Projet Blanc bleu vert: une stratégie alimentaire pour réduire l’empreinte globale de la production de viande bovine

La terre devrait atteindre 9,7 milliards d’humains d’ici 2050 selon l’ONU. Autrement dit, 2 milliards de bouches supplémentaires à nourrir ( Cf. figure 1 ), accompagnée d’une augmentation de 20 % de la demande mondiale en viande sur le même laps de temps, selon la FAO (2020), avec des impacts environnementaux qui ne cessent d’augmenter.

La situation environnementale générale et les opinions publiques engagent les politiques à imposer des mesures sectorielles contraignantes menant à la réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES). L’Union Européenne avec le GreenDeal veut atteindre une réduction des émissions de GES de 55 % d’ici 2030. En Belgique, la recommandation est de diminuer la production de GES de 35 % d’ici 2030 au niveau des secteurs non couverts par le SEQE (le système d’échange de quotas d’émission, dont fait partie l’agriculture). Une réduction rapide de ces émissions pourrait limiter le réchauffement climatique à moins de 2ºC, et ainsi limiter les impacts négatifs sur les écosystèmes.

L’agriculture, dans ses composantes végétales et animales, est émettrice de GES qui participent aux changements climatiques. En 2020, elle a contribué à 11,1 % des émissions totales de la Belgique loin derrière l’industrie (hors transport) qui émet 47,8 % des GES, et le transport, responsable de 20.3 % des émissions, mais proche du chauffage résidentiel (13,8 % des GES) (cf. figure 2).

Notons qu’au total, entre 1990 et 2020, les émissions des GES en agriculture ont diminué de 19 % (cf. figure 3). Depuis plusieurs années, les éleveurs portent une attention toute particulière à une bonne conduite du troupeau (attention portée à la génétique des bovins, la gestion du troupeau dans la ferme ainsi que la composition de la ration alimentaire du bétail, tout en respectant le bien-être animal), à une gestion des engrais de ferme raisonnée, ainsi qu’à la mise en place de bonnes pratiques leur permettant de réduire leur consommation en énergie. Ces efforts ont permis de diminuer puis de stabiliser lesdites émissions ; celles-ci étant par ailleurs partiellement compensées par le stockage de carbone dans les prairies, qui représentent plus du tiers de la surface agricole utile (SAU) au niveau national.

Malgré ces efforts, nous pouvons et devons encore aller plus loin. L’agriculture a toujours des répercussions sur les changements climatiques, qui ont des conséquences néfastes et indéniables sur la sécurité alimentaire et la nutrition. Investir dans la résilience et la réduction des risques climatiques est d’une importance capitale pour garantir le rôle crucial de l’agriculture dans la réalisation d’un avenir durable, selon le dernier rapport de la FAO (2021). Ces éléments conduiront forcément les filières liées à l’élevage à développer une stratégie incluant davantage des critères de durabilité en son sein, et notre Blanc Bleu Belge (BBB) national est l’un des premiers concernés.

L’alimentation comme levier pour réduire leur impact

Des pistes importantes de réduction de ces impacts de l’élevage sur l’environnement sont possibles, via notamment

– la sélection animale visant des animaux plus efficients (plus de produit pour moins d’intrants) ;

– une amélioration de la technicité d’élevage grâce à une meilleure connaissance des besoins et performances individuelles des animaux ;

– l’utilisation de rations à base de produits à faible impact environnemental pour leur production et bien valorisés par les animaux (faibles émissions de méthane (CH4) et bonne performances) et pour lesquels l’animal n’est pas en compétition avec l’homme (ex : coproduits issus des industries agroalimentaires...) ;

– ou l’optimisation des systèmes agricoles via le croisement pour la production d’animaux plus performants.

Le projet Blanc Bleu Vert propose des solutions innovantes pour contribuer aux diminutions de GES attendues du secteur de l’élevage bovin, compatibles avec l’évolution actuelle du marché de la viande.

Le poste lié à l’« alimentation » représente plus de 80 % des GES émis lors de la production de viande bovine ; le CH4 rejeté par les fermentations entériques y contribue de manière majoritaire, la culture, la production et le transport des aliments (concentrés et fourrages) constituent le solde de ce poste. Les autres postes (15 à 20 %) sont constitués des gaz émis par les effluents (CH4 et N2O) et par la consommation d’énergie des autres moyens de production (électricité, chauffage, transports des animaux…). L’alimentation apparaît donc comme le levier principal sur lequel agir pour diminuer l’impact.

Les recherches sur le plan alimentaire auront pour objectif de définir une stratégie alimentaire permettant de réduire l’empreinte globale de la production de viande, par une meilleure efficience alimentaire, une diminution de la compétition Feed/Food, un sourcing local des aliments, et une utilisation de nutriments réducteurs de méthane. Ceci permettra de rendre la filière plus durable au niveau local comme à l’international.

Le consortium souhaite inclure ces critères de durabilité à la sélection des animaux utilisés en race pure et pour le croisement, afin de répondre à la demande du marché. La sélection génétique pour ces critères ne pourra se développer que lorsque de nombreux phénotypes seront disponibles. Pour ce faire, les partenaires proposent, par des actions innovantes, de développer des méthodes de mesure indirecte de l’ingestion et des émissions de CH4 par les taurillons BBB et croisés BBB sur race laitière. De nouvelles opportunités technologiques existent aujourd’hui et seront utilisées dans le projet afin de pouvoir disposer des informations CH4 et ingestion de manière innovante, simple, rapide, peu coûteuse et répétable.

Dans les proches années qui suivront le projet, la mise à disposition à nos éleveurs BBB de ces caractéristiques leur permettra d’obtenir des améliorations de gains (moins d’utilisation des ressources pour un même volume de viande) et de réduire les émissions de CH4 dans l’environnement. Ces outils employés en dehors du berceau de la race permettront de mieux répondre à la demande croissante de viande bovine au niveau local et international via le croisement, avec une utilisation plus efficace des ressources alimentaires et générant moins de rejets de CH4 dans l’environnement.

D’après Emilie Henrotte

Inovéo

Particularités de la filière viandeuse

Si le consommateur belge averti est fortement attaché à des viandes issues d’animaux allaitants, il n’en est pas de même en dehors de nos frontières. La production et l’engraissement de veaux issus de croisement terminal sont l’une des voies retenues pour renforcer l’offre de viande bovine sur ce marché.

Au niveau mondial, une majeure partie de la production de viande se fait déjà au départ de la filière laitière mais de manière suboptimale. Le croisement terminal consistant à obtenir d’une femelle laitière un veau à vocation bouchère, en la croisant avec un taureau viandeux, fait désormais l’objet d’une recommandation du WWF, tant du point de vue économique qu’environnemental et devient une solution à l’échelle mondiale pour répondre à la demande croissante de viande et minimiser l’impact environnemental de sa production. La race BBB est une race de premier choix dans ce schéma de production viandeuse.

Dans de nombreux pays, des études réalisées sur les croisements entre le Blanc-bleu et des vaches laitières démontrent que ladite race apporte une substantielle amélioration du rendement à l’abattage (+4-5 %) et du rendement en viande de la carcasse (+8 %). À titre d’exemple, le croisement avec du BBB représente aujourd’hui plus des deux tiers des inséminations artificielles en croisement en France avec une augmentation annuelle de 20 % depuis 2017, devançant même les races viandeuses françaises !

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