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Cession de bail: le propriétaire peut-il s’y opposer?

Je suis propriétaire d’une parcelle de 6 hectares, loué depuis plus de 20 ans. La semaine passée, j’ai reçu une lettre recommandée par laquelle mon preneur me faisait savoir que son fils avait repris la ferme et qu’il était mon nouveau preneur. Peut-il procéder ainsi sans mon autorisation et que dois-je faire en cas de désaccord ?

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Il faut tout d’abord noter que la cession de bail de père en fils ne requiert pas l’accord du propriétaire. L’article 34, al.1er de la loi sur le bail à ferme dit : « Le preneur peut, sans autorisation du bailleur, céder la totalité de son bail à ses descendants ou enfants adoptifs ou à ceux de son conjoint ou de son cohabitant légal ou aux conjoints desdits descendants ou enfants adoptifs ou aux cohabitants légaux desdits descendants ou enfants adoptifs. »

Par contre, un désaccord peut être signifié dans le cas d’une cession privilégiée du bail (qui réalise le renouvellement du bail à défaut d’opposition valable par le bailleur). En effet, l’article 35 de la loi sur le bail à ferme stipule : « Si, dans les trois mois de l’entrée en jouissance du cessionnaire, le preneur ou ses ayants droit notifient au bailleur la cession que le preneur a faite du bail à ses descendants ou enfants adoptifs ou à ceux de son conjoint, de son cohabitant légal ou aux conjoints ou aux cohabitants légaux desdits descendants ou enfants adoptifs, en lui indiquant les noms, prénoms et adresses du ou des cessionnaires, le bail est, sauf opposition déclarée valable du bailleur, renouvelé de plein droit au profit du ou des cessionnaires. »

Renouvellement du bail

Ce renouvellement a pour effet que, toutes autres conditions étant maintenues, une nouvelle et première période de neuf ans prend cours au bénéfice du ou des cessionnaires, à la date anniversaire de l’entrée en jouissance du cédant qui suit la notification ; en outre, le cédant est déchargé de toutes obligations résultant du bail nées postérieurement à la notification.

Depuis la dernière réforme les conditions pour pouvoir bénéficier d’un renouvellement du bail en cas de cession privilégiée sont renforcées. Ce renouvellement n’a lieu qui si, soit :

– le cessionnaire est porteur d’un certificat d’études ou d’un diplôme à orientation agricole ;

– le cessionnaire poursuit un cursus depuis un an au moins en vue d’obtenir un certificat d’études ou d’un diplôme à orientation agricole ;

– le cessionnaire est exploitant agricole ou l’a été pendant au moins un an au cours des cinq dernières années.

Pas toujours possible

Rappelons que depuis la dernière réforme la cession privilégiée du bail est interdite dans les neuf mois qui suivent la notification faite par le bailleur au preneur de son intention de vendre. Si la vente n’a pas lieu dans les neuf mois, la cession privilégiée redevient possible et le bailleur ne pourra renouveler son intention de vendre que trois ans plus tard.

Possibilité de s’y opposer

Le bailleur auquel une cession a été notifiée dans le délai prévu à l’article 35, peut faire opposition au renouvellement du bail en citant l’ancien et le nouveau preneur devant le juge de paix, dans les trois mois de la notification de la cession, à peine de déchéance, en vue d’entendre valider son opposition.

Pour cette opposition le bailleur peut seulement invoquer les motifs suivants :

– le fait qu’avant toute notification de la cession le bailleur a donné un congé valable ;

– l’intention du bailleur d’exploiter lui-même, dans un délai inférieur à cinq ans, le bien loué ou d’en céder l’exploitation à son conjoint, à son cohabitant légal, ses descendants ou enfants adoptifs ou ceux de son conjoint, de son cohabitant légal ou aux conjoints ou aux cohabitants légaux desdits descendants ou enfants adoptifs ;

– des injures graves ou des actes d’hostilité manifeste de la part du cessionnaire à l’égard du bailleur ou de membres de sa famille vivant sous son toit ;

– la condamnation du cessionnaire du chef d’actes de nature à ébranler la confiance du bailleur ou à rendre impossibles les rapports normaux entre le bailleur et son nouveau preneur ;

– le fait que le cessionnaire n’a pas la capacité professionnelle requise ou qu’il ne dispose pas des moyens matériels nécessaires pour une bonne exploitation du bien loué ;

– l’intention des administrations publiques ou personnes juridiques de droit public qui ont loué le bien, d’affecter ce bien, dans un délai inférieur à cinq ans, à des fins d’intérêt général.

Le juge apprécie si les motifs de l’opposition sont sérieux et fondés et notamment s’il appert des circonstances de la cause que le bailleur mettra à exécution les intentions énoncées comme motifs de l’opposition.

Si aucun des motifs précités est applicable, vous ne pouvez pas vous opposer au renouvellement du bail. La seule chose que vous pouvez faire dans ces circonstances est de prouver que le fils de votre preneur est entré en jouissance plus de trois mois avant l’expédition de la lettre par recommandé.

Jan Ospommer

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