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Désherbage du maïs : aucune nouveauté au rayon «produits», malgré des contraintes grandissantes

Depuis la saison dernière, le contexte phytosanitaire ainsi que la législation ont évolué… Certains produits ont disparu tandis que de nouvelles contraintes sont venues compliquer le travail des agriculteurs. Parfaitement au fait de ces dernières actualités, le Cipf livre ici ses recommandations pour les travaux de désherbage.

Temps de lecture : 12 min

La nouvelle saison débutera bientôt pour tous les maïsiculteurs. Après les semis, les opérations de désherbage se profileront rapidement à l’horizon. À cette occasion, le Centre indépendant de promotion fourragère (Cipf) livre ses précieux conseils en la matière, après une brève rétrospective de la saison écoulée.

2021 : de bonnes conditions pour un désherbage réussi

La saison dernière, les premiers semis ont débuté vers le 15-20 avril sous des températures très fraîches et se sont poursuivis sans entraves jusqu’au mois de mai. Avec ce printemps plutôt froid et sec, la levée et la croissance du maïs ainsi que celles des adventices se sont déroulées lentement. Les semis effectués à partir de la première décade de mai ont pu bénéficier de pluies régulières.

Ces conditions optimales ont permis aux agriculteurs d’intervenir en préémergence et de tirer le maximum d’efficacité des associations appliquées avant l’émergence des adventices. Bien que les conditions pour un traitement en préémergence aient été idéales, la majorité des interventions sanitaires a été réalisée au stade 4 à 5 feuilles visibles du maïs avec de très bons résultats.

Des évolutions au niveau des produits disponibles

La liste des produits phytosanitaires disponibles évolue chaque année. Trois points sont à épingler à l’entame de cette saison !

  Produits à base de mesotrione 70 g/l + terbuthylazine 330 g/l

La dose maximale d’homologation des quatre produits à base de 70 g/l de mesotrione + 330 g/l de terbuthylazine (Calaris, Callistar, Click Pro et Click Premium) a été réduite de moitié depuis le mois de janvier dernier. Ces produits pourront donc être utilisés à une dose maximale de 0,75 l à partir de la saison culturale 2022. L’agréation ne concerne plus que la lutte contre les dicotylées annuelles. Par contre, le contrôle des panics pied de coq n’est plus envisageable à cette dose.

Les années précédentes, appliquées à 1 à 1,2 l, ces associations formaient la base d’un traitement classique. Elles présentaient un large spectre contre de nombreuses dicotylées et assuraient une rémanence de 3 à 4 semaines nécessaire avant la fermeture des lignes. À la dose de 0,75 l, l’efficacité et la rémanence de ces produits étant fortement amputé, leur utilisation n’est pas recommandée sans un complément de 25 g de mésotrione (0,25 l de Callisto, par exemple).

  Limitation pour l’application de la terbuthylazine

Le 21 mai 2021, un nouveau règlement d’exécution de la Commission européenne concernant les conditions d’approbation de la substance active « terbuthylazine » a été voté afin d’éviter la contamination des eaux souterraines. Faisant suite à cette décision, le Comité d’agréation a revu les autorisations de l’ensemble des produits à base de terbuthylazine pour en limiter l’usage à une seule application tous les trois ans sur une même parcelle et à une dose maximale de 750 g/ha à partir de 2022 avec effet rétroactif. Les utilisateurs doivent tenir compte des applications effectuées les années précédentes sur une même parcelle.

Cette restriction s’appliquant déjà en 2022, cela signifie que les agriculteurs qui ont utilisé un produit à base de terbuthylazine sur une parcelle en 2020 et 2021 ne pourront pas appliquer cette matière active cette saison.

Sont concernés par cette modification les produits : Akris, Andes, Aspect T, Promess, Calaris, Callistar, Click Pro, Click Premium, Gardo Gold, Gardoprim et Primagram Gold.

  Produits à base de bromoxynil : fin des utilisations

Cette substance active n’a pas été ré-approuvée au niveau européen le 16 juillet 2020. Les produits contenant du bromoxynil ont donc perdu leur autorisation depuis le 17 septembre 2021. En absence de terbuthylazine, cette substance active pouvait servir de renfort aux tricétones pour compléter les efficacités sur certaines dicotylées telles que la mercuriale annuelle, la renouée liseron, la pensée, le gaillet ou la véronique. Son principal atout se situait au niveau des matricaires repiquées qui en quelques jours se voyaient totalement contrôlées après application de mesotrione + bromoxynil.

