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Comment les hormones végétales régissent le comportement de nos plants fruitiers?

Au verger, diverses substances de synthèse, qui sont ou non des analogues d’hormones végétales, peuvent être utilisées en vue d’influencer le comportement des fruitiers dans un sens favorable. La longue série d’effets que l’on peut en obtenir illustre bien la grande importance de ces composés en arboriculture.

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Comme, toutes les plantes, nos arbres et arbustes fruitiers ont un comportement qui dépend à la fois d’influences du milieu (le sol et le climat), mais aussi de facteurs internes (par exemple la photosynthèse, la division et la différenciation des cellules, l’absorption d’eau et des éléments minéraux, la circulation de la sève, la reproduction…).

Le progrès des connaissances en chimie minérale a permis, à partir du milieu du 19ème  siècle, de connaître le rôle des différents minéraux dans la croissance des plantes. Selon leur importance, ils ont été classés en macro-éléments, micro-éléments et oligo-éléments. Leur influence est d’ordre quantitatif, mais ils ne permettent pas, ou guère, d’expliquer le développement des plantes, par exemple le passage d’une phase végétative telle la croissance, à une phase générative comme la floraison et la fructification.

Les hormones ou régulateurs chimiques des végétaux

Dans la première moitié du 20ème  siècle, grâce aux progrès de la chimie organique et analytique, une série de composés qui interviennent dans différents mécanismes du comportement des plantes ont pu être identifiés. Par analogie avec la biologie animale, ils ont été appelés « hormones végétales » bien qu’ils soient complètement différents des hormones animales.

Leur nom vient d’un verbe grec qui signifie « exciter ». On préfère actuellement utiliser le terme « régulateurs chimiques de la croissance et du développement ». Ces composés ont en commun d’exercer leur influence à un endroit qui est souvent différent de celui où ils ont été élaborés, d’agir en quantités très faibles, et dans beaucoup de cas d’agir conjointement ou en opposition selon un équilibre.

Les régulateurs chimiques des végétaux sont classés en cinq groupes principaux :

– les auxines, qui principalement stimulent l’élongation des tissus ;

– les gibbérellines, qui ont une action similaire ;

– les cytokinines, qui agissent sur la division cellulaire ;

– l’éthylène, facteur de maturation des fruits ;

– l’acide abscissique, qui agit sur le mécanisme de dormance.

Il s’agit ici des effets principaux, mais nous verrons qu’il en existe bien d’autres.

D’autres substances agissant sur le comportement des plantes en très faibles quantités sont parfois aussi considérées comme étant des hormones. Citons notamment des oligo-éléments ou les phytochromes, pigments présents dans les tissus, responsables du photopériodisme de certaines plantes.

Les différentes actions de l’auxine

Dès la fin du 19ème  siècle, Durnin puis plusieurs autres biologistes ont identifié une substance hydrosoluble émise par la pointe du coléoptile (= étui fermé contenant la première feuille) d’avoine en présence de lumière qui stimule la croissance de la partie sous-jacente. Dans les années 1930, cette substance qu’ils avaient appelée « auxine » (du grec : croissance) est identifiée comme étant l’acide indol-3-acétique (en abrégé : I.A.A.), une molécule très semblable à un acide aminé présent dans l’urine, le tryptophane.

Outre les coléoptiles d’avoine, l’auxine est produite dans les méristèmes apicaux et latéraux ainsi que dans les jeunes feuilles des végétaux. Cette hormone a toute une série d’actions :

– sur la croissance des cellules, l’élongation des tiges, mais à l’inverse l’inhibition de la croissance des racines et le développement des jeunes feuilles ;

– sur le phototropisme et le géotropisme ;

– sur la croissance des tiges en épaisseur ;

– sur l’évolution des fleurs en un fruit sans qu’il y ait eu fécondation ;

– sur la naissance de nouvelles racines, mais guère sur leur élongation

– réduction de la chute des feuilles, des fleurs, et des fruits ;

– réduction de la croissance des bourgeons axillaires (=dominance apicale).

L’auxine est présente principalement dans l’extrémité des tiges ; elle y est transportée de haut en bas.

De nombreuses gibbérellines

Le premier membre de ce vaste groupe d’hormones (environ 125) a été découvert au Japon dans un champignon parasite du riz, responsable de la verse. Ensuite d’autres gibbérellines ont été identifiées dans les graines de végétaux supérieurs. Leur formule chimique les classe dans les terpènes.

Elles sont présentes dans divers organes où la division cellulaire est active : extrémité des tiges et des racines, jeunes fruits, embryons. Elles sont transportées par la sève élaborée. Leurs actions sont multiples : allongement des entre-nœuds, parthénocarpie des fruits, agrandissement des feuilles, levée de dormance des graines et des bourgeons, inhibition de la production de fleurs…

Souvent, elles agissent complémentairement avec les auxines : par exemple dans les tiges où elles stimulent l’élongation, tandis que les auxines favorisent la croissance en épaisseur. Elles peuvent agir aussi à l’inverse des auxines : l’auxine inhibe le développement des bourgeons axillaires que la gibbérelline stimule ; sur des plantes monoïques comme le concombre, l’auxine favorise la formation de fleurs femelles et la gibbérelline celle de fleurs mâles.

