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«Adapter ses pratiques pour stocker le carbone est une opportunité, et non une contrainte»

Le 25 mars dernier, Chuck de Liedekerke et Nicolas Verschuere, cofondateurs de Soil Capital, recevaient Willy Borsus, Olivier de Wasseige et Nicolas Janssen pour leur présenter leur entreprise et leur programme de séquestration et rémunération du carbone. L’occasion de rappeler combien la santé des sols joue un rôle majeur dans la préservation de notre environnement mais aussi dans la rentabilité des exploitations agricoles.

Temps de lecture : 5 min

Comment peut-on évaluer la santé d’un sol ? C’est avec cette question que Chuck de Liedekerke et Nicolas Verschuere ont accueilli Willy Borsus, ministre wallon de l’agriculture, Olivier de Wasseige, administrateur délégué de l’Union wallonne des entreprises et Nicolas Janssen, député wallon, au siège de Soil Capital, à Perwez.

Observer la stabilité structurale

Et les deux cofondateurs d’y répondre grâce à un « slake test », aussi appelé test de stabilité structurale. Celui-ci nécessite de disposer d’autant de récipients remplis d’eau que de parcelles à tester. Dans chaque récipient est placé un tamis sur lequel est déposée une motte de terre prélevée dans chaque parcelle. On observe ensuite si la motte se désagrège au contact de l’eau et, le cas échéant, à quelle vitesse.

« Ce test, très facile à mettre en œuvre, permet d’évaluer à quel point le sol est stable en présence d’eau. Si la motte se dégrade totalement, cela signifie que la parcelle en question présente un mauvais état structural. Au contraire, si elle reste entière, cela témoigne d’une très bonne stabilité. En parallèle, nous pouvons aussi estimer l’impact des pratiques agraires sur les terres agricoles », détaille Nicolas Verschuere.

Dans le cas présent, les mottes ont été prélevées dans trois parcelles très proches les unes des autres et présentant les mêmes caractéristiques pédologiques. Les pratiques adoptées y sont cependant différentes. La première est cultivée de manière intensive, la deuxième est travaillée selon les principes de l’agriculture régénérative tandis que la dernière est issue d’un bosquet forestier n’ayant subi aucune perturbation.

Au bout de quelques minutes, le résultat est sans appel. « La motte issue de la parcelle intensive se désagrège très rapidement… Cela signifie qu’en cas de forte pluie, l’eau est en mesure de charrier le sol. Or, il s’agit du principal capital d’une exploitation agricole. La deuxième motte ne se délite que très peu, signe que l’adoption de pratiques alternatives (travail du sol léger, semis de couverts végétaux diversifiés…) contribue au développement de la biodiversité du sol, elle-même garante de sa bonne structure. Enfin, la motte forestière demeure intacte. »

Le gîte, le couvert… et des économies

« Pour arriver à un tel résultat, il convient d’offrir le gîte et le couvert aux microorganismes du sol. Cela demande de perturber la parcelle le moins possible, c’est-à-dire de la travailler moins intensivement et de faire usage d’outils plus légers. Il convient également de maximiser sa couverture avec des plantes vivantes (cultures et intercultures) stockant le carbone nécessaire à la vie des microorganismes du sol », continue M. Verschuere.

Outre ses pratiques, l’apport d’intrants organiques (en lieu et place de leurs équivalents synthétiques), la diversification de la rotation et, enfin, l’agroforesterie, contribuent aussi à la séquestration du carbone dans les sols.

« Adopter de telles habitudes, qui relèvent de l’agriculture régénérative, est bon pour le portefeuille », épingle-t-il encore. « Un sol riche en carbone est plus performant. Il montre une meilleure fertilité et une meilleure résistance aux aléas. Cela se traduit par des économies d’intrants (engrais et produits de protection des plantes). En outre, ces pratiques permettent d’alléger la facture de carburant et de réduire les charges de mécanisation. »

La rémunération carbone, un incitant

Chuck de Liedekerke poursuit : « Ces constats nous aident à faire comprendre aux agriculteurs que travailler de manière à stocker le carbone dans les sols est une opportunité, et non une contrainte. Chez Soil Capital, nous sommes convaincus que l’agriculture régénérative est une solution face à l’érosion des terres agricoles, au recul de la biodiversité… et qu’elle constitue une des orientations possibles au regard de l’urgence climatique ».

La start-up s’est d’ailleurs donné pour ambition d’accompagner les agriculteurs dans la transition d’un million d’hectares vers une agriculture plus rentable et régénérative d’ici 2025. C’est pourquoi un programme de rémunération carbone (lire Le Sillon Belge du 30 septembre dernier) a été développé et incite les agriculteurs à adopter de nouvelles pratiques.

« L’agriculteur qui s’inscrit dans le programme est rémunéré, par l’intermédiaire de certificats carbone, s’il réduit ses émissions de carbone ou s’il en stocke. Soil Capital ne lui impose aucune pratique. Il reste maître de sa ferme et met en place les techniques qu’il souhaite, à son rythme. Les certificats constituent un incitant financier en vue de favoriser l’adoption de pratiques agricoles régénératives. Il ne faut pas les voir comme un objectif en tant que tel. » Il est, en outre, possible de valoriser ses productions au sein de filière « bas carbone » dont le développement va croissant.

À l’heure actuelle, le programme remporte un franc succès. Avec 150 agriculteurs engagés en 2020 et plus de 600 l’an dernier, Soil Capital est aujourd’hui leader du marché en Europe. « Par ailleurs, les agriculteurs qui stockent ou ont réduit leurs émissions de carbone lors de leur première année dans le programme se verront octroyer, en moyenne, 174 certificats carbone. Au prix minimum de 27,50 €/certificat, cela représente une rémunération « carbone » moyenne de 4.785 € dont 80 % seront payés cette année. Le solde (soit 20 %) est quant à lui placé en réserve et sera payé dans 10 ans afin de garantir la permanence du carbone dans les sols. »

Convaincre le plus grand nombre

De son côté, le ministre Borsus a tenu à féliciter la start-up pour son initiative qui, bien qu’à vocation environnementale, n’oublie pas l’aspect économique du problème. « Le programme développé semble très équilibré. D’autant plus qu’il veille à maintenir, voire à accroître, la rentabilité de nos exploitations. Or, il s’agit d’une réelle préoccupation pour de nombreux agriculteurs… »

Et d’ajouter : « On observe, à l’échelle européenne, une vraie prise de conscience quant à l’importance de nos sols, d’opter pour des travaux alternatifs, de veiller à maintenir une bonne couverture des parcelles… Il nous reste maintenant à convaincre le plus grand nombre du bien fondé de ces pratiques ».

J. Vandegoor

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