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Le coin du maraîcher: contrôler la présence des limaces et des escargots

Le sol se réchauffe depuis quelques jours, l’activité de limaces et escargots reprend. Les populations semblent importantes sur certains sites et plutôt faibles ailleurs. La biologie de ces bestioles, la structure du sol après l’année 2021 et la biodiversité peuvent expliquer partiellement ces constatations.

Temps de lecture : 7 min

Plusieurs espèces de limaces se rencontrent fréquemment dans les cultures maraîchères. Sans coquille apparente, elles sont capables de s’enfoncer profondément dans le sol. Elles y sont protégées de la dessiccation et de certains de leurs prédateurs. Les escargots prolifèrent notamment à proximité et dans les serres maraîchères.

Seules quelques espèces occasionnent des dégâts notables. Retenons pour les limaces : la limace grise ( Deroceras reticulatum ) et la limace noire ( Arion hortensis ), et localement, en bordure de parcelles et en jardins, la limace rouge (Arion rufus). La durée de vie et le cycle reproducteur diffèrent d’une espèce à l’autre. Les pontes par paquets de quelques dizaines d’œufs sont fréquemment posées dans les premiers centimètres de sol. Les déplacements nocturnes sont de quelques mètres par nuit et sont guidés par les yeux situés à l’extrémité des tentacules, sensibles aux infrarouges.

Limace noire (Arion hortensis).
Limace noire (Arion hortensis).

Les espèces les plus redoutées pour leurs dégâts

La limace grise adulte mesure 4 à 6 cm. Jeune, elle a une couleur rouge-violacé. Le mucus est blanchâtre. Hermaphrodite, elle pond jusqu’à 300 à 400 œufs tout au long de l’année. Chez nous, une ou deux généra tions sont possibles par an. Elle vit 9 à 12 mois, surtout en surface de sol, et peut parcourir 6 m en une nuit. Elle est surtout crainte en période de sécheresse.

La limace noire adulte mesure 3 à 4 cm ; jeune, elle mesure ½ cm et est gris bleuâtre. Le mucus est incolore ou jaunâtre. Elle vit 12 à 18 mois, dans le sol, et peut parcourir 3m en une nuit. Hermaphrodite, elle pond 150 à 300 œufs de mai à septembre. Chez nous, une ou deux générations sont possibles par an. Elle est surtout crainte par temps pluvieux, au printemps sur plantules, en automne sur légumes.

Limace grise (Deroceras reticulatum).
Limace grise (Deroceras reticulatum).

Les dégâts

Les limaces adultes mangent jusque-là moitié de leur poids par 24 heures, ce qui est énorme en termes de jeunes plantules. Les feuilles sont rongées, d’abord à partir des espaces inter-nervaires. Les tiges sont coupées et mangées et les plantules meurent. Des loges sont creusées dans les racines et tubercules.

Les cultures maraîchères en général sont très sensibles aux dégâts sur plantules, aux lésions sur le légume et à la présence des limaces entre les feuilles et dans les pommes (laitues, chicorées, choux).

Influence de la météo

La température et l’humidité influencent l’activité des limaces et les populations. Très sensibles à la température, les limaces ont un métabolisme qui leur impose de se nourrir davantage lorsque la température dépasse une vingtaine de degrés. Les populations d’adultes se réduisent par grand froid, mais les œufs résistent bien au gel.

Lorsque l’humidité relative est faible, les limaces se déshydratent rapidement, mais la découverte d’un point d’eau leur permet aussi de se réhydrater rapidement.

Les types de sol, leur préparation

Les sols argileux sont plus sujets au développement des populations de limaces que les sols sablonneux. Les sols grossièrement préparés sont propices aux déplacements et aux nidifications dans le sol. C’est un facteur essentiel. Les structures de sol ont été tellement dégradées l’an dernier qu’il n’est pas étonnant de constater des pullulations sur les parcelles ayant fort souffert.

Les préparation de sol laissant des mottes grossières facilitent le passage des limaces lors des migrations nocturnes/diurnes.
Les préparation de sol laissant des mottes grossières facilitent le passage des limaces lors des migrations nocturnes/diurnes.

Estimation des risques

Les limaces peuvent être observées directement par leur présence ou par les traces de passage sur les feuilles couvertes de la rosée matinale ou les traces de mucus. Les pièges permettent d’apprécier le niveau d’importance des populations. Les résultats doivent être interprétés selon la grandeur des risques, dépendant eux-mêmes de la culture et de l’époque de l’année.

En pratique, 4 pièges de ¼ de m², constitués de cartons humidifiés recouverts d’une bâche, sont disposés sur la parcelle. Le comptage se fait 3 jours plus tard et s’exprime en individus/m². Le seuil de tolérance dépend de la sensibilité de la culture. Nous considérons le maximum tolérable est de 1 individu/m² en cultures sensibles comme les laitues, les choux, les radis, les navets, les fraises et les épinards. Nous pouvons retenir le niveau maximum de 2 individus/m² sur chicons et celui de 12 /m² sur haricots.

