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L’agriculture bio craint de faire les frais des conséquences de la guerre

La réponse agricole aux conséquences de la guerre en Ukraine sur le secteur doit être bio et locale, a affirmé mardi l’Union nationale des agrobiologistes belges (UNAB), qui craint que son secteur ne fasse les frais d’une fuite en avant du modèle hyperproductiviste.

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«  Aujourd’hui, les prix d’achat du bio au producteur flirtent avec ceux du conventionnel », a déploré Dominique Jacques, président de l’UNAB, lors d’une conférence de presse dans une ferme bio à Grez-Doiceau (Brabant wallon). « Si cette situation persiste, la Wallonie, qui assure 91 % de la production bio belge, a peu de chance d’atteindre son objectif de convertir 30 % de la surface agricole en bio d’ici 2030 », alerte-t-il.

La situation est disparate : ainsi, un agriculteur bio wallon qui peinait à vendre son colza avant la crise se voit maintenant courtisé par les distributeurs. À l’inverse, les produits bio sont aujourd’hui boudés par les consommateurs finaux qui tentent de boucler leurs fins de mois face à l’inflation galopante, expose l’agriculteur.

La guerre a aussi révélé des dépendances insoupçonnées à l’Ukraine. « Avant la guerre, on ne voyait pas l’importance de l’importation de protéagineux de ce pays, alors que le bio favorise normalement le circuit court. Les semences bio venant d’Ukraine ont aussi fait un bond conséquent », expose-t-il, en plaidant la relocalisation.

L’UE cherche à gonfler sa production, autant pour compenser la chute de ses approvisionnements en alimentation animale (plus de la moitié de ses importations de maïs venait d’Ukraine) que pour pallier de graves crises alimentaires redoutées notamment en Afrique et en Asie.

Mais Dominique Jacques craint que la réponse se résume à augmenter la production à coups d’intrants (engrais) et revoir à la baisse les objectifs européens de durabilité et d’autonomie des exploitations.

Il en voit un exemple dans la disparition, dans un récent texte adopté en commission de l’Agriculture du Parlement européen, de l’objectif proposé par la Commission européenne que l’Union atteigne d’ici la fin de la décennie 25 % de surfaces agricoles en bio.

« Il est également question d’un report de la promesse de diminuer de 50 % l’utilisation des pesticides, ce sont de très mauvais signaux, la guerre en Ukraine ne devrait pas avoir d’influence sur les promesses bio de la Commission », appuie Marc Tarabella (PS, S&D), membre de la commission de l’Agriculture du Parlement européen, présent à Grez-Doiceau.

À ses côtés, Benoît Lutgen (Les Engagés, PPE) s’est montré plus nuancé : plutôt que de s’accrocher à un objectif chiffré, il insiste sur la nécessité de développer un plan d’actions, prenant en compte la demande, les chaînes logistiques, les capacités, etc. La Wallonie s’est fixé l’objectif d’atteindre les 30 % de surface agricole bio en 2030, on en est à 12 voire 13 % aujourd’hui, fait-il observer.

La Commission estime de son côté que la réduction prévue des pesticides et engrais (dont la potasse vient principalement de Russie et du Bélarus) permettra de renforcer l’indépendance européenne, de revivifier les sols, donc de conforter la sécurité alimentaire du continent. Elle a déjà annoncé une aide de 500 millions d’euros, tirée de la « réserve de crise » agricole de l’UE, et a exprimé sa « bienveillance » aux projets des États désirant distribuer en plus des aides nationales à leurs agriculteurs. Mais les Vingt-sept envisagent aussi des mesures comme la réduction des jachères ou une révision des objectifs de verdissement des cultures, ce qui hérisse l’UNAB.

Pour mieux valoriser le bio, MM Tarabella et Lutgen ont entre autres évoqué une réorientation vers l’alimentaire des cultures céréalières destinées aux biocarburants, l’utilisation de tous les leviers d’aides qui existent, ou encore de stimuler la demande, notamment avec des menus bio dans les cantines scolaires, hôpitaux ou maisons de repos. Il faut pour cela une exception agricole pour les marchés publics, ont-ils souligné.

Belga

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