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Porcs : les multiples dimensions du bien-être animal

Améliorer le bien-être des éleveurs et des animaux en regard des pratiques d’élevage et du milieu dans lequel ils évoluent, tel est l’objet des travaux réalisés depuis de nombreuses années par l’Unité de production animale du Cra-w qui a récemment fait le point sur une notion de plus en plus prégnante dans la société.

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P our ce faire, le Centre de recherche a mis en œuvre des études et projets de recherche que ce soit en porcherie expérimentale ou chez des éleveurs afin de cerner cette dimension, qui selon la définition de l’Anses constitue « l’état mental et physique positif lié à la satisfaction des besoins physiologiques et comportementaux de l’animal, ainsi que de ses attentes. Un état qui varie en fonction de la perception de la situation par l’animal ».

Cinq libertés pour cinq axes de travail

Cette définition implique que l’évaluation du bien-être soit réalisée du point de vue de l’animal. On ne doit donc plus tenter de l’adapter à son milieu mais bien essayer d’adapter le milieu pour que l’animal se sente dans les meilleures conditions de bien-être. On peut envisager ce dernier à travers le prisme de cinq libertés.

A commencer par la liberté physiologique avec l’absence de faim et de soif, suivie de la liberté environnementale en amenant tout le confort thermique et physique nécessaire aux animaux qui correspond à son espèce. Il est question de liberté sanitaire qui recouvre l’absence de douleur, de blessure ou maladie, d’une liberté comportementale avec la possibilité, pour les animaux, d’exprimer les comportements normaux et, enfin, de liberté psychologique qui a trait à l’absence de peur ou de détresse dans les interactions.

La filière d’élevage du « Porc plein air »

Ces différents axes ont constitué le moteur des travaux initiés par le Cra-w, qui s’est lancé en 1997 dans l’étude de l’élevage du Porc plein air (une pratique quasi inexistante alors en Wallonie) avec la mise en place, à la ferme expérimentale de Gembloux, de deux sites, l’un dédié à l’expérimentation composé d’une parcelle de prairie aménagée avec des cabanes, l’autre à la démonstration.

Le bien-être animal, c’est notamment la liberté physiologique avec l’absence de faim  et de soif suivie de la liberté environnementale en amenant tout le confort thermique  et physique nécessaire aux animaux et qui correspond à son espèce.
Le bien-être animal, c’est notamment la liberté physiologique avec l’absence de faim et de soif suivie de la liberté environnementale en amenant tout le confort thermique et physique nécessaire aux animaux et qui correspond à son espèce. - Cali - stock.adobe.com

Suite à ces essais, un premier centre d’engraissement plein air voit le jour au début des années 2000, tandis que PQA lance, en 2003, le porc de qualité différenciée. Le « Porc plein air » est une production qui convient bien à un mode de conduite en agriculture biologique par des éleveurs motivés par la notion de bien-être animal.

Un projet européen et une application pour mesurer le bien-être animal

Certains d’entre eux participent au projet « ppilow » (Poultry and Pig Low-input and Organic production systems Welfare) financé par l’UE et coordonné par l’Inrae avec pour objectif de co-construire, grâce à une approche multi-acteurs mise en œuvre dans 9 pays européens par 23 partenaires, des innovations visant à améliorer le bien-être des volailles et des porcs élevés dans des systèmes de production biologiques ou à faibles intrants (accès à un parcours).

Ces éleveurs sont en phase de test de l’application « piglow », un outil qui leur permet d’évaluer le bien-être de leurs propres animaux. Les résultats comprennent des scores et pourcentages moyens pour chaque indicateur de bien-être, des conseils automatisés avec des facteurs de risque pour d’éventuels problèmes de bien-être et une comparaison anonyme avec les scores d’autres utilisateurs de l’application. Une fois qu’un éleveur a effectué plusieurs analyses de bien-être, un graphique montre comment ses scores ont changé au fil du temps, fournissant un historique du bien-être sur son exploitation.

Étude du stress dans la gestation en groupe

Faisant suite à l’approche de « Porc plein air » et toujours dans une optique de liberté, l’Unité de production animale du Cra-w s’est intéressée aux gestations en groupe.

Pour rappel, l’Arrêté royal du 15 mai 2003 marque l’obligation de logement des truies en groupe à partir de quatre semaines post-insémination et jusqu’à une semaine avant la mise bas.