Division et agrandissement cellulaires grâce aux cytokinines

Ce groupe d’hormones compte une trentaine de composés. Leur étymologie (du grec kinè, mouvement) fait référence à leur action stimulante de la division et de l’agrandissement des cellules qui a été mise en évidence vers 1956. Elles dérivent de l’adénine, principal constituant de l’Adn.

Elles provoquent aussi une levée de la dormance et une suppression de la dominance apicale.

Elles sont produites dans l’apex des racines et dans les graines ; elles sont transportées dans la sève ascendante.

L’éthylène, produit durant la maturation des fruits

Il s’agit d’une substance gazeuse produite en quantité de plus en plus grande par certains fruits pendant leur maturation, ou par un état de stress de la plante. Il favorise la chute des feuilles et des fruits après la formation de la zone d’abscission des pétioles et des pédoncules.

Il est transporté dans l’atmosphère, mais aussi dans la sève descendante.

L’acide abscissique, synthétisée dans les feuilles et racines

L’acide abscissique (abscissine ou dormine, A.B.A.) a comme l’éthylène, mais à un degré moindre un rôle sur l’abscission des feuilles et des fruits. C’est un antagoniste des gibbérellines, de l’auxine et des cytokinines. Il prolonge la dormance des bourgeons et des graines et il freine la croissance des bourgeons apicaux ; il améliore la résistance au froid.

Il est synthétisé dans les feuilles, surtout en conditions de stress, et dans les racines. Il est transporté par les deux courants de sève.

De multiples applications pratiques…

La connaissance des régulateurs naturels de croissance et du développement des arbres fruitiers, ainsi que de leur mode d’action a permis de mettre au point différents traitements à l’aide de substances de synthèse qui sont ou non des analogues, en vue d’influencer le comportement des fruitiers dans un sens favorable. Il en existe une trentaine. La longue série d’effets que l’on peut en obtenir illustre bien la grande importance des hormones dans l’arboriculture.

En pépinières,  la ramification  peut s’obtenir  grâce à des  hormones.
En pépinières, la ramification peut s’obtenir grâce à des hormones.

Leur usage demande une bonne expertise et ils sont réservés aux arboriculteurs professionnels pour différentes raisons :

– leur effet dépend étroitement de l’espèce, mais aussi de la variété ;

– leur effet dépend de la quantité de substance active reçue par la plante ; comme le traitement se fait généralement par pulvérisation sur le feuillage, cela suppose que le produit pénètre dans l’arbre au travers de la cuticule, substance cireuse qui recouvre les feuilles. Différents additifs peuvent améliorer cette absorption, et il va de soi que le traitement recouvre tout le feuillage de manière homogène, surtout si la dose à appliquer est faible ;

– comme le traitement s’effectue le plus souvent pendant la période de végétation active, l’effet dépend aussi du stade exact de croissance et de son intensité, ainsi que des conditions climatiques (température, absence de pluie…) pendant et après l’application. Il n’en reste pas moins que les résultats peuvent être incertains ;

– le coût souvent très élevé de ces substances suppose que la décision de traiter doit se prendre après une bonne analyse de leurs avantages et aussi de leurs inconvénients, car il peut en exister.

… en pépinières…

Les applications pratiques en pépinières sont nombreuses.

  Enracinement des boutures

Chez les espèces fruitières qui peuvent se multiplier par boutures ligneuses ou semi-ligneuses, les auxines peuvent améliorer la formation de racines adventives, surtout lorsqu’elle est irrégulière par nature : chez les groseilliers épineux, les kiwis, les myrtilles, différents Prunus, les cognassiers, etc.

Leur usage peut être superflu chez les vignes ou les groseilliers à grappes ou cassis.

  Ramification des plants

On sait qu’un jeune arbre qui présente déjà de belles ramifications entrera en production plus rapidement, et que sa charpente aura une meilleure robustesse. Le nombre de branches et leur implantation sur l’axe sont des critères qualitatifs importants.

Des pincements manuels peuvent être remplacés par des traitements localisés au moyen d’une cytokinine, la benzyl-amino-purine en association avec les acides gibbérelliques 4 + 7. L’utilisation de ces produits est soumise à une autorisation qui peut varier au fil du temps. Consultez à cet effet www.phytoweb.be.

  Effeuillage des plants

Certaines années, en automne, la chute naturelle des feuilles commence tardivement, alors que les pépiniéristes souhaitent déterrer les arbres et les livrer aux acheteurs un peu plus tôt. Des traitements au cuivre sont traditionnellement réalisés à cet effet. L’Ethephon, substance productrice d’éthylène, seul ou avec d’autres régulateurs qui améliorent son effet, peut être utilisé sur pommiers, poiriers, cerisiers et pruniers.

Dans les pays où l’hiver est trop doux pour obtenir une chute naturelle des feuilles, l’acide cyanhydrique peut être utilisé sur espèces à pépins, à noyau et vignes dans le même but.

