, elle remporte, à sa première participation, un Harzé d’argent pour sa « Tomme de Cent Pieds », un fromage à pâte pressée non-cuite.

La chèvrerie de Cent Pieds a participé pour la première fois aux « Journées Fermes Ouvertes » en septembre 2021, « une réussite, principalement grâce aux enfants qui sont attirés par  les chèvres, car c’est un animal que l’on peut approcher facilement et caresser».
La chèvrerie de Cent Pieds a participé pour la première fois aux « Journées Fermes Ouvertes » en septembre 2021, « une réussite, principalement grâce aux enfants qui sont attirés par les chèvres, car c’est un animal que l’on peut approcher facilement et caresser». - M-F V.

« C’est une belle récompense du monde fromager pour mon travail quotidien qui va de la récolte de foin à la vente en passant par l’élevage et l’entretien de mon troupeau » souffle-t-elle en ajoutant que cette distinction constitue une « réelle motivation » qui la poussera en tout cas à concourir à nouveau cette année avec d’autres produits.

Anne Delbeke a également participé pour la première fois aux « Journées Fermes Ouvertes » en septembre 2021, « une réussite, principalement grâce aux enfants qui sont attirés par les chèvres, car c’est un animal que l’on peut approcher facilement et caresser. En raison du Covid nous n’avons pas pu organiser de dégustations mais nous avons installé un château gonflable et les visiteurs ont eu le loisir de se balader au fil des 15ha de prairies situées derrière la chèvrerie en suivant un circuit ».

Marie-France Vienne

A lire aussi en Ovins, caprins

Vacciner ou l’art de prévenir tôt plutôt que guérir tard

Ovins, caprins Vacciner n’est pas aussi anodin qu’il n’y paraît. Cet acte doit, en effet, être réfléchi en tenant compte de divers paramètres, tels que les pathogènes ciblés, l’âge du cheptel, l’état de santé des animaux… Il doit également s’envisager lorsque le troupeau semble sain mais pourrait être menacé par un pathogène émergent ou réémergent, ou en cas de risques liés à l’achat d’un animal.
Voir plus d'articles