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Les premiers enseignements de la saison céréalière, dans le Hainaut

Le Carah organisait, le 23 juin, la visite de ses champs d’essais mis en place à Ath. Un focus y a été fait sur le renouvellement variétal de même que sur la protection fongicide des escourgeons et froments. L’occasion d’épingler les particularités de la saison en cours mais aussi de tirer quelques enseignements pour celles à venir.

Temps de lecture : 10 min

D’année en année, juin demeure le mois des visites de champs d’essais. Le Centre pour l’agronomie et l’agro-industrie de la province du Hainaut (Carah) ne déroge pas à la règle. Ainsi, sous la houlette du service d’expérimentations et d’avertissements, de nombreux thèmes ont une nouvelle fois été explorés et exposés aux agriculteurs.

Une attention particulière a notamment été portée à l’amélioration variétale des escourgeons et froments. En effet, les sélectionneurs et mandataires mettent chaque année de nouvelles variétés sur le marché. En outre, il est également très utile de suivre le comportement pluriannuel des lignées et hybrides déjà connus.

En escourgeon, 35 variétés au banc d’essai…

Sur les 35 variétés d’escourgeons testées cette année à Ath (et Mainvault), figurent pas moins de dix nouveautés. On recense autant de variétés résistantes à la jaunisse nanisante de l’orge tandis que quatre présentent une résistance aux deux virus de la mosaïque.

« À Ath, les semis ont été effectués le 10 octobre, à la densité de 265 grains/m² (200 grains/m² pour les hybrides) », éclaire Olivier Mahieu, responsable des expérimentations. « L’escourgeon est plutôt en avance par rapport aux années précédentes à cause du temps clément qui a sévi durant l’hiver et le printemps », observe-t-il. L’état de la végétation est homogène en raison du coup de chaud qui a frappé le pays les 18 et 19 juin.

Au 23 juin, jour de la visite, on s’attendait à une moisson précoce. Cependant, la météo a contrecarré les plans de certains, quoique plusieurs parcelles aient été récoltées aux alentours de cette date dans quelques régions ou sous-régions.

L’itinéraire cultural et les observations effectuées

Le désherbage des parcelles a été effectué avant l’hiver, le 18 octobre, avec Herold 0,6 l/ha + AZ 500 0,15 l/ha. Un complément a été apporté au printemps sous forme de Starane Forte 0,3 l/ha + Allié 25 g/ha, le 12 avril.

L’azote a été apporté à la dose totale de 170 unités selon un schéma plutôt inhabituel en quatre fractions (55 unités le 16 mars, 50 unités le 28 mars, 55 unités le 20 avril et 10 unités le 3 mai). Les deux traitements de régulation ont été appliqués les 12 (Medax Top 1 l/ha) et 28 avril (Etephon 0,75 l/ha + Terpal 0,6 l/ha). Aucune protection insecticide n’a été nécessaire.

Sur le front des maladies, la rouille naine figurait en première place au rang des observations, suivie de la ramulariose. Les autres maladies étaient quasi absentes du site d’Ath. Dans un autre essai, l’helminthosporiose était présente en force.

Dans les parcelles traitées, Olivier Mahieu a opté pour un ou deux traitement(s) en vue d’assurer la protection fongicide de la culture. Les blocs à un traitement ont été traités le 27 avril avec Ascra Xpro 1,2 l/ha au stade 39 (dernière feuille). Pour le double traitement, le Carah a appliqué Fandango Pro 1 l/ha le 14 avril au stade 1-2 nœuds, suivi du même Ascra Xpro 1,2 l/ha, également le 27 avril au stade 39.

Que pensez de la protection fongicide ? « La combinaison prothioconazole + strobilurine suivie de prothioconazole + SDHI a bien protégé le feuillage contre les maladies mais la ramulariose a fini par s’imposer en fin de cycle », commente Olivier Mahieu. Et de continuer : « Au 10 juin, les traitements uniques étaient déjà en train de lâcher face à la ramulariose, ce qui a néanmoins permis de coter la tolérance des variétés face à la maladie. La différence entre un et deux traitement(s) était d’ailleurs bien visible dans les essais. »

Les résultats seront présentés ultérieurement aux agriculteurs, une fois les récoltes terminées et les résultats analysés.

… et un large panel d’essais « fongicides »

Le Carah conduit aussi des essais consacrés à la lutte contre les maladies cryptogamiques, à Ath et Molembaix.

Sur le premier site, KWS Orbit est la variété mise à l’épreuve. Celle-ci a surtout montré sa sensibilité à la rouille naine, à la ramulariose et aux grillures. À Molembaix, les essais ont été menés sur la variété LG Zebra qui a principalement montré de l’helmintosporiose et un peu de ramulariose. Quant aux produits testés, ils étaient issus de plusieurs catalogues afin de travailler avec un large panel.

