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La coopérative Bel’grains : «valoriser la céréale locale panifiable et brassicole»

La route se fait rue puis s’assoupit en ruelle entre vallées encaissées, une collection de reliefs ferrusiens et les ruisseaux qui tintinnabulent en contrebas. Sur l’ancestrale Ferme de la House avec sa longue façade animée de baies à linteaux en accolade, Gérard Rixhon est le premier membre et producteur de farine bio de la coopérative locale Bel’grains dont les sachets rencontrent un succès grandissant en Wallonie.

Temps de lecture : 5 min

En plein cœur de Ferrières, Gérard Rixhon constitue la troisième génération d’agriculteurs sur cette exploitation remarquable en moellons de calcaire dont on trouve trace pour la première fois dans un écrit de 1459.

De l’ancien carrousel de traite aux céréales

« Mon grand-père faisait de l’élevage mixte avant que mon père et mon oncle ne développent l’atelier de production laitière » déroule-t-il, lui qui a repris l’exploitation familiale en association avec son frère en 1991.

Les Rixhon ont développé un atelier de transformation (glace, crème, beurre) doublé d’un point de vente à la ferme.

Les deux hommes traient environ 100 vaches, quand, au détour de 2006, Gérard commande une étude pour moderniser à la fois les stabulations et la salle de traite, « l’un des premiers carrousels qui a été construit en Belgique » qui commençait à montrer des signes de fatigue après 35 ans de bons et loyaux services.

Les montants pour le remplacement de ces outils se chiffrent en millions de francs belges et Gérard, qui n’a pas de successeur, décide en 2008 de « passer en extensif et de valoriser les terrains en céréales conventionnelles (épeautre, froment et avoine) » tout en diminuant son cheptel.

Il décide, en 2016, de se convertir en bio. Un passage tout en douceur tant sa façon de travailler épousait déjà ce mode de production.

« La transition s’est faite très rapidement, et mon seul regret, c’est de ne pas l’avoir fait plus tôt » rembobine Gérard.

Genèse d’une filière céréalière alimentaire bio

Les pannes se succédant désormais dans la salle de traite qui a quasiment franchi le demi-siècle d’âge, il arrête définitivement la production laitière en 2021 pour se recentrer sur les céréales.

Les coopérateurs vendent leur farine sous forme de sachets de 2,5 kg et projettent  de faire des sacs de 25 kg à destination  des boulangeries.
Les coopérateurs vendent leur farine sous forme de sachets de 2,5 kg et projettent de faire des sacs de 25 kg à destination des boulangeries. - M-F V.

La coopérative « Bel’grains » est le fruit d’une initiative de René Collin, alors ministre de l’Agriculture, à la suite d’une réflexion de son cabinet sur l’absence de filière céréalière alimentaires bio en Wallonie.

Alors qu’une large étude de faisabilité est diligentée en partenariat avec la Fédération wallonne de l’Agriculture, le Cra-w, Biowallonie et plusieurs agriculteurs, Gérard reste le seul prêt à se lancer dans ce nouveau défi. Accompagné par Laura Lahon, conseillère à la Fwa et missionnée pour encadrer la gestion administrative du projet, ce sera donc lui le premier pilier et moteur de la nouvelle coopérative.

Des moulins sont démarchés pour participer à l’aventure, celui de Montigny, à Héron, sortira du lot car il a l’avantage de posséder une trieuse, une décortiqueuse ainsi que la capacité de stocker les céréales.

Coopérative cherche coopérateurs

Gérard Rixhon débute en 2020 la commercialisation des premières farines, uniquement d’épeautre, car son froment n’était pas panifiable à l’issue de la première récolte, tandis qu’un appel est lancé à d’autres producteurs bio de céréales avec la volonté de développer une coopérative.

Celle-ci sera officiellement créée en septembre 2021 avec cinq autres agriculteurs, l’un d’eux est issu de la province de Luxembourg (Pascal Dodion), les quatre autres, comme Gérard Rixhon, représentent celle de Liège (Philippe Noirhomme, Françoise de Laminne, François Lejeune), « un hasard », précise-t-il, en ajoutant que « le but consiste à couvrir toute la Wallonie ».

Les coopérateurs livrent le moulin et récupèrent les farines qui seront revendues dans le commerce et sur leur exploitation. C’est le cas de Gérard qui livre également une vingtaine de magasins en se concentrant sur les épiceries locales et bio et quelques franchisés, essentiellement en région liégeoise.

Une féroce concurrence déloyale de l’étranger

« Nous avons été approchés par des boulangers visant une production de farine locale, mais cela ne s’est pas avéré concluant » déplore Gérard Rixhon qui pointe du doigt la concurrence de l’étranger.

« Certains se fournissent en céréales pseudo-françaises à des prix sur lesquels nous ne pouvons pas nous aligner » développe-t-il. Et de préciser : « nous sommes en compétition avec des céréales qui sont certes moulues en France, mais qui proviennent en fait de l’Est de l’Europe ».

Une concurrence déloyale puisque les cahiers de charges ne sont « évidemment pas les mêmes que chez nous ». Il faut en plus savoir que Bel’grains est labellisé « Prix Juste ».

Pour Gérard Rixhon, il s’agit d’un problème auquel « de nombreux secteurs de notre agriculture sont confrontés ».

Pérenniser et développer la structure existante

Pour l’heure, les coopérateurs vendent leur farine sous forme de sachets de 2,5 kg et projettent de faire des sacs de 25 kg à destination de boulangeries.

« Mais la priorité, cette année-ci, sera de pérenniser notre structure et de poursuivre son développement vers de nouveaux producteurs de céréales bio issus d’autres régions » pose-t-il.

Pour ce faire, les cinq coopérateurs se réunissent au moins une fois par mois afin de développer l’aspect logistique car pour le moment, c’est Gérard qui est en charge de la récupération de toutes les farines estampillées Bel’grains au moulin. Il les met en dépôt à Awans chez l’un de ses collègues où chacun vient récupérer ses sachets.

Par ailleurs, cela fait trois ans que Gérard et deux autres coopérateurs ont implanté de l’orge brassicole. Leur but est d’atteindre, dans un futur proche, le poids minimum afin de pouvoir entrer directement dans une malterie via la coopérative agroécologique CultivAé avec laquelle ils envisagent de collaborer.

Bel’grains propose de la farine de froment blanche, complète, de la farine d’épeautre blanche et complète et depuis peu des pâtes sèches (spirelli, tagliatelles, radiatori) à base de farine d’épeautre blanche et d’œufs de coopérateurs possédant un poulailler mobile.

Marie-France Vienne

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