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Transport animal : l’imposition d’une limite de temps maximal fait débat

Des millions d’animaux vivants sont transportés chaque année par voie terrestre, maritime, ferroviaire et aérienne, au sein des États membres mais aussi vers des pays tiers, à des fins de reproduction, d’engraissement et d’abattage. Une limite de huit heures est en discussion…

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La mesure inquiète de nombreux pays. Mais il faut savoir que ce dossier sensible fait l’objet d’âpres échanges, que ce soit au sein de l’hémicycle ou du conseil européen, dont le dernier en date du 18 juillet dernier sous présidence tchèque.

Une commission d’enquête au parlement européen

Cela fait déjà deux ans que le parlement européen se penche sur la question dans le cadre de sa commission d’enquête sur la protection des animaux pendant le transport, créée en juin 2020 pour examiner les violations présumées des règles de l’UE sur le transport des animaux.

Elle a conclu que les dispositions de l’UE dans ce domaine n’étaient pas toujours respectées par les États membres et ne prenaient pas pleinement en compte les différents besoins des animaux.

Parmi les violations les plus flagrantes figurent l’insuffisance de la hauteur libre, le manque d’eau et de nourriture, le transport d’animaux inaptes au transport et la surpopulation. Des véhicules inappropriés sont utilisés, le transport a parfois lieu sous des températures extrêmes et des durées de voyage prolongées.

L’UE impuissante au-delà de ses frontières

Les trajets par route ou par mer vers des pays tels que la Turquie, le Liban, la Libye et l’Algérie, considérés comme à haut risque pour le bien-être des animaux, sont en outre particulièrement longs et éprouvants.

Des cas de cruauté extrême dans les pays tiers sont signalés à maintes reprises, mais il est impossible pour l’UE de faire appliquer sa législation sur la protection des animaux au-delà de ses frontières.

Des recommandations assez timides

En janvier dernier, les eurodéputés ont adopté plusieurs recommandations visant à améliorer le sort des animaux en transit. Celles-ci prévoyaient un peu plus de protection sans toutefois apporter de révolution dans le traitement des animaux transportés.

Parmi les recommandations figurent un renforcement des contrôles et sanctions, ou pour certaines espèces comme les lapins et les volailles, la présence obligatoire d’un vétérinaire à bord des cargos, ou encore la mise en place d’un registre centralisé pour accorder les certifications aux bétaillères maritimes – plusieurs enquêtes ont montré qu’elles comptaient parmi les navires les plus vétustes agréés par l’UE.

Une limite de huit heures de transport pour les animaux destinés à l’abattage avait aussi été avancée.

Mais les députés ne s’étaient pas engagés au-delà de ces principes, quand plusieurs ONG, soutenues dans une pétition remise quelques jours plus tôt au parlement par quelque 900.000 citoyens, demandent l’interdiction des exportations d’animaux vivants vers des pays tiers (3 millions d’animaux chaque année), où les normes de protection ne peuvent être garanties, pour privilégier le transport de viandes et de carcasses.

Vers une limitation d’une durée de huit heures de transport ?

La limitation de la durée du transport a fait son retour au conseil des ministres européen de l’Agriculture en juillet dernier. Il faut dire que le temps commence à presser puisque la commission prépare des propositions attendues fin 2023 en vue de renforcer le cadre législatif sur le bien-être animal.

Une dizaine de ministres, dont la Belgique, ont plaidé pour la fixation d’une limite de huit heures au transport d’animaux vers leur lieu d’abattage. Les Pays-Bas, très engagés dans ce dossier, veulent aller plus loin : au lieu de transporter les animaux sur de longues distances, ils plaident pour un transport de leurs produits (viande, semences…).

La France prudente, la Pologne et la Hongrie réticentes

D’autres États membres se montrent beaucoup plus prudents. Le ministre français Marc Fesneau a rappelé le besoin de disposer des évaluations de l’Efsa avant de prendre une décision, estimant que les premières mesures à mettre en œuvre seraient l’harmonisation des règles (dans l’UE et pour les exportations) et l’imposition de normes équivalentes à celles de l’UE pour les produits importés.

Une position que rejoignent l’Espagne et la Croatie, entre autres. La Pologne se montre encore plus réticente, elle qui n’entend pas avaliser cette limite de 8 heures. Elle réclame une certaine prudence au niveau de la sécurité alimentaire pour les pays qui ont une capacité d’abattage moindre que les autres.

Même son de cloche du côté de la Hongrie ou de la Roumanie qui rappellent que tous les États membres ne disposent pas d’abattoirs à proximité des lieux d’élevage.

Solutions d’abattages mobiles et à la ferme

Cette dimension avait déjà été abordée au sein de l’hémicycle européen par Tilly Metz, la présidente luxembourgeoise de la commission d’enquête sur la protection des animaux pendant le transport un peu plus tôt dans l’année.

L’eurodéputée avait alors réclamé de nouveaux outils politiques pour soutenir les petites structures locales ainsi que les solutions d’abattage mobiles et à la ferme, qui pourraient aider à réduire le nombre de trajets stressants vers les abattoirs.

À la liste des États membres d’Europe centrale réticents à la limite horaire de transport, s’ajoutent les pays insulaires comme l’Irlande ou Chypre pour qui la question du transport par voie maritime est essentielle.

Sur ce point, la législation tertiaire visant à améliorer les inspections des navires de transport de bétail devrait être adoptée avant la fin de cette année.

La question dépasse largement les sphères politiques. On le sait, pour de nombreux citoyens, la motivation première pour réclamer des règles plus strictes et plus de sanctions est une préoccupation éthique, une volonté de voir la souffrance animale évitée ou du moins réduite.

Marie-France Vienne

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