Réussir le désherbage en préémergence…

Les produits racinaires agissent principalement sur les graines en germination par absorption par le coléoptile (gaine protectrice des cotylédons) ou les racines séminales. Ils doivent être appliqués avant la levée des adventices, bien répartis sur le sol en l’absence de grosses mottes et de semences de maïs en surface. L’efficacité d’un herbicide de préémergence est dépendante de trois paramètres : la présence d’eau dans les premiers centimètres du sol, la teneur en argile et la teneur en matière organique.

Un désherbage réussi permettra aux plantules de croître sans concurrence.  Cela se traduira par un meilleur résultat à la récolte.
Un désherbage réussi permettra aux plantules de croître sans concurrence. Cela se traduira par un meilleur résultat à la récolte. - J.V.

L’humidité du sol est le facteur essentiel. En effet, seule la partie qui est dissoute dans la solution du sol sera efficace vis-à-vis des adventices. On notera toutefois des différences de solubilité dans l’eau entre substances actives. À titre d’exemple, l’efficacité du diméthénamid P (1.499 mg/l à 20ºC) très soluble dans l’eau sera moins affectée en conditions plus sèches que la pendiméthaline qui est nettement moins soluble (0,33 mg/l à 20ºC). Dans les mêmes conditions, le S-metolachlore et la pethoxamide se situent respectivement à 480 mg/l et 400 mg/l. Les teneurs en argile et en matière organique influencent également le contrôle des adventices. Des taux élevés bloquent les substances actives qui ne seront plus disponibles pour assurer la destruction des mauvaises herbes.

La réussite d’un traitement de préémergence est fortement tributaire de la qualité de préparation de sol et des conditions d’humidité au moment de l’application.

… avec quels traitements ?

En présence de terbuthylazine , lorsque ces conditions favorables sont réunies, il est possible de composer des associations permettant d’éliminer l’ensemble des annuelles classiques. Par contre, les vivaces (liserons, rumex, chardons, chiendents…) imposent une intervention en postémergence. Un traitement Aspect T 2,0 l + Stomp Aqua 2,0 l peut s’avérer complet si les conditions d’applications sont optimales.

Certaines substances actives (flufénacet, isoxaflutole, pendiméthaline) utilisées en préémergence ont une sélectivité de position. Elles ne peuvent entrer en contact avec la graine de maïs en germination (profondeur de semis 3 à 5 cm nécessaire).

L’application sur un sol sec avant une pluie abondante n’est donc pas sans risque surtout s’il s’agit d’un sol léger.

Sans terbuthylazine, l’Adengo TCMax permet de sécuriser le contrôle des adventices plus difficiles. En effet, les associations Adengo 0,25 l + Camix 1,25 l ou Adengo 0,25 l + Stomp Aqua 1,5 l présentent toutes deux un spectre quasi complet, la renouée liseron étant la seule faiblesse de ces combinaisons. Attention cependant à bien nettoyer le pulvérisateur si ces traitements maïs s’intercalent entre des pulvérisations de parcelles de betteraves !

La réussite est toutefois liée à une bonne préparation du sol (terre suffisamment émiettée) et à une humidité suffisante au moment du traitement. Les traitements conseillés sont décrits au tableau 1 . En fonction de la combinaison choisie, différentes adventices peuvent y échapper.

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La « post » en présence de dicotylées annuelles (sans panic, sétaire ni digitaire)

En présence de dicotylées annuelles, le schéma de base sera constitué d’une association d’une tricétone (mesotrione, sulcotrione ou tembotrione) combinée ou non à la terbuthylazine et d’un radiculaire.

  Avec terbuthylazine

Le tableau 2 reprend l’ensemble des traitements possibles en postémergence précoce (maïs 4è à 5è  feuille visible) en présence de dicotylées uniquement et avec recours à la terbuthylazine.

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Si des graminées annuelles sont présentes, l’ajout de 0,4 à 0,5 l Samson Extra 60 OD ou Monsoon Active 0,75 l permet de les détruire. Ces antigraminées apportent un complément d’efficacité nécessaire si on se trouve en présence de mercuriales de 4 feuilles et plus et que l’on utilise la mésotrione ou la sulcotrione.

