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Congé pour exploitation personnelle: puis-je être réintégré si mon bailleur ne respecte pas le motif du congé?

Il y a peu plus de deux ans, j’ai quitté une parcelle agricole de 8 hectares après réception d’un congé pour exploitation personnelle. Lors de la procédure en conciliation, j’ai accepté ce motif de congé mais, aujourd’hui, je constate que mon bailleur a cédé l’exploitation de cette parcelle à un autre agriculteur. Quels sont mes droits ?

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L’article 13 de la loi sur le bail à ferme, prévoit des sanctions pour le bailleur ne mettant pas en pratique le motif du congé. Cet article stipule, entre autres, que le preneur qui a évacué les lieux loués à la suite d’un congé donné pour exploitation personnelle a droit à sa réintégration dans les lieux loués avec dommages-intérêts, ou s’il le souhaite, aux dommages-intérêts seuls, si, sans motifs graves, plus de six mois et moins de neuf années après l’évacuation du bien, celui-ci ne se trouve pas exploité par la personne ou les personnes indiquées dans le congé comme devant assurer cette exploitation.

Le bailleur ou le bénéficiaire du congé ne peuvent se contenter d’un début d’exécution. L’exploitation doit répondre en fait aux critères dont l’apparente réunion a incité le juge à valider le congé. Elle doit, notamment, demeurer personnelle durant neuf ans. (P. Renier, Le bail à ferme, Répertoire notarial, 216)

Les motifs de cessation prématurée de l’exploitation personnelle, invoqués par le bailleur, sont évalués par le tribunal, qui se prononce à ce sujet de manière souveraine.

Le congé pour exploitation personnelle que le bailleur fait valoir mais n’exécute pas fait naître un droit à l’indemnisation dans le chef du preneur mais ne donne droit à la réintégration que si la parcelle en question n’a pas été vendue entre-temps à des tiers.

Fournir la preuve de l’exploitation personnelle

En cas de contestation, la charge de la preuve incombe à celui ou à ceux en faveur de qui le congé a été donné. Cela veut dire que vous pouvez vous limiter à contester simplement l’exploitation personnelle par votre ancien bailleur. Lui, il peut prouver par toutes voies de droit, témoins et présomptions compris, qu’il exploite la parcelle reprise. Dans la doctrine des factures de semences, d’engrais, d’aliments, de pulvérisation, des contrats relatifs à la production et à la vente des récoltes sont énumérés. (P. RENIER, o.c., 218)

La réintégration peut être demandée même en cas de conciliation

Si le bail est résilié sur la base d’une résiliation convenue avec le locataire devant le juge de paix dans le cadre d’un appel en conciliation obligatoire, cet accord n’entraîne pas la renonciation du locataire à son droit de réintégration et/ou d’indemnisation au cas où l’exploitant éventuel ne réalisait pas le motif pour lequel le bail a été résilié. Vous pouvez donc demander la réintégration, même si vous avez accepté le congé devant le juge de paix.

Les dommages-intérêts

Comme vous avez pu le lire, vous avez le choix entre la réintégration avec dommages-intérêts ou les dommages-intérêts seuls. Lorsque vous choisissez la réintégration avec dommages-intérêts, on suppose que votre demande de dommages-intérêts sera limitée aux revenus dont vous avez été privé durant la période où vous n’avez plus exploité la parcelle.

Lorsque les autres motifs de congé ne sont pas respectés ?

La réintégration dans des lieux loués avec dommages-intérêts ou des dommages-intérêts seuls peuvent aussi être réclamés par le preneur qui a évacué les lieux loués à la suite d’un congé donné pour un autre motif, si, sans motifs graves, l’intention annoncée par le bailleur et en vue de laquelle il a donné congé n’a pas été réalisée normalement, compte tenu de toutes les circonstances de fait, bien que plus de six mois se soient écoulés depuis l’évacuation des lieux.

Les autres motifs prévus dans l’article 13 de la loi sur le bail à ferme sont, entre autres, l’affection des terrains à bâtir ou à destination industrielle à leur destination finale, l’affectation à des fins familiales de 20 ares et l’intention de joindre une ou plusieurs parcelles louées à d’autres parcelles données en bail à un autre preneur.

En cas de contestation, la charge de la preuve de la réalisation de ladite intention incombe au bailleur.

Délai de forclusion

La réclamation au titre de l’article 13 de la loi sur le bail à ferme doit être déposée dans les trois ans suivant la sortie du bien loué. Ou comme la loi sur le bail à ferme le stipule : « La demande de réintégration ou de dommages-intérêts basée sur le défaut de réalisation de l’intention annoncée par le bailleur dans le congé, doit être introduite dans les trois ans de l’évacuation du bien loué. Celle qui est basée sur la cessation prématurée de l’occupation doit l’être dans les trois ans qui suivent cette cessation. »

Ce délai est un délai de forclusion. La « forclusion » est la sanction civile qui, en raison de l’échéance du délai qui lui était légalement imparti pour faire valoir ses droits en justice, éteint l’action dont disposait l’ancien preneur.

Jan Opsommer

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