L’itinéraire technique suivi est le même qu’énoncé précédemment. Les programmes fongicides mis en comparaison ont été réalisés avec des applications aux stade 1-2 nœuds, le 12 avril, et dernière feuille, le 29 avril.

Maladies, lutte et efficacité

Quant à la pression sanitaire observée sur l’essai installé à Ath, Olivier Mahieu renseignait essentiellement la présence de rouille naine et de ramulariose, soit une situation similaire à ce qui a été observé dans les essais variétaux. « Au 9 juin, le témoin non traité était entièrement détruit. En outre, comme tous les ans, nous observons clairement la supériorité des doubles traitements par rapport aux simples traitements », poursuit-il.

« Sur base des cotations effectuées à la même date, en traitement unique à la dernière feuille, ressortent : Lenvyor + Priaxor et Revytrex + Comet New. En léger retrait, on retrouve Ascra Xpro + Vertipin et Ascra Xpro + Comet New qui semblent montrer une bonne action à la fois sur rouille naine, sur helminthosporiose et sur ramulariose. » L’ajout de pyraclostrobine avec Comet New ou Priaxor procure encore un effet intéressant en présence d’helminthosporiose tandis que le Vertipin et le méfentrifluconazole se révèlent être utiles pour lutter contre la ramulariose.

Du côté des programmes à deux traitements, les combinaisons les plus efficaces sont Kestrel suivi de Revystar Gold + Mizona, Input suivi de Imtrex + Balaya, Kestrel suivi de Priaxor + Lenvyor, Fandango Pro suivi de Priaxor + Lenvyor et, enfin, Kestrel suivi de Revytrex + Comet New. « Ce sont des associations faisant intervenir le prothioconazole ou le méfentrifluconazole (en mélange ou pas) en T1 et le méfentrifluconazole et la pyraclostrobine en T2. »

Le Librax (fluxapyroxad + metconazole) utilisé seul ou en combinaison en T2 confirme, quant à lui, ses mauvais résultats déjà observés 2021.

Près de 50 variétés de froment sous la loupe

Après les escourgeons, place au froment et à un rapide point sur la situation au 23 juin. Olivier Mahieu : « En froment, la saison 2021-2022 a été caractérisée par des semis rendus difficiles par les pluies automnales. L’hiver a été assez pluvieux et doux… De même, le printemps a été clément avec des mois d’avril et mai secs. Il en ressort que le blé a, lui aussi, pris de l’avance en 2022 ».

Sur le plan sanitaire, il ressort des essais que la rouille jaune est apparue et s’est développée en avril déjà et a parfois sévèrement touché un certain nombre de variétés considérées comme sensibles à très sensibles. « Il est toujours bien difficile de prédire quelle race de rouille aura le dessus d’une année à l’autre. D’où l’importance de contrôler son champ dès les premières alertes pour lutter à bon escient contre cette maladie », alerte-t-il.

Pas moins de 50variétés de froment figurent dans les essais du Carah.
Pas moins de 50variétés de froment figurent dans les essais du Carah. - J.V.

Le temps sec du mois de mai n’a, par contre, pas été favorable au développement de la septoriose. Sa présence dans les essais au moment de la visite est surtout due aux pluies orageuses de fin mai et de juin qui lui ont été plus favorables.

Le temps sec qui a régné durant la floraison a, quant à lui, écarté les problèmes de fusariose.

Enfin, la rouille brune profite depuis début juin des températures élevées pour s’étendre. Elle est maintenant bien visible dans les parcelles de blés non traités.

Côté insectes, quelques pucerons de l’épi et des lémas ont été observés à l’épiaison. Les cecidomyies semblent avoir été peu préjudiciables en Hainaut.

Les variétés testées

Les progrès de la sélection variétale en froment ont été évalués selon un itinéraire technique précis. L’essai, installé à Ath, a été semé le 24 octobre à la densité de 375 grains/m².

Pour son désherbage, le Carah a opté, avant l’hiver, pour Herold 0,6 l/ha+ AZ 500 0,15 l/ha le 8 novembre. Une correction a été effectuée au printemps sous forme de Starane Forte 0,3 l/ha + Allié 20 g/ha, le 12 avril.

L’azote a été apporté à la dose totale de 190 unités, en trois fractions (70 unités le 10 mars, 60 unités le 28 mars et 60 unités le 3 mai). Les régulateurs ont été appliqués le 12 avril (Moddus 0,25 l/ha + Cycofix 1 l/ha).

La protection insecticide a été assurée le 20 mai avec Karaté Zéon 0,0125 l/ha + Pirimor 200 g/ha. Côté fongicides : Tebucur 0,7 l/ha le 29 avril, Lenvyor 1 l/ha + Flexity 0,3 l/ha le 16 mai et, enfin, Ascra Xpro 1,5 l/ha le 29 mai.

