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Horticulture: au fil des fleurs chez Cédric Lecocq

Ce jour était pur comme un couteau de lumière dont la lame fraîche trancherait l’horizon. Sous les serres, la douceur irradiée des couleurs illustrait un livre imaginaire ses pages légères ne contenant que des phrases essentielles. À Péronnes-lez-Binche toutes les notes de clarté pianotaient leur musicalité. Au fil des fleurs. Au gré de la vie.

Temps de lecture : 6 min

Les fleurs, les plantes, c’est la sienne de vie. Celle de Cédric Lecocq, qui a fait ses études en techniques horticoles à Ath avant de poursuivre son parcours à l’École technique et professionnelle d’Horticulture de Mons.

Du potager familial à l’exploitation horticole propre

À sa sortie, en 1996, il s’installe directement à son compte et commence à travailler sur le jardin familial à Vellereille-le-Sec, dans l’entité d’Estinnes. « Mes parents ont un grand potager, j’ai pu y débuter sur 300m² de serres en plastique, mais au bout de deux ans c’est vite devenu trop petit » sourit ce passionné de la terre.

L’exploitation horticole de Cédric Lecocq fait désormais partie des plus importantes structures en Wallonie, «ceux qui cultivent ne sont plus très nombreux, nous sommes parmi les derniers à le faire, du moins en région wallonne».
L’exploitation horticole de Cédric Lecocq fait désormais partie des plus importantes structures en Wallonie, «ceux qui cultivent ne sont plus très nombreux, nous sommes parmi les derniers à le faire, du moins en région wallonne». - M-F V.

C’est alors qu’il fait la connaissance de Monsieur Moiset, horticulteur à Péronnes-lez-Binche, qui n’avait ni descendance ni repreneur potentiel, dont il rachète l’exploitation « qui datait des années 1950 » mais avec l’avantage de s’étendre sur quelque 1.000m². Il en double la surface en 2001 pour arriver à 2.500m². C’est aussi le moment où son épouse le rejoint à temps plein sur l’exploitation.

« En 2009, nous avons rasé l’exploitation existante pour en construire une nouvelle avec un magasin de 1.000m² et 4.000m² de productions, sans compter les hangars de stockage pour le matériel ». Et ce n’est pas fini puisqu’en 2018 Cédric Lecocq développe un espace extérieur de 2.000m² dédié aux plantes vivaces et 500m² de serres tunnels en plastique.

L’accès à la terre, une difficulté qui touche aussi le secteur horticole

C. Lecocq siège au sein du collège des producteurs pour défendre l’horticulture ornementale. Il y milite pour la simplification administrative mais surtout afin de faciliter l’accès à la terre pour les jeunes.

Un sujet qui le touche d’ailleurs particulièrement, lui qui n’est pas issu du milieu agricole. « Si nous n’avions pas eu la chance de rencontrer M. Moiset, nous n’aurions jamais pu nous installer, faute de terrain » souffle-t-il.

Il déplore par ailleurs la reconnaissance moindre de son secteur quant aux aides à l’investissement. « Nous ne rentrons pas dans les cases parce que nous sommes trop petits et c’est malheureusement souvent très compliqué pour obtenir des aides Adisa ».

Un florilège de productions

« À la base, j’aimais bien les légumes, mais l’un de mes professeurs m’a alerté sur le fait que la production maraîchère requérait beaucoup de surfaces pour en vivre et que les légumes payaient moins bien que les fleurs au mètre carré » rembobine, l’œil malicieux, Cédric Lecocq.

«Au printemps, nous cultivons environ 400.000 plantes, 50.000 chrysanthèmes pour la Toussaint et environ 20.000 plantes bisannuelles.
«Au printemps, nous cultivons environ 400.000 plantes, 50.000 chrysanthèmes pour la Toussaint et environ 20.000 plantes bisannuelles. - M-F. V

Sur son exploitation, Cédric cultive des plantes annuelles (géraniums, bégonias, tagettes, surfinias…), bisannuelles (primevères, pensées, pâquerettes, myosotis) qui sont repiquées au mois d’août pour une vente en février et en mars, des chrysanthèmes pour la Toussaint. Il fait aussi un petit peu de plantes aromatiques, des légumes à repiquer (jeunes plants de tomates, de poivrons, d’aubergines, de piments) et quelques plantes vivaces pour le printemps.

« Au printemps, nous cultivons environ 400.000 plantes » annonce-t-il, « 50.000 chrysanthèmes pour la Toussaint et environ 20.000 plantes bisannuelles ».