Lorsque la parcelle maraîchère est voisine d’une parcelle à risques importants, nous plaçons des pièges en bordure et faisons le comptage des individus dans la zone à risque séparément du reste de la parcelle. Il est possible que l’apport de granulé appât puisse se limiter à la zone concernée.

Le broyage des débris de cultures favorise la décomposition de ceux-ci et réduit  donc les possibilités pour les limaces de se nourrir entre deux cultures.  Les collets de laitues, les tiges de choux sont des refuges nourriciers.
Le broyage des débris de cultures favorise la décomposition de ceux-ci et réduit donc les possibilités pour les limaces de se nourrir entre deux cultures. Les collets de laitues, les tiges de choux sont des refuges nourriciers.

Méthodes de lutte

Les auxiliaires et les mesures prophylactiques permettent de réduire les risques de développement trop important des populations de limaces.

Les façons culturales superficielles exposent les œufs à la déshydratation par le soleil et perturbent l’habitat des adultes.

Le sol travailler finement en surface limite la facilité de mouvements des limaces. Ce sont sur les sols travaillés de manière très grossière que les populations de limaces s’installent le plus vite.

Des techniques complémentaires sont possibles, des produits sont agréés pour lutter contre les limaces. Une bonne estimation préalable des risques est requise en toutes situations afin d’éviter les interventions inutiles. N’oublions pas le respect d’une bande tampon lors de l’application de ces produits, généralement de 1 mètre, à vérifier pour chaque produit.

Limace grise (Deroceras reticulatum)
Limace grise (Deroceras reticulatum)

Les auxiliaires

Plusieurs espèces de carabes et de staphylins dévorent les œufs de limaces, leur action est précieuse vis-à-vis des pontes, dès le début du printemps. Pour favoriser les carabes et les auxiliaires, il convient de maintenir des zones refuges enherbées aux flores diversifiées constituant un maillage autour des parcelles.

Les mesures prophylactiques

De nombreuses mesures prophylactiques préviennent l’extension des populations de limaces. Elles sont complémentaires : une bonne rotation, le broyage des débris de culture, les déchaumages, l’entretien des bordures de parcelles, le binage et le travail superficiel du sol.

La rotation des cultures intervient dans la durée des périodes sans culture, la protection naturelle vis-à-vis des auxiliaires se déplaçant sur le sol ou dans les airs et les possibilités d’interventions comme évoqué ci-dessous.

Le broyage des débris de cultures favorise la décomposition de ceux-ci et réduit donc les possibilités pour les limaces de se nourrir entre deux cultures. Les collets de laitues, les tiges de choux sont des refuges nourriciers.

Les déchaumages superficiels permettent d’exposer les pontes au soleil, favorisant ainsi leur déshydratation. Peu après chaque opération, les limaces sont présentées au regard de prédateurs. La réduction de l’enherbement par ces façons culturales répétées réduit d’autant les réserves nourricières.

L’entretien des bordures de parcelles permet le maintien d’une végétation propice au maintien et à l’extension de populations de carabes prédateurs. L’efficacité globale de cette réserve d’auxiliaires est liée à la densité de son maillage dans la plaine. L’entretien consiste en des fauchages, un travail mécanique pour contenir l’extension des herbes dans la zone cultivée, éventuellement un désherbage thermique localisé.

Les binages des cultures favorisent l’exposition au soleil des œufs ainsi que des limaces exposées quelques instants au regard de prédateurs.

Le travail superficiel du sol, notamment lors des opérations de faux semis, jouent un rôle équivalent peu avant la période risquée des semis et levée des plantules.

Les sols travaillés et rappuyées présentent peu de cavernes qui sont des refuges pour les limaces. C’est un point important cette année alors que les terres sont difficiles à travailler.

L’emploi de molluscicides

Les molluscicides homologués apportent un autre type de solution. Le métaldéhyde (plusieurs noms commerciaux, 0,30 à 0,42 kg de m.a./ha) détruit les cellules productrices de mucus, la limace se déshydrate. Avec le phosphate de fer, les limaces cessent de l’alimenter (plusieurs noms commerciaux, 0,21 à 0,5 kg de m.a./ha). Les produits sont formulés sous forme d’appâts ; n’intervenir que sur les surfaces aux risques avérés par piégeage. Pour les doses, délais, cultures autorisées et noms commerciaux, voir aussi www.fytoweb.be.

Les résultats seront meilleurs par interventions précoces, au semis et avant la levée de la culture. La lutte doit s’organiser pour éviter les surpopulations aux premiers stades de la culture surtout. Quand les dégâts sont faits, il est trop tard. La détermination des risques par le piégeage cité ci-dessus a tout son sens. Il faut éviter les applications inutiles d’appâts, certains d’entre eux ayant un effet défavorable sur la faune du sol (carabes, vers de terre…)

F.

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