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L’agriculture, l’un des moteurs économiques du Hainaut

Des césures dans l’espace infini, des plateaux ouverts et ce ciel qui effleure les terres en une discrète musicalité de paysages. Tel le gréement d’un navire qui pointe dans le creux de la houle, les clochers rythment le passage des jours en Hainaut, là où l’agriculture est reine…

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Institution provinciale située à Ath, le Crepa (Centre pour la Recherche, l’Économie et la Promotion agricole) dispose de plusieurs départements dédiés à la vie agricole en Hainaut.

À côté du laboratoire de pédologie, de la Ferme expérimentale et pédagogique, le bureau d’économie rurale s’articule autour d’un service de comptabilité de gestion et d’une structure de consultance Adisa (pour les aides à l’investissement et à la reprise). Il propose également des aides administratives aux agriculteurs, dans le cadre, par exemple, de leurs déclarations de superficie.

900 exploitations suivies

Pour l’ensemble de la Wallonie, le nombre d’exploitations a enregistré une diminution de 50% en 30 ans.

Le Hainaut comptait quant à lui 9.156 exploitations en 1987. Elles n’étaient plus que 3.941 en 2017, soit une baisse de 67 %.

Aujourd’hui, le bureau d’économie rurale suit désormais 900 exploitations au niveau des comptabilités de gestion, « obligatoires dans le cadre de l’obtention d’aides à l’investissement ou à la reprise » explique sa responsable, Berengère Delbecq.

Il s’agit d’une comptabilité analytique qui traite les données de façon à « examiner la viabilité de l’exploitation et en optimiser la gestion » détaille Amaury Deguffroy, agronome, comptable et consultant au sein du bureau « Économie et information », ajoutant « nous sommes là pour donner un conseil financier par rapport aux chiffres qui ressortent de l’analyse ».

La province du Hainaut accueille sur son territoire principalement des exploitations mixtes, aussi bien des cultures (commerciales ou fourragères) et du cheptel (viandeux ou laitiers), dont la moyenne de celles qui sont suivies par le bureau d’économie rurale tournent autour de 80 ha.
La province du Hainaut accueille sur son territoire principalement des exploitations mixtes, aussi bien des cultures (commerciales ou fourragères) et du cheptel (viandeux ou laitiers), dont la moyenne de celles qui sont suivies par le bureau d’économie rurale tournent autour de 80 ha. - M-F V.

Le conseiller joue par ailleurs le rôle d’accompagnant à la prise de décision au sein de l’exploitation.

Tous les agriculteurs de la province ne font pas appel à ce service, certains souhaitant juste bénéficier d’une vision d’ensemble de leur exploitation ou fixer le revenu de chaque production et d’en analyser la rentabilité individuelle. Les agronomes se rendent dans les exploitations pour récolter les données chiffrées, faire le débriefing de leur analyse et donner des conseils techniques.

Des exploitations mixtes qui ont tendance à s’agrandir

La province du Hainaut accueille sur son territoire principalement des exploitations mixtes, aussi bien des cultures (commerciales ou fourragères) et du cheptel (viandeux ou laitiers), dont la moyenne de celles qui sont suivies par le bureau d’économie rurale tournent autour de 80ha. Proportionnellement, elles comptent environ ¼ de prairies pour ¾ de terres de cultures.

On retrouve en terre hennuyère principalement des céréales, du maïs ensilage, un peu de maïs grains, des betteraves, de la chicorée et des cultures légumières. Et aussi beaucoup de pommes de terre.

Le Crepa note une spécialisation des agriculteurs qui emblavent de plus en plus de grandes surfaces. « Plus personne ne met 2ha à 3ha de pommes de terre en raison des normes actuelles en matière de stockage » explique Amaury Deguffroy.

Une tendance qui s’explique par l’interdiction depuis le mois de juin 2020 en Belgique, de l’utilisation de chlorprophame (poudre antigerminative CIPC) faisant que les agriculteurs se sont tournés vers l’éthylène qui nécessite des bâtiments étanches de grande envergure.

D’ailleurs plus généralement pour les spéculations végétales, l’effort a porté sur la construction de hangars permettant un stockage optimal des pommes de terre ou des céréales.

Le Hainaut est multiple et les exploitations rencontrées dans la Botte du Hainaut ne ressemblent pas à celle que l’on trouve à Ath ou à Tournai. Ou encore du côté de Pommerœul avec ses terres lourdes et humides « où l’on ne pourra pas implanter des légumes ».