… et au verger

Au verger, les applications pratiques sont nombreuses également.

Réduction de la vigueur

Les méthodes naturelles de limitation de la vigueur des arbres comme le choix d’un sujet porte-greffe faible et la taille favorisent la fructification des arbres : de manière générale cette dernière par unité de volume augmente lorsque la vigueur diminue, et les prestations de taille sont réduites. L’application de différents régulateurs de croissance peut venir en complément à cet effet.

Sur fruits à pépins, certains freinants comme le chlormequat qui avaient été utilisés pendant plusieurs années sur poiriers a dû être abandonné en raison de la présence occasionnelle de résidus dans les fruits. Actuellement, le prohexadione-Ca, qui a l’avantage de se dégrader en quelques semaines dans les arbres et en quelques heures dans le sol peut être utilisé à la fin de la floraison sur les espèces à noyau et à pépins (voir www.phytoweb.be avant utilisation).

Fructification sans fécondation des fleurs

La parthénocarpie est un phénomène relativement fréquent chez certaines variétés de poires (par exemple ‘Conférence’ et ’Passe-Crassane’) et chez la vigne. L’application de gibbérelline 3 pendant la floraison renforce la parthénocarpie chez les poiriers, et celle de gibbérellines 4+7 la nouaison des pommes.

Divers mélanges de GA 4+7, d’acide 1-naphtylacétique, d’auxines et/ou de cytokinines (voir www.phytoweb.be avant utilisation) ont aussi été testés dans ce but.

Il faut noter que des traitements au GA3 peuvent affecter la floraison de d’année suivante puisque l’induction florale se produit l’année précédente.

Eclaircissage des fruits

Après une floraison abondante et une nouaison excessive, l’éclaircissage manuel des fruits en vue d’obtenir un calibre satisfaisant de la récolte et de lutter contre l’alternance requiert un nombre important d’heures de travail pour enlever les petits fruits en surnombre.

Il est possible d’intervenir aussi avec des régulateurs de croissance soit pendant la floraison (= éclaircissage floral) soit plus tard, après celle-ci (=éclaircissage post-floral).

Pour l’éclaircissage floral des espèces à noyau et des pommiers, on peut utiliser le thiosulfate d’ammonium, et pour les pommiers et prunier, l’Etephon.

L’éclaircissage post-floral des pommiers, poiriers et pruniers recourt à des auxines (en abrégé : N.A.A. et N.A.D.ou N.A.A.m.(voir www.phytoweb.be avant utilisation) dont les résultats sont étroitement liés à la température pendant les jours qui suivent le traitement, lorsque la division cellulaire des fruits est très intense.

Le carbaryl, un insecticide de la famille des carbamates, a aussi été utilisé comme éclaircisseur sur pommiers.

  Inhibition de la chute prématurée des fruits

Ce phénomène qui résulte de la formation de la zone d’abscission des pédoncules peut avoir de graves répercussions sur le revenu des arboriculteurs. Dès 1929, une équipe de chercheurs américains a mis en évidence le rôle favorable de différentes auxines en vue de la freiner chez les pommiers. Leur efficacité « anti-chute » est fugace, de l’ordre d’une à deux semaines, et le traitement doit être répété pour en prolonger l’effet.

Chez les agrumes, d’autres régulateurs de croissance se montrent efficaces ; il s’agit de produits utilisés aussi comme herbicides.

  Aides à la récolte mécanique des fruits

Sur un même arbre, l’échelonnement de la maturité des fruits peut compliquer leur récolte au stade optimal. Pour une récolte manuelle, il faudra multiplier le nombre de passages, tandis que pour la récolte mécanique, on recherchera le moment où un nombre le plus élevé possible de fruits se détachera lors du secouage. L’Etephon est utilisé dans ce but sur diverses espèces fruitières.

Sur les cerises, il est possible d’augmenter la fermeté des fruits en retardant leur maturité d’une dizaine de jours ; sur pommiers, d’autres produits qui retardent l’émission naturelle de l’éthylène ont un effet similaire.

En rendant plus facile le détachement des fruits, on peut raccourcir la durée du secouage et éviter la chute de nombreuses feuilles.

  Amélioration de la qualité des fruits

Plusieurs régulateurs de croissance peuvent avoir des effets secondaires favorables à la qualité des fruits : par exemple un traitement anti-chute améliore la coloration des pommes, et sur cerises douces, un traitement au GA3 réalisé trois semaines avant secouage réduit leur éclatement par la pluie. Sur pommes et cerises, ce même produit améliore la fermeté de la chair et atténue les dégâts par chocs et pression.

  La forme des fruits

On sait que certaines pommes comme ‘Red delicious’ ont une forme qui dépend de la température estivale : une température élevée leur confère une forme plus aplatie qui est moins appréciée par le commerce. Les cytokinines et les gibbérellines permettent d’obtenir des fruits plus allongés. Chez d’autres variétés, on a pu observer un effet inverse d’autres substances appliquées pendant la floraison.

Ir André Sansdrap

Wépion

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