Le comportement de l’ensemble de ces variétés face aux maladies a été évalué et sera exposé aux agriculteurs en temps utiles, de même que divers points relatifs au rendement, à la verse…

Quel programme contre les maladies ?

Un important essai de près de quarante objets, orienté sur les programmes proposés par les firmes phytopharmaceutiques et sur les stratégies mises en avant par le Carah, est déployé en matière de lutte contre les maladies en froment d’hiver. Il prend place à Ath et Melles, sur la variété Lg Skyscraper. L’itinéraire technique est similaire à celui présenté ci-dessus, à l’exception de la date (15 octobre) et de la densité (350 grains/m²) de semis et de l’une ou l’autre date de traitement.

Au 18 juin, une pression moyenne de septoriose était observée dans les essais, de même qu’une pression légère de rouille brune et faible de rouille jaune. À Ath, les différents traitements ont été appliqués, selon les programmes évalués, aux stades 1 nœud (31) le 20 avril, 2 nœuds (32) le 2 mai, dernière feuille (39) le 17 mai, épiaison (55) le 25 mai et floraison (60) le 30 mai.

Et Olivier Mahieu d’en tirer quelques enseignements : « Les traitements uniques réalisés au stade dernière feuille laissent passer la septoriose sur la F3, et parfois sur la F2. De même, l’ensemble des traitements uniques d’épiaison ne parviennent pas à contrôler parfaitement la septoriose sur F3, car cette intervention est trop tardive pour permettre de stopper la maladie qui a déjà progressé. Les doubles (32 +55) et triples traitements montrent, quant à eux, une efficacité variable selon les produits utilisés mais se montrent généralement bons ».

Olivier Mahieu met en garde : « Il est toujours bien difficile de prédire quelle race  de rouille jaune aura le dessus d’une année à l’autre. D’où l’importance de contrôler  ses froments dès les premières alertes pour lutter à bon escient contre cette maladie ».
Olivier Mahieu met en garde : « Il est toujours bien difficile de prédire quelle race de rouille jaune aura le dessus d’une année à l’autre. D’où l’importance de contrôler ses froments dès les premières alertes pour lutter à bon escient contre cette maladie ». - J.V.

Les enseignements

Malgré qu’ils ne soient pas recommandés, plusieurs traitements uniques (dernière feuille ou épiaison) se distinguent en date du 21 juin : Univoq, Revystar Gold et Ascra Xpro. Le Revysol (du Revystar Gold) et l’Inatreq (de l’Univoq) confirment leurs résultats 2021, de même que l’Ascra Xpro. En traitement unique d’épiaison, il semble que Revistar Gold se montre le plus performant.

Du côté des doubles traitements 2 nœuds – épiaison, « les combinaisons Revysol (méfentrifluconazole) en T1 et Aquino (Inatreq) + partenaire en T2 et inversement sont au top de l’efficacité sur septoriose, comme en 2021 », note-t-il. Et d’ajouter : « Les objets incluant au moins une fois Aquino, Lenvyor, Revistar Gold, Revytrex et Balaya (en mélange ou pas) en T1, ou en T2, donnent des résultats parmi les meilleurs ».

D’autre part, l’ajout de Stavento (à base de Folpet) à 1,5l/ha ou de soufre à une triazole en T1 (Simveris, Protendo, Kestrel) montre une efficacité supérieure comparée à la triazole seule. Le soufre en T0 semble, a contrario, moins performant que placé en mélange en T1.

« En retrait, on épinglera les triazoles seules (Simveris, Kestrel, Artina, etc) en T1 suivie d’un T2. »

Pour ce qui est des traitements dernière feuille – floraison, on constate cette année de bons résultats avec Revystar Gold au stade 39 suivi de Prosaro au stade floraison.

Enfin, comme l’an passé, les traitements multiples à doses réduites 32+39+65 donnent des résultats certes bons, mais légèrement en retrait des meilleurs traitements 32+55. « Les traitements T0 destinés à lutter contre la rouille jaune n’ont, eux rien apporté de significatif dans la lutte contre la septoriose apparue, il faut le redire, assez tardivement. »

Avec plusieurs partenaires

« Parallèlement à cette expérimentation, nous prenons également part à d’autres essais de protection du froment qui s’intègrent dans un réseau regroupant différents partenaires actifs dans la recherche et l’expérimentation (Carah, Cra-w, Ulg Gembloux Agro-Bio Tech et Cpl Végémar) avec un protocole commun (une petite vingtaine d’objets) sur plusieurs sites dans le pays. Les résultats de cette expérimentation seront analysés et exposés dans les mois à venir. »

Propos recueillis par J. Vandegoor

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