Dès 2004, le Cra-w travaille de concert avec la Faculté de médecine vétérinaire afin d’examiner l’état de stress des truies conduites en groupes dynamiques et alimentées au DAC (distributeur automatique de concentrés).

La mise à disposition d’un espace supplémentaire sous la forme d’un parcours extérieur d’une superficie de 0.75m² par truie en plus des 2.25m² de superficie à l’intérieur, n’améliore pas leur niveau de bien-être, cet espace n’étant utilisé que 1,9 % de la journée ou 2,8 % de la période diurne en moyenne par chacune des truies en période estivale.

Mais en portant la surface intérieure à 3m² par animal, les chercheurs ont observé une diminution du cortisol salivaire (un indicateur de l’état de stress de l’animal) et des agressions unidirectionnelles, une constatation confortée par des scores inférieurs de blessures superficielles et profondes.

Les enseignements du DAC

Les chercheurs ont par ailleurs constaté que la durée moyenne du temps passé au DAC était de 23,4 minutes qui est conforme au temps d’ingestion programmé de 120g par minute. Compte tenu de cette valeur et en envisageant une occupation au DAC de 24h/24h, ils ont pu conclure que le nombre maximum de truies à prévoir au sein du groupe était de 52.

L’étude a mis en évidence la difficulté des nullipares à s’intégrer dans la hiérarchie d’un groupe établi, leur comportement alimentaire se différenciant encore de celui des autres truies après trois semaines.

Deux moments de regroupements ont été testés : à l’heure de démarrage des DAC et de manière retardée. L’hypothèse étant que, dans ce second cas, l’effort lié à l’établissement de la stabilité sociale serait moindre.

En effet, lors d’un regroupement retardé, les truies dominantes ont déjà réalisé leur passage au DAC et les truies introduites sont confrontées aux truies résidantes de rang social intermédiaire. Les résultats obtenus n’ont pas permis de conclure qu’un moment de regroupement est meilleur que l’autre.

En effet, au jour de regroupement, les comportements agonistiques n’ont pas été moins fréquents lors d’un regroupement retardé. De même, les scores de blessures superficielles ou profondes ne différaient pas les deux jours après trois regroupements. Les truies montraient également des taux de cortisol salivaire similaires aussi bien avant le regroupement que deux heures après ou 26 heures après celui-ci

Les avantages de la mise-bas en liberté

En 2018, les services du Cra-w se sont rendus dans le cadre de ses essais au cœur d’une station expérimentale en Autriche pour constater tout l’intérêt des loges de mises-bas en liberté dont un prototype a été installé chez un éleveur bio wallon afin d’étudier le comportement des truies.

Ces loges permettent à la truie de construire son « nid » en manipulant elle-même la paille mise à sa disposition (de15kg à 20kg), une tâche à laquelle elle s’attelle pendant près de 11 heures avant de mettre bas.

La mise-bas en liberté est plus courte grâce à une sécrétion d’ocytocine plus élevée. Elle est bénéfique pour la truie avec une involution utérine plus courte et positive pour les porcelets au niveau de leur vitalité.

Elle permet en outre un comportement maternel amélioré et un accès plus facile aux mamelles mais moins sécurisé en termes d’écrasement des porcelets. Ce taux est de 38 % le jour de la mise-bas avec une diminution progressive jusqu’au cinquième jour qui suit.

Les chercheurs ont noté quelques zones à risque qui pourraient donner lieu à des aménagements, une planche en bois inclinée pour protéger les porcelets, pour offrir un support à la truie ou un pilier central pour amortir son mouvement.

Socialisation des porcelets en maternité

La socialisation précoce des porcelets en maternité est généralement effectuée pour réduire le stress et l’agressivité au sevrage mais également en vue d’obtenir de meilleures performances post-sevrage.

Pour étudier les différences de comportement, les chercheurs ont retiré des cloisons au onzième jour de vie des porcelets. Douze portées ont été étudiées en socialisation et treize en groupe témoin.

Le jour du retrait des cloisons, les porcelets étrangers ont généralement été bien acceptés par les truies. Celles-ci étaient curieuses et les ont abondamment reniflés. Seule une truie sur 12 s’est montrée agressive envers certains jeunes étrangers (coups de tête, grognements, tentatives de morsure).

