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PAC : «une forme d’insulte au monde agricole»

Des associations environnementalistes se sont penchées sur les observations formulées le 27 mai dernier par la commission sur le plan stratégique wallon. Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’elles n’en font pas du tout la même lecture que le ministre régional de l’Agriculture Willy Borsus. Qui leur a répondu.

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L’association Natagora a ainsi déduit du courrier de la commission que le plan stratégique wallon serait « notoirement insuffisant pour répondre aux enjeux du climat et de la biodiversité ».

Natagora tire à boulets rouges sur le secteur de l’élevage

Pour l’Asbl environnementaliste, « la Wallonie présente une densité de bétail parmi les plus élevées en Europe, après les Pays-Bas et la Flandre ». Et de poursuivre que « l’élevage bovin est de ce fait le principal responsable des émissions de gaz à effet de serre du secteur agricole ».

« La commission note que le plan propose un soutien à l’élevage bovin parmi les plus importants d’Europe, sans aucun objectif de réduction des gaz à effet de serre. Elle se dit fortement préoccupée par cette situation et exige des critères environnementaux stricts pour l’octroi de ces aides » a encore avancé Natagora dans sa communication.

En plus des risques associés au soutien de l’élevage bovin dans sa forme actuelle, poursuit Natagora, « la commission pointe les dérives possibles des aides à l’investissement. Dans de nombreux cas, ces aides sont englouties dans des bâtiments d’élevage industriel qui, bien que financés par l’argent du contribuable, échappent souvent aux évaluations d’impact environnemental requises dans des milieux naturels très sensibles ».

Natagora, a, par ailleurs, pointé du doigt les 19 États membres qui ont demandé à la commission « sous l’influence du puissant lobby agricole Copa-Cogeca, de déroger en 2023 aux réglementations de la nouvelle PAC, qui doivent permettre de sauvegarder la biodiversité des milieux agricoles, instrumentalisant à nouveau la crise alimentaire mondiale ».

Une relation « de qualité » avec la commission

Nous avons rencontré, dans la foulée de cette communication, le ministre Willy Borsus qui a tenu à clarifier le contexte dans lequel a été transmise la note de la commission, laquelle « a considéré que nous avons mené un travail sérieux ». Elle y a d’ailleurs apporté « une appréciation positive ».

« La commission, et c’est tout à fait normal, nous a demandé d’approfondir certains éléments » a posé le ministre régional en saluant la qualité de la relation que ses services entretiennent avec ceux de l’Exécutif européen qui a formulé 210 remarques quant au plan stratégique wallon contre plus du double pour celui de la Flandre.

Sur le fond, plusieurs éléments ont été repris positivement par la commission a relevé M. Borsus, qui a cité l’ambition wallonne pour les petites et moyennes exploitations avec le renforcement et l’augmentation du paiement redistributif qui est porté à 19,5 %, soit un des niveaux européens les plus élevés quand un minimum de 10 % est exigé et appliqué par la majorité des États membres.

L’architecture verte avec l’articulation entre les mesures liées à la conditionnalité, les MAEC et les éco-régimes est considérée par la commission comme « bien élaborée » soutient le ministre, ajoutant qu’il y aura néanmoins « des ajustements à y apporter suite aux recommandations qui ont été transmises le 27 mai dernier ».

Les choix de la Wallonie en matière de soutien couplé

Quant à l’agriculture biologique, elle fait l’objet d’une véritable ambition qui se traduit à travers des budgets « considérables » a encore tenu à rappeler M. Borsus qui a par ailleurs insisté sur le soutien couplé protéagineux « à un moment où cette problématique apparaissait moins aiguë » qui a été souligné positivement par la commission même si cette dernière souhaite encore l’amplifier davantage.

Le ministre le reconnaît, le soutien couplé au secteur de la viande bovine fait partie des points qui posent question à la commission qui demande à la Wallonie de justifier la façon dont elle compte le lier aux critères environnementaux et de durabilité.

Dans sa réponse, W. Borsus précise que « le choix opéré tient compte de la spécificité de l’agriculture wallonne et plus spécifiquement de son élevage traditionnellement lié à l’herbe et de nature extensive ».

Et de rappeler que la Wallonie s’appuie sur un mécanisme « assez original » qui a prévu une double limitation concernant le soutien couplé, faisant que les sommes non utilisées seront alors redistribuées vers les éco-régimes « parce que nous avons constaté, au fil de ces dernières années, une diminution régulière du nombre de têtes de bétail dans notre région ».

La commission a par ailleurs demandé à la Wallonie d’expliciter ses mesures liées à la biodiversité et davantage de précisions au niveau des indicateurs de résultats « qui serviront à évaluer l’impact des orientations que nous avons décidées ».

Surenchère des lobbys environnementaux

S’il indique ne pas être surpris, le ministre déplore la réaction des lobbys environnementaux « pour qui rien n’est, ni ne sera jamais suffisant ».

Il s’est particulièrement ému de leur charge à l’encontre de la filière wallonne de l’élevage « particulièrement extensive par rapport à nos pays voisins », ajoutant que les statistiques montrent une diminution régulière du cheptel au fil des années.

Il s’agit, pour le ministre régional de l’Agriculture, d’une surenchère « totalement excessive, d’une sortie brutale qui constitue une forme d’insulte au monde agricole ».

« Les observateurs peuvent mesurer les efforts qui sont réalisés par le monde agricole, à la fois pour avoir une meilleure résilience, pour diminuer et limiter le recours aux produits phytosanitaires » a-t-il encore indiqué.

Véritable secteur économique à part entière, l’agriculture « c’est plus de 21.000 emplois » aime à rappeler le ministre.

Et d’ajouter, « l’actualité nous l’a rappelé dramatiquement et brutalement, la mission du monde agricole, c’est de nourrir la planète en quantité et en qualité, tout en intégrant les critères de résilience ».

Une fronde environnementaliste européenne

La fronde n’est pas uniquement wallonne, loin s’en faut. Les ONG Birdlife Europe et le Bureau européen de l’environnement (Eeb) ont ainsi publié le 13 juin dernier deux nouvelles évaluations des projets des États membres concernant respectivement la préservation des prairies et la santé des sols.

Selon leurs conclusions, les plans stratégiques qu’elles ont analysés ne permettraient pas de protéger et de gérer durablement les prairies et font preuve de trop peu d’ambition pour préserver les sols de l’UE.

Elles appellent la commission à faire pression sur les États membres pour qu’ils prennent des engagements plus solides et alignés sur les objectifs du Pacte Vert.

Et ce n’est pas fini. Ifoam (l’organisation européenne de défense de l’agriculture bio) a adressé le 7 juin aux ministres de l’Agriculture ainsi qu’à la commission plusieurs courriers pour leur rappeler la nécessité de se montrer plus ambitieux en matière d’agriculture biologique.

Marie-France Vienne

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