En présence d’amarantes, le Callisto ou le Laudis ont une efficacité nettement supérieure à celle du Zeus (ou Sulcogan). La sulcotrione et la tembotrione sont un peu plus « douces » lorsque les plantes ont une croissance ralentie par un temps frais.

  Sans terbuthylazine

Pour les agriculteurs qui souhaitent (ou doivent) travailler sans terbuthylazine, il faudra traiter plus tôt, de préférence au stade 3-4è  feuille visible du maïs et être attentif à la flore observée sur la parcelle.

La présence de vulpin, pâturin, jouet du vent, mercuriale, renouée des oiseaux, renouée liseron et matricaire repiquée imposera bien souvent l’ajout d’un produit complémentaire (tableau 4) au schéma de base (tableau 3). Le pyridate (présent seul dans l’Onyx ou associé à la mésotrione dans le Botiga) renforce l’action de la mésotrione et de la sulcotrione (vitesse d’action et meilleure efficacité sur adventices moyennement sensibles telles que les véroniques).

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Il convient toutefois d’être vigilant vis-à-vis de certains mélanges. En effet, le Monsoon active 0,75 l ainsi que le Maïster Power 0,75 l ne peuvent pas être associés à Laudis OD lorsque la dose appliquée est supérieure à 1,5 l (risque de phytotoxicité).

Eviter la présence de matricaire repiquée

La matricaire n’est difficile à éliminer que si elle a été repiquée par les travaux de sol (cas de non-labour ou de labour reverdi). En postémergence, lorsque les matricaires ont moins de 10 cm, les associations classiquement utilisées (Laudis 1,75 l + Aspect T 1,75 l) les contrôlent parfaitement.

En présence des matricaires repiquées (tableau 5), les meilleurs résultats sont obtenus avec l’ajout de 20 g de Peak aux mélanges classiques à base de Callisto. Le Peak (75 % de prosulfuron) peut être appliqué du stade 2 à 9 feuilles du maïs. Antérieurement, les produits à base de bromoxynil éliminaient les matricaires repiquées en moins d’une semaine, Avec le Peak, l’action est plus lente. Il faudra donc être un peu plus patient avant de voir ses effets.

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En présence de dicotylées et panics, sétaires (hors digitaires)

Dans les situations où l’on rencontre une flore de dicotylées annuelles ainsi que des panics et/ou sétaires, diverses associations sont possibles (tableau 6). Elles font intervenir, pour combattre ces graminées estivales, des matières actives telles que le nicosulfuron (Samson Extra 60 OD), le thiencarbazone + foramsulfuron (Monsoon Active), la tembotrione (Laudis). La mésotrione ou la sulcotrione constituent par leur spectre d’efficacité et leur rémanence la base du désherbage contre les dicotylées en postémergence. Le Laudis peut également jouer le même rôle en agissant à la fois sur les dicotylées annuelles et les graminées estivales.

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La sulcotrione et la mésotrione sont notamment utiles contre les chénopodes et arroches moins bien contrôlés par tous les produits radiculaires (excepté la pendiméthaline). En cas d’utilisation de la sulcotrione ou de la mésotrione, les panics pied-de-coq et sétaires doivent être détruits par l’action de contact d’un nicosulfuron ou du Monsoon Active ou du Maïster Power TCMax. Leur action est assez lente mais généralement très efficace contre ces deux graminées. Vu leur faible rémanence, il faudra ajouter au traitement 2,0 l de Gardo Gold ou Aspect T 1,6 l ou Akris 2,0 l. Ceux-ci renforceront l’action par contact par leur apport en terbuthylazine tout en apportant une rémanence efficace contre les graminées annuelles.

Le stade optimum de traitement pour une bonne efficacité (destruction des adventices présentes et rémanence suffisante) se situe entre le stade 4è et 5è  feuille visible du maïs (post précoce) lorsque le traitement inclut de la terbuthylazine. Les panics et sétaires les plus développés ont alors généralement atteint le stade 3 feuilles à début tallage. Sans terbuthylazine, il convient de traiter un peu plus tôt sur des adventices moins développées et augmenter la dose du produit racinaire.

Le Capreno TCMax est composé de tembotrione et renforcé par la thiencarbazone méthyl qui apporte un complément d’efficacité sur renouées des oiseaux et matricaires.

