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PAC : la commission tente de rehausser l’ambition environnementale

Dans les lettres d’observations qu’elle a envoyées aux États membres sur leurs plans stratégiques de la PAC, la commission se montre particulièrement vigilante – et souvent critique – sur l’ambition environnementale.

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Architecture verte globale, engagements du Pacte Vert… Selon les premiers éléments connus, la commission demande à la plupart des États membres de réviser, ou au moins de préciser, leurs projets. Sur cette base, une nouvelle négociation, bilatérale cette fois, va s’engager : les États membres défendant leurs plans et la commission faisant pression, comme elle le peut, pour les inciter à les améliorer.

« L’invasion de l’Ukraine par la Russie et la flambée généralisée des prix des produits de base mettent en évidence, de la manière la plus forte qui soit, le lien étroit entre l’action climatique et la sécurité alimentaire. »

Sévérité de la commission

C’est ainsi que s’ouvre chacune des 19 lettres d’observation sur les plans stratégiques de la PAC adressées le 31 mars par la commission aux États membres ayant transmis leurs projets en temps et en heure. L’ensemble de ces documents ne sera rendu public que fin avril pour laisser le temps aux États membres de les analyser. Mais à la lecture de quelques-unes de ces lettres (celles de la France, de l’Espagne, de la Suède, de la Finlande, des Pays-Bas ou de l’Autriche) dont la longueur varie de 35 à 55 pages, il apparaît qu’effectivement elle insiste fortement sur l’ambition environnementale des projets.

Bruxelles se montre relativement sévère, avec la France notamment. La commission demande aux États membres de revoir en partie leurs plans stratégiques pour renforcer la résilience du secteur agricole de l’UE, réduire sa dépendance aux engrais de synthèse, augmenter la production d’énergie renouvelable, et transformer sa capacité de production en favorisant des méthodes de production plus durables.

Elle cite comme exemples : l’agriculture bas-carbone, les pratiques agro-écologiques, la production durable de biogaz et son utilisation, l’efficacité énergétique, l’utilisation de l’agriculture de précision, la production de protéagineux et l’application la plus large possible des meilleures pratiques.

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Ses remarques portent sur six grands chapitres : l’orientation générale du plan, le développement d’un secteur résilient pour la sécurité alimentaire, le renforcement de la protection de l’environnement, le renforcement du tissu socio-économique des zones rurales, la recherche et l’innovation, et enfin la mise en œuvre des objectifs du Green deal (antibiotiques, bio, pesticides, engrais, biodiversité, haut débit).

Une nouvelle négociation

En dehors des exigences légales des trois règlements de base adoptés fin 2021, la commission a voulu avec cette réforme de la PAC laisser beaucoup plus de marge de manœuvre aux États membres tout en conservant un rôle central pour s’assurer que les objectifs (en termes d’environnement mais aussi d’emploi, de renouvellement des générations, et bien sûr de sécurité alimentaire) sont atteints globalement par l’UE, mais aussi pour éviter les distorsions de concurrence entre États membres ou régions. C’est donc une nouvelle négociation, bilatérale cette fois, qui commence. Les États membres vont avoir l’occasion d’expliquer leurs choix plus précisément quand cela leur est demandé. Une fois que des plans, plus ou moins révisés, lui auront été transmis la Commission prendra trois mois pour les réexaminer et finalement les valider.

Les remarques de la commission s’appuient à la fois sur les recommandations qu’elle avait adressées en décembre 2020 à chaque État membre en amont de la préparation de leurs plans stratégiques mais aussi sur les comptes rendus des débats publics qui ont été organisés au niveau national au cours du processus de préparation de ces plans. «  Nous attendons maintenant que les États membres concernés répondent aux observations et soumettent une version révisée de leurs plans. Nous restons déterminés à organiser des réunions bilatérales avec les États membres pour discuter de nos observations  », a simplement indiqué le commissaire européen à l’Agriculture Janusz Wojciechowski.

« La Commission est consciente que le contexte dans lequel les États membres ont conçu leurs projets de plans a considérablement changé avec l’invasion russe en Ukraine et j’en tiendrai compte dans le processus d’approbation », a-t-il ajouté.

Pays-Bas : absence d’indicateurs

Les Pays-Bas, qui plaident pourtant depuis des années pour une PAC tournée vers une obligation de résultats plutôt que de moyens, sont tout particulièrement critiqués par la commission européenne.

« Le plan des Pays-Bas doit encore être considérablement amélioré. Les nombreux éléments manquants, incomplets ou incohérents […] suscitent de sérieuses inquiétudes et ne permettent pas une évaluation approfondie de son ambition », écrit la commission européenne dans sa lettre. Et d’ajouter qu’il « est regrettable que les Pays-Bas n’aient défini aucun indicateur de résultat ni aucune valeur cible pour des domaines clés tels que l’adaptation au climat et l’atténuation de ses effets, la qualité de l’air, l’utilisation de pesticides, la qualité de l’eau et la gestion des nutriments ».

La commission regrette notamment que le plan ne prévoie aucune intervention visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre ou de polluants atmosphériques dues à l’élevage intensif ou à l’excédent élevé de nutriments dans le sol.

Elle pointe également une augmentation très limitée de la superficie consacrée à l’agriculture biologique alors même que la superficie actuelle consacrée au bio aux Pays-Bas est l’une des plus faibles de l’UE. Par contre, Bruxelles salue l’objectif général consistant à favoriser un secteur agricole orienté vers le marché et la connaissance, intelligent, compétitif, résilient et diversifié qui assure la sécurité alimentaire à long terme.

Des ONG inquiètes

Alors que des discussions vont débuter entre les États membres et la commission européenne sur l’amélioration des plans stratégiques nationaux de la Pac, les ONG BirdLife et le Bureau européen de l’environnement ont publié deux rapports analysant la manière dont les États membres prévoient d’utiliser les subventions qu’ils reçoivent. Selon elles, « les programmes environnementaux vitaux sont largement sous-financés ».

Elles regrettent que les plans stratégiques nationaux reflètent pour la plupart une vision obsolète du productivisme qui privilégie le rendement et les gains à court terme au détriment des considérations environnementales. Par exemple, il est, selon les deux ONG, peu probable que la plupart des États membres, si ce n’est tous, atteignent l’objectif de 10 % de superficie agricole consacrée à des éléments paysagers à haute diversité d’ici à 2030.

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