Au niveau du cheptel, le nombre d’UGB a augmenté au fil du temps dans les exploitations affiliées aux services du Crepa (67,4 UGB en 1987, et 111 UGB en 2017, soit une augmentation de 65%).

« On tourne donc aujourd’hui autour de 110 UGB par exploitation » précise M. Deguffroy en ajoutant que la tendance est par contre à l’accroissement au niveau des hectares par unité de travail puisque « sur dix ans, on est passé de 70ha à 80ha ».

Une dynamique autour de la création de petites structures et de la diversification

Comme dans les autres provinces wallonnes, la population agricole en Hainaut est vieillissante et il n’est pas rare de voir des agriculteurs poursuivre leurs activités au-delà de l’âge légal de la retraite parce qu’ils n’ont pas de repreneurs. Cette poursuite d’activités sera désormais moins intéressante financièrement avec l’éventuel arrêt des primes pour les retraités dans la future législation PAC. Et comme partout ailleurs, les plus grosses exploitations absorbent les plus petites.

« Cela ne signifie pas pour autant qu’il n’y a pas beaucoup de reprises d’exploitations » nuance Bérengère Delbecq en expliquant qu’un nombre non négligeable de fils, de filles d’agriculteurs reprend l’exploitation familiale. Il arrive aussi que des agriculteurs célibataires cèdent leur entreprise à des jeunes qui ne sont pas spécialement issus du monde agricole.

Les agriculteurs se retrouvent plus que jamais dans l’incertitude liée à cette crise  mais aussi à la nouvelle PAC 2023 et à l’attente d’une nouvelle législation Adisa  qui devrait normalement entrer en vigueur au 1 er  janvier prochain...
Les agriculteurs se retrouvent plus que jamais dans l’incertitude liée à cette crise mais aussi à la nouvelle PAC 2023 et à l’attente d’une nouvelle législation Adisa qui devrait normalement entrer en vigueur au 1 er janvier prochain... - M-F V.

« Nous observons aussi depuis quelques années des créations d’exploitations qui prennent la forme de plus petites structures » indique Amaury Deguffroy en précisant que « ce sont par exemple des unités de maraîchages pour se lancer en agriculture mais aussi des poulaillers mobiles qui ont le vent en poupe dans la province ».

Une tendance qui se reflète depuis environ trois ans au niveau des dossiers d’investissements dans le cadre de la législation Adisa (prolongée jusqu’au 31 décembre 2022) permettant de bénéficier d’une aide non négligeable lors d’une reprise ou d’une création d’exploitation et lorsqu’une personne souhaite investir dans du matériel ou dans la construction d’un bâtiment.

C’est ainsi que « certaines personnes ne bénéficiant pas d’un capital familial optent pour la création d’une nouvelle spéculation réclamant peu d’hectares » précise Amaury Deguffroy.

Plus largement, les diversifications et les points de ventes à la ferme se sont multipliés au cours de ces dernières années dans la province.

« Nous avons d’ailleurs nombreuses de personnes qui viennent se former à la transformation laitière à la Ferme expérimentale et pédagogique du Crepa-Carah » abonde M. Delbecq.

« Nous sommes à un moment charnière »

La crise sanitaire sur laquelle est venu se greffer le conflit russo-ukrainien plongent bien évidemment aussi les agriculteurs hennuyers dans le doute et l’expectative en raison de la flambée des prix des céréales, et de celle des intrants.

« Nous verrons malheureusement un fossé se creuser entre les agriculteurs qui ont anticipé leurs achats d’intrants et ceux qui achètent au jour le jour » développe M. Deguffroy en précisant que « certains ont acheté du nitrate à 350€/tonne en septembre, d’autres qui en ont acheté en fin de d’année dernière à 640€/tonne et ceux qui devront désormais débourser 1.000€ ».

Au Crepa, on s’attend d’ailleurs à de possibles cessations d’activités, car « le moral n’est pas très bon, le prix des intrants flambe, celui du mazout et des carburants en général aussi, mais également celui des machines, sans parler des investissements qui doivent être réalisés dans les exploitations et sont de plus en plus chers » souffle Amaury Deguffroy.

L’agriculteur se retrouve plus que jamais dans l’incertitude liée à cette crise mais aussi à la nouvelle PAC 2023 et à la l’attente d’une nouvelle législation Adisa qui devrait normalement entrer en vigueur au 1er janvier prochain.

Marie-France Vienne

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