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Politique agricole commune: l’Europe invite la Wallonie à éclaircir son plan stratégique

Fin mai, la Commission européenne a transmis à la Wallonie ses observations quant au plan stratégique mis en place par la Région dans le cadre de la politique agricole commune 2023-2027. Par la même occasion, elle demande que plusieurs éclaircissements y soient apportés afin de répondre aux objectifs fixés à l’échelle européenne.

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Précisons-le d’emblée, ce courrier, de près de 40 pages, ne remet nullement en cause le plan stratégique wallon. En outre, notre région n’est pas la seule à être dans le collimateur de l’Europe. La Flandre a reçu une missive similaire, de même que l’Allemagne, promptement invitée, elle aussi, à réviser sa copie.

La Commission européenne appelle d’ailleurs l’ensemble des États membre à revoir leurs plans stratégiques en raison du contexte actuel (conflit russo-ukrainien, flambée généralisée des prix, crises du climat et de la biodiversité). Avec quel but ? Renforcer la résilience du secteur agricole ; réduire la dépendance aux engrais de synthèse et augmenter la production d’énergie renouvelable sans compromettre la production alimentaire ; et, enfin, favoriser des méthodes de production plus durables.

Un plan contribuant à l’objectif général

Cette lettre, envoyée alors que l’enquête publique sur le plan wallon est en cours, relève plusieurs imprécisions et demande quelques clarifications ou explications complémentaires. Les éléments fondamentaux du plan, eux, ne semblent pas souffrir d’une remise en question.

Bruxelles estime d’ailleurs que le plan proposé, dans sa globalité, est susceptible de contribuer efficacement à l’objectif général de promotion d’un secteur agricole intelligent, compétitif, résilient et diversifié, garantissant la sécurité alimentaire sur le long terme. Ledit plan présente également un potentiel pour stimuler la compétitivité des exploitations agricoles et consolider leur orientation vers le marché tout en encourageant une plus grande intégration des producteurs primaires.

Ne pouvant reprendre l’intégralité de la missive européenne, nous ne nous intéresserons, ici, qu’aux points clés faisant l’objet d’un questionnement ou d’une demande de compléments.

Aides couplées : améliorations nécessaires

Premièrement, la Wallonie est invitée à compléter les informations fournies quant à la répartition plus équitable et mieux ciblée des paiements directs. L’UE souhaite s’assurer que les outils mis en place pour atteindre cet objectif sont suffisamment pris en compte dans le plan.

Un travail doit être effectué au sujet des aides couplées dont le mode d’attribution doit être clarifié. En ce qui concerne l’élevage bovin plus particulièrement, une justification relative au niveau de soutien alloué est attendue. Par là, la Commission souhaite éviter que les interventions proposées n’entraînent une détérioration de la situation environnementale et climatique.

A contrario, l’Europe accueille positivement le soutien couplé aux cultures de protéines végétales. Elle estime néanmoins que le budget dédié demeure assez limité et invite la Wallonie à revoir ses ambitions budgétaires à la hausse en vue d’atteindre une plus grande autonomie protéique.

Le potentiel pour favoriser l’installation des jeunes

La Commission estime que le plan wallon a le potentiel pour contribuer à la consolidation du tissu socio-économique des zones rurales, en particulier pour attirer les jeunes agriculteurs. Elle ajoute même que la stratégie proposée est ambitieuse et complète pour procéder au renouvellement des générations.

Elle pointe cependant du doigt le fait que les interventions correspondantes ne répondent pas au déséquilibre identifié entre les femmes et les hommes quant à l’âge moyen à l’installation. C’est pourquoi elle demande que soit renforcé le ciblage des groupes de bénéficiaires pour promouvoir l’égalité des genres.

Bruxelles souhaite également que les groupements et organisations de producteurs bénéficient d’un soutien accru.

S’assurer du respect des objectifs climatiques

La Commission considère que le plan propose de nombreuses interventions et un budget important pour favoriser la transition écologique du secteur agricole. Cependant, des informations complémentaires sont demandées, notamment concernant l’accompagnement de ladite transition dans les secteurs de la forêt et de l’élevage.

En matière environnementale toujours, la Wallonie se doit de clarifier ou modifier certaines normes des bonnes conditions agricoles et environnementales (Bcae) introduites par la nouvelle politique agricole commune afin qu’elles respectent pleinement le cadre réglementaire européen.

La stratégie proposée pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et capter le carbone manque de clarté, affirment les services de la Commission. Il est donc demandé aux instances régionales d’expliquer comment elle contribue au respect des obligations nationales actuellement en vigueur et garantit que les objectifs fixés soient atteints. De même, il convient de clarifier comment le plan stratégique wallon concourt à l’atténuation du changement climatique.

Biodiversité, pesticides et bien-être animal

Sur le plan des écosystèmes, Bruxelles estime que le renforcement de la protection de la biodiversité, en vue du maintien et de la restauration d’un état de conservation favorable des habitats et espèces protégés, n’a pas été suffisamment démontré. Sans surprise, il est demandé à la Wallonie de faire des efforts supplémentaires sur ce point.

En ce qui concerne le bien-être animal, la Commission note qu’aucune mesure n’est prise pour encourager, d’une part, l’élevage des porcs sans caudectomie et, d’autre part, les systèmes d’élevage sans confinement pour les veaux et les truies. Des éclaircissements sont attendus sur ce point. En parallèle, des mesures supplémentaires doivent être prises pour réduire l’utilisation d’antimicrobiens et accentuer la lutte contre l’antibiorésistance.

Enfin, si la stratégie et les interventions qui contribueront à réduire l’utilisation et les risques des pesticides chimiques sont décrites dans le plan stratégique wallon, ce dont se félicitent les instances européennes, aucun objectif n’a été fixé. Craignant que cela soit un obstacle à la réduction de l’utilisation et des risques, l’UE invite la Région à définir des objectifs clairs et, si nécessaire, à renforcer son plan dans ce domaine.

J. Vandegoor

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