Les traitements conseillés sans terbuthylazine (tableau 7) peuvent être également complétés par les produits du tableau 4 en fonction des adventices difficiles présentes.

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En présence de renouées des oiseaux, le Monsoon Active sera préféré au nicosulfuron.

Sur digitaires : Laudis demeure la seule solution !

Si les parcelles où on retrouve des digitaires restent nettement moins fréquentes que les parcelles avec sétaires et panics, les cas rencontrés sont de plus en plus courants et les régions concernées plus nombreuses d’année en année. Si le Nord du pays est le plus concerné, on rencontre aussi la digitaire filiforme et occasionnellement la digitaire sanguine dans certaines parcelles dans l’ouest du Hainaut, au nord-est de Liège, en Brabant, surtout en sols légers et sols sablonneux de la région jurassique. Leur levée est plus tardive que celles des autres graminées.

Si les parcelles où l’on retrouve des digitaires demeurent peu fréquentes, les cas rencontrés sont de plus en plus fréquents... Seul Laudis permet de contrôler ces adventices.
Si les parcelles où l’on retrouve des digitaires demeurent peu fréquentes, les cas rencontrés sont de plus en plus fréquents... Seul Laudis permet de contrôler ces adventices. - J.V.

Le Laudis (tembotrione + isoxadifen éthyl) + un antigraminée rémanent ( Aspect T , Akris ou Gardo Gold ) reste la seule solution de référence contre les flores complexes de graminées estivales avec digitaires filiformes, digitaires sanguines, sétaires verticillées, sétaires vertes et panics pied-de-coq du stade 1 feuille à début tallage par contact. La garantie d’un contrôle satisfaisant des digitaires filiformes est un traitement très précoce pas plus tard qu’au stade tout début tallage des digitaires ( tableau 8 ).

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Quel traitement face aux panics dichotomes et panic schinzii ?

Ces graminées essentiellement localisées en régions sablonneuses du nord du pays et en Campine se retrouvent depuis quelques années dans quelques régions de Wallonie (Pays de Herve, Brabant wallon).

Le traitement Laudis 2 à 2,25 l + Aspect T 2,0 l ou Akris 2,0 l a confirmé son excellente efficacité contre ces graminées. En préémergence, en conditions humides, leur destruction était complète en apportant comme radiculaire le Frontier Elite 1,4 l ou Akris 2,25 l. L’ Adengo 0,33 l en préémergence et le Laudis 2,0 l + Frontier Elite 1,0 l au stade « 1 à 3 feuilles des graminées » assurent aussi un contrôle total des panics schinzii.

En 2021, sur une parcelle fortement envahie de panics dichotomes, en absence de terbuthylazine, les meilleurs résultats ont été obtenus en un seul passage soit en préémergence avec Adengo 0,25 l + Frontier Elite 0,8 l ou soit en post précoce avec Laudis 2,25 l + Frontier Elite 0,75 l + Samson Extra 60OD 0,3 l.

Enfin, il ressort que le succès d’un traitement postémergence face à ces nouvelles graminées n’est garanti que par une pulvérisation en conditions d’humidité satisfaisante et à des stades très précoces des adventices (maximum au stade deux à trois feuilles étalées à talle 1 cm). Passé ce stade, la destruction devient nettement plus problématique.

Le vulpin et le ray-grass résistants aux sulfonylurées, une nouvelle difficulté !

Dans quelques parcelles, le ray-grass et les vulpins résistants aux sulfonylurées ont fait leur apparition. L’importation de paille provenant du bassin parisien est à l’origine dans certaines situations de l’extension du ray-grass.

Cette résistance est une capacité naturelle et héritable qu’ont certains individus issus d’une population déterminée de survivre à un traitement herbicide létal pour les autres individus de la population. Il existe deux formes de résistance, celle par mutation de cible qui empêche l’herbicide de se fixer sur celle-ci (mutation au niveau d’un acide aminé) et une autre par laquelle la plante développe des enzymes qui dégradent les molécules d’herbicides (détoxification).

Les premiers essais réalisés en 2019 et 2020, ont montré les limites des herbicides actuellement disponibles en maïs. La rotation est certainement la meilleure voie dans ces situations. Un essai sera mis en place par le Cipf cette année.

D’après G. Foucart, F. Renard, J-P. Mazy et M. Mary,

Centre pilote maïs, Cipf, UCL – Louvain-la-Neuve

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