Quant au magasin, on y retrouve tout ce qui touche à la décoration, les produits phytosanitaires, des engrais, le terreau, l’outillage. « Nous avons aussi un espace pour les grossistes qui ne comporte que des plantes que nous vendons à des centres de jardinage, des communes, des fleuristes, des associations, ou encore des quartiers de villages qui organisent des marchés aux fleurs » précise-t-il.

Un rayonnement transnational

Mais le rayonnement de son exploitation dépasse très largement les frontières de Péronnes-lez-Binche et même du Hainaut, car outre à Tournai, on retrouve ses productions à Marche-en-Famenne, Liège, Bruxelles, et jusqu’en Flandre.

L’exploitation horticole de Cédric Lecocq fait désormais partie des plus importantes structures en Wallonie, « ceux qui cultivent ne sont plus très nombreux, nous sommes parmi les derniers à le faire, du moins en région wallonne » précise-t-il.

Il offre de l’emploi pour deux temps plein et quatre saisonniers tandis que son fils marche déjà dans ses pas puisqu’il achève ses études à l’Institut Technique Horticole de Gembloux (ITH) et projette de se lancer dans la création d’une pépinière et la production fruitière.

« Les exploitations existantes grandissent mais elles sont surtout ciblées sur la jardinerie, qui rapporte davantage au mètre carré, et il faut aussi savoir que ceux qui font de la production ont tendance à arrêter » développe Cédric en ajoutant que « de nombreux petits horticulteurs wallons qui arrivent à l’âge de la retraite n’ont pas de successeurs ».

Viser l’automatisation pour accroître la compétitivité

Pour continuer à être compétitif, il a parié sur l’automatisation et s’est équipé d’une nouvelle empoteuse. « La précédente mobilisait trois personnes pour 1.000 pots à l’heure, nous en faisons désormais 2.500 avec deux ouvriers ».

Si les chiffres impressionnent, ils sont encore plus imposants au nord du pays où certaines exploitations « utilisent des modèles permettant d’empoter 10.000 plantes à l’heure en mobilisant seulement deux personnes ».

Pour continuer à être compétitif, C. Lecocq a parié sur l’automatisation et s’est équipé d’une nouvelle empoteuse. «La précédente mobilisait trois personnes pour 1.000 pots à l’heure, nous en faisons désormais 2.500 avec deux ouvriers».
Pour continuer à être compétitif, C. Lecocq a parié sur l’automatisation et s’est équipé d’une nouvelle empoteuse. «La précédente mobilisait trois personnes pour 1.000 pots à l’heure, nous en faisons désormais 2.500 avec deux ouvriers». - M-F V.

Cédric Lecocq a par ailleurs passé la vitesse supérieure en informatisant la gestion du climat et de l’arrosage dans ses serres. Il a également investi dans des bandes transporteuses pour les plantes.

Crise sanitaire et création d’une plateforme de vente par correspondance

Il travaille beaucoup avec la Flandre, essentiellement avec des fournisseurs de la région de Lochristi, Wetteren (pour les arbustes) et surtout de Sint-Katelijne-Waver (Wavre-Sainte-Catherine) avec son paysage marqué par la culture maraîchère et son célèbre Musée du Légume (’t Grom) dédié aux légumes et au patrimoine horticole flamand.

Pour mémoire, 80 % de la production européenne d’azalées proviennent de Flandre.

« Il faut savoir que les terreaux, les jeunes plantules viennent du nord du pays » pose Cédric, précisant que « nous travaillons avec une société qui sème et multiplie pour nous ».

Les pousses proviennent quant à elles d’Allemagne « mais nous passons aussi par une entreprise flamande » ponctue-t-il.

Comme bon nombre de commerçants, Cédric Lecocq a dû fermer son entreprise pendant plusieurs semaines. Une période qu’il a néanmoins mise à profit pour imaginer avec son fils une plateforme de vente par correspondance avec livraison aux clients, des particuliers mais aussi des animaleries qui vendaient des fleurs.

L’initiative a été salutaire pour le secteur horticole qui réalise jusqu’à 80 % de son chiffre d’affaires annuel durant les mois de mars, avril et mai.

« Nous avons contacté la Fédération wallonne horticole (Fwh) qui a relayé le projet à nos collègues ainsi que le protocole à suivre ».

L’idée fait florès, le succès est au rendez-vous et rencontre la demande des aficionados du jardinage.

« Les gens se sont rués sur le terreau » s’amuse encore Cédric ajoutant qu’il a vu des personnes faire un potager « sans avoir jamais jardiné ».

Les chiffres d’affaires explosent d’ailleurs littéralement durant la pandémie. Une embellie qui n’a malheureusement pas duré. Tout comme l’appétence des néo-jardiniers en herbe. « Nous avons par exemple vendu 300kg de pommes de terre en moins que l’année dernière ».

Marie-France Vienne

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