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Le droit de préemption est-il d’application lors d’une sortie d’indivision?

Je suis propriétaire d’une prairie louée depuis plus de 20 ans avec mon frère et mes deux sœurs. Nous sommes devenues copropriétaires au décès de nos parents. Je souhaite désormais acheter les parts de mon frère et de mes sœurs afin de donner la parcelle à mon fils agriculteur. Le preneur a-t-il un droit de préemption ?

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En général, tout preneur jouit du droit de préemption, comme prévu à l’article 47 de la Loi sur le bail à ferme. Cet article indique qu’en cas de vente d’un bien rural loué, le preneur jouit du droit de préemption pour lui-même ou pour ses descendants ou enfants adoptifs ou ceux de son conjoint, de son cohabitant légal ou pour les conjoints et cohabitants légaux desdits descendants ou enfants adoptifs, qui participent effectivement à l’exploitation de ce bien.

L’article 52 de la Loi sur le bail à ferme a prévu plusieurs exceptions à cette règle générale. Dans votre cas, la quatrième exception semble d’application. Elle dit que le preneur ne jouit pas du droit de préemption en cas de vente à un copropriétaire d’une quote-part dans la propriété du bien loué. Cette exception ne peut être invoquée que par les personnes devenues copropriétaires par héritage ou par testament ou qui étaient déjà copropriétaires au moment de la conclusion du bail à ferme ou qui ont acheté le bien en indivision pendant la durée du bail à ferme sans que le preneur ait usé de son droit de préemption. Si les copropriétaires, qui répondent à ces conditions, terminent l’indivision avec un acte notarial de partage, le preneur n’aura donc pas un droit de préemption. Même pas si l’un des copropriétaires paie aux autres leurs parts.

Après le partage

Après l’acte de liquidation et partage vous serez le seul bailleur et cela conformément à l’article 55 de la Loi sur le bail à ferme. Cet article prévoit que si le bail a une date certaine antérieure à l’aliénation du bien loué, l’acquéreur à titre gratuit ou à titre onéreux est subrogé dans les droits et obligations du bailleur à la date de la passation de l’acte authentique, même si le bail prévoit la faculté d’expulsion en cas d’aliénation.

Il en va de même lorsque le bail n’a pas date certaine antérieure à l’aliénation, si le preneur occupe le bien loué depuis un an au moins. Dans ce cas, l’acquéreur peut mettre fin au bail, à tout moment, pour les motifs et dans les conditions visées à l’article 7 de la loi sur le bail à ferme, moyennant un congé de six mois notifié au preneur, à peine de déchéance, dans les trois mois qui suivent la date de la passation de l’acte authentique constatant la mutation de la propriété. Ce délai est prolongé pour permettre au preneur d’enlever la récolte croissante.

Le bail reste donc intact, mais vous avez peut-être des nouvelles possibilités pour donner congé et donc pour terminer le bail à ferme.

Donation

Dans votre lettre vous expliquez envisager une donation à votre fils qui est agriculteur, après l’acte de liquidation et partage.

Comme l’article 47 de la loi sur le bail à ferme l’indique, il y a seulement droit de préemption « en cas de vente d’un bien rural loué ». Une donation n’est pas une vente, car il s’agit d’une cession de propriété à titre gratuit. La vente au contraire est un contrat à titre onéreux.

Si vous êtes devenu le seul propriétaire de la prairie, vous pouvez donner la parcelle à votre fils et cela sans qu’un droit de préemption doive être offert.

Néanmoins, dans ce cas, votre fils sera à son tour obligé de respecter le preneur et son bail à ferme.

Congé pour exploitation personnelle

Si vous et vos sœurs et frère restent en copropriété, vous pouvez quand même donner congé en faveur de votre fils agriculteur.

L’article 7, 1 º de la loi sur le bail à ferme prévoit qu’un copropriétaire peut donner congé en vue de l’exploitation personnelle au profit de ses descendants si ce copropriétaire possède au moins la moitié indivise du bien loué. Mais cette dernière condition ne joue pas dans le cas où ce copropriétaire a reçu sa part en héritage ou par legs.

Comme vous êtes devenus copropriétaire par le décès de vos parents, chacun des copropriétaires, quel que soit le pourcentage qu’il possède, peut donner congé en vue de l’exploitation personnelle. Évidemment, le futur exploitant (votre fils) doit répondre aux conditions légales d’âge et d’aptitude.

Jan Opsommer

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