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«Chérissez un approvisionnement local en lait»

Dans un monde actuellement chahuté de toutes parts, l’industrie laitière est toutefois parvenue à garantir l’offre en produits laitiers et à assurer la stabilité du chiffre d’affaires et de l’emploi. Une note positive qui cache néanmoins une réalité plus complexe…

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Les prix du lait ont augmenté ces derniers mois dans un contexte de recul de l’offre dans l’UE. Selon la CBL, dont les représentants s’exprimaient le 10 juin dernier dans le cadre de leur assemblée générale annuelle, la hausse a atteint 29 % à l’automne dernier et la progression du prix du lait atteint même 40 % au premier trimestre 2022.

« De bonnes nouvelles pour le producteur laitier, qui voit aussi ses coûts augmenter », reconnaissent les transformateurs.

« Mais ceci, conjugué à l’augmentation des prix de l’énergie, des emballages, des salaires, a engendré une énorme hausse des coûts pour l’industrie laitière ».

Fluctuations de la production mondiale

L’année 2020 et le premier semestre de l’année 2021 ont enregistré une augmentation substantielle de la production laitière au niveau mondial, particulièrement marquée aux États-Unis et dans l’UE.

Ce rythme de croissance s’est quelque peu érodé depuis fin 2021. Une tendance qui s’explique par des conditions climatiques défavorables en Nouvelle-Zélande et en Australie, des stocks réduits de fourrages et l’augmentation des restrictions au niveau environnemental et du bien-être animal.

Pour la première fois depuis 2009, les livraisons de lait ont diminué en Europe. La collecte de lait est en baisse chez les principaux producteurs que sont la France et l’Allemagne mais aussi les Pays-Bas. Notre pays reste plutôt stable tandis qu’en pourcentage, la Hongrie, l’Irlande et l’Italie affichent les plus fortes hausses.

Livraisons de lait en Belgique

4,2 milliards de litres de lait ont été livrés en Belgique en 2021. Il s’agit d’une diminution de 0,5 % par rap port à l’année précédente. Cette baisse limitée de la collecte de lait est probablement due à une moindre qualité des fourrages grossiers, aux prix élevés des matières premières et de l’énergie, et aux restrictions environnementales.

Pour ce qui est de cette année en cours, la tendance est en légère hausse de 0,7 %. Le volume de lait biologique livré en 2021 a augmenté de 8 %. Cette augmentation est toutefois légèrement inférieure à celle que nous avons connue entre 2019 et 2020 (10 %). En 2021, la part du lait biologique livré a encore légèrement augmenté pour atteindre 2,5 % du total des livraisons.

Transformation : la mozzarella a toujours le vent en poupe

Renaat Debergh, l’administrateur délégué de la CBL, a par ailleurs évoqué la situation particulière du secteur bio en France, qui rencontre des problèmes depuis septembre 2021 avec une augmentation de la production mais une baisse de la consommation tant et si bien que 30 % du lait bio doit être commercialisé sous label conventionnel.

La transformation du lait par l’industrie laitière en Belgique a fortement augmenté ces dernières années et s’élevait en 2018 à près de 5 milliards de litres de lait, un chiffre qui atteint 4,8 milliards en 2021.

La poudre de lait maigre est restée stable tandis que celle de lait entier a connu une baisse de quasi 50 %.

Le grand gagnant, c’est le fromage qui est passé de 13,9 % en 2005 à 20 % à la faveur de la production de mozzarella qui représente près des deux tiers de la part des fromages naturels. Le coup dur porté au fromage fondu en 2020 n’a pas été inversé tandis que la production de cheddar (dont la longue durée de conservation est un atout en ces temps incertains) a triplé en 2020.

L’importance des importations chinoises en un coup d’œil

En 2021, la Chine est restée le principal acheteur de produits laitiers au monde.

Le commerce mondial en poudre de lait entier est particulièrement florissant. En 2008, la Chine en a importé 50.000 tonnes, un chiffre qui a grimpé à 670.000 tonnes en 2014. Après une baisse en 2015, les importations ont à nouveau repris pour tutoyer les 850.000 tonnes en 2021, soit un accroissement de 32 %. Globalement, ses importations de produits laitiers sont en hausse de 20 % pour l’année 2021.

Les importations de beurre ont progressé de 13 % à 131.000 tonnes. Les importations de fromage continuent de croître et la progression s’accélère encore : +37 % en 2021. Le volume record de 176.000 tonnes a été atteint. Il faut savoir qu’en 2010, les importations chinoises de fromage atteignaient à peine 15.000 tonnes. Ce volume a été pratiquement multiplié par douze en l’espace de 11 ans.

Les quatre premiers mois de l’année 2022 ont par contre vu une baisse de 20 % des importations de poudre de lait écrémé et de 43 % de lactosérum, conséquence directe des confinements stricts de plusieurs villes, conjugués aux difficultés logistiques dans certains ports qui ont réduit la demande chinoise.

Brexit : la Belgique tire son épingle du jeu

L’année dernière, les exportations européennes vers les pays tiers ont diminué pour la plupart des produits laitiers. Ceci s’explique essentiellement par le recul des échanges commerciaux avec le Royaume-Uni qui est réellement sorti du marché intérieur européen pour la première fois en 2021 après une période de transition.

Et les conséquences se sont rapidement fait ressentir. Les exportations européennes de fromage ont régressé de 1 % en 2021, en raison du recul des exportations vers la Grande-Bretagne de 483.000 à 395.000 tonnes.

Contre toute attente, la Belgique s’en sort bien mieux que ses voisins. Le Royaume-Uni est la quatrième principale destination pour les exportations de notre industrie laitière. En volume, notre pays a exporté outre-Manche 29 % de produits laitiers en plus en 2021. En valeur, les exportations ont même progressé de près de la moitié. Ce sont les fromages, yaourts, les boissons fermentées et lactées qui ont pu tirer leur épingle du jeu.

Le secteur laitier, bon élève de la durabilité

La présidente de la CBL Catherine Pycke a pour sa part évoqué les défis en matière de climat et de durabilité qu’en tant que filière « nous traitons le renforcement au sein de notre organisation de branche MilkBE ».

« Nous sommes fiers des résultats » a-t-elle embrayé, en indiquant que quatre producteurs laitiers sur dix produisent de l’énergie renouvelable au moyen de panneaux solaires, de petites unités de biométhanisation, voire parfois d’une éolienne.

Près de la moitié d’entre eux utilise des sources d’eau alternatives, comme de l’eau de pluie. Près de 60 % des producteurs utilisent de sous-produits de l’industrie alimentaire pour nourrir leur bétail, comme des pulpes de betteraves ou de drèches de brasserie.

En dix ans, la consommation d’énergie par litre de lait transformé a reculé de 22 % et les émissions de CO2 de 29 %.

Marie-France Vienne

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