Les deux lots de porcelets sont restés homogènes quant à leurs poids. Les socialisés se sont significativement moins reposés que les témoins. Quel que soit le groupe, très peu de comportements agressifs entre les porcelets ont été notés.

Les porcelets socialisés se sont montrés curieux. Ils ont passé davantage de temps à explorer leur nouvel environnement et à faire connaissance avec les autres truies et porcelets. L’activité de tétée n’a pas été significativement différente.

Quand les allaitements étaient synchronisés, les porcelets ont eu davantage tendance à rester chez leur mère. En effet, en moyenne, 85 % des porcelets aux tétées étaient des résidents. Toutefois, quelques porcelets étrangers fixes s’étaient attribué une mamelle. Quand il y a eu synchronisation, les allaitements ont également paru plus calmes, avec moins de bagarres aux mamelles.

Lorsqu’ils n’étaient pas synchronisés, la plupart des porcelets étaient chez la truie qui allaitait et la concurrence pour les tétines était importante. Il y avait donc davantage de combats pour les mamelles. Les combats étaient d’autant plus soutenus que le nombre de porcelets était trop important pour le nombre de mamelles fonctionnelles. L’agitation causée par les petits a souvent eu pour conséquence l’interruption de l’allaitement par la truie.

Le sujet complexe de la castration des porcelets…

La castration des porcelets, et ses alternatives, font l’objet de recherches depuis 2008 au Cra-w. Et le sujet est toujours aussi brûlant d’actualité.

Pour rappel, la castration permet de lutter contre l’odeur de verrat des viandes et de faciliter la conduite des porcs en évitant les comportements agressifs et le harcèlement des femelles.

Différentes alternatives ont été testées, notamment dans le cadre du projet « Alcaporc » avec la production de mâles entiers, mais dont le problème réside dans un risque d’une odeur sexuelle essentiellement due à l’androsténone (molécules responsables des odeurs dans la viande), de mâles entiers vaccinés contre l’odeur de verrat ainsi que, ces dernières années, la possibilité de castrer sous anesthésie-analgésie.

D’autres approches au niveau des mâles entiers ont porté sur la génétique et l’impact de l’alimentation. Certains aliments tels que l’amidon cru de pomme de terre ou la chicorée peuvent limiter le risque d’odeur due au scatol. La race a également un impact.

L’effet de l’aliment TS (Tainstop) distribué en fin d’engraissement, sur les teneurs en composés odorants dans le gras de mâles entiers croisés Duroc ou croisés Piétrain a été évalué. Le taux de scatol a été réduit grâce à l’aliment TS distribué durant les 13 derniers jours d’engraissement. Les croisés Duroc ont présenté plus de scatol et d’androsténone, de meilleures performances zootechniques, mais des carcasses de qualité moindre, comparativement aux croisés Piétrain.

Anesthésie générale ou locale

L’alternative à la castration à vif est celle sous anesthésie générale pour laquelle le Cra-w a acquis, en 2019, le « PorcAnest3000 », un appareil déjà utilisé en Allemagne qui permet une anesthésie par inhalation d’isoflurane complété d’un pré-traitement analgésique.

L’appareil a été prêté afin d’être utilisé en ferme par les éleveurs de PQA. Les retours sont multiples, l’outil est jugé facile d’utilisation mais assez encombrant dans certains élevages. Il nécessite une attention particulière au niveau du réveil des porcelets.

L’anesthésie locale a été testée en ferme chez un éleveur de PQA en présence d’un vétérinaire avec l’injection combinée d’un analgésique et d’un anesthésiant. Les observateurs ont noté une agitation des porcelets due soit à la douleur ou au stress de la manipulation dans le chef de l’éleveur, parfois une forte réaction locale au site d‘injection.

Une enquête en ligne sur le sujet a été menée en 2020 auprès de l’ensemble des éleveurs wallons (conventionnels, bio, plein air). Si 75 % des experts considèrent que la castration chirurgicale à vif est douloureuse pour le porcelet, elle ne l’est pas pour 44 % des éleveurs.

Il est ressorti de l’enquête que la castration chirurgicale sous analgésie représentait le moins d’obstacle, qu’elle était efficace mais que son effet sur le bien-être était jugé juste suffisant.

Marie-France Vienne

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