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Jachères et rotation des cultures : nouvelle dérogation pour 2023

Malgré les réticences en son sein, la commission a décidé de prolonger d’une année (en 2023) les dérogations accordées aux règles de la rotation des cultures et de l’utilisation des jachères.

Temps de lecture : 4 min

Comme le lui réclamaient depuis plusieurs semaines les ministres européens de l’Agriculture, la commission a adopté; fin juillet, la prolongation en 2023 des dérogations accordées aux règles de la rotation des cultures et du maintien des éléments non productifs sur les terres arables (jachères) afin de stimuler la production dans le contexte de la guerre en Ukraine.

BCAE 7 et 8 : dérogation temporaire

« À court terme, nous ne pouvons tout simplement pas ignorer les avantages immédiats du maintien d’une partie importante de nos terres agricoles à la production : chaque tonne de blé que nous exportons contribuera à lutter contre la faim dans le monde », a justifié le commissaire européen à l’Agriculture, Janusz Wojciechowski.

Compte tenu de l’importance des normes au titre des bonnes conditions agricoles et environnementales (BCAE) pour les objectifs de préservation du potentiel des sols et d’amélioration de la biodiversité, cette dérogation aux BCAE 7 et 8 est temporaire, insiste la commission européenne.

De plus, le texte précise que la culture de maïs et de soja ne sera pas possible dans ce cadre et la proposition prévoit que les États membres faisant usage de ces dérogations encouragent les écorégimes et les mesures agroenvironnementales programmés dans leurs plans stratégiques.

En 2022 ces dispositions, adoptées en urgence au mois de mars, avaient quand même permis de mobiliser environ 2,5 millions d’hectares pour produire principalement des protéagineux et du tournesol. La commission européenne estime que 1,5 million d’hectares supplémentaires pourraient être mis en production cette fois.

« Pas un choix parfait »

« Les plus récentes perspectives à court terme prévoient une réduction de la production alimentaire en Europe, en raison des périodes prolongées de chaleur et de sécheresse. Et il existe un risque très sérieux que, compte tenu de la situation économique globale, l’Ukraine réduise considérablement sa production de céréales l’année prochaine. Ainsi, sa capacité à contribuer à la sécurité alimentaire mondiale pourrait être limitée, même si les ports de la mer Noire sont rouverts… », a détaillé Janusz Wojciechowski.

Il est donc, selon lui, fondamental que l’UE participe à couvrir le déficit de production pour faire face à la pénurie mondiale de blé et ainsi faire baisser les prix même si le commissaire européen reconnaît « qu’autoriser ces dérogations n’est pas un choix parfait ».

Un choix loin d’être parfait pour les ONG. Birlife, entre autres, dénonce une décision « mal informée qui ne repose sur aucune donnée scientifique ». « Si la Commission européenne voulait réellement s’attaquer à la sécurité alimentaire, elle mettrait fin à l’utilisation des cultures pour les biocarburants et réduirait la consommation d’aliments pour animaux », estime l’association.

Réaction des maïsiculteurs européens

Les producteurs européens de maïs (CEPM) estiment au contraire qu’il est « inacceptable » que le maïs soit exclu du dispositif, dénonçant « une forme d’idéologie ». Si l’alimentation animale reste, convient la CPEM, le principal débouché du maïs dans l’Union européenne, celle-ci tient à souligner que les produits animaux contribuent également à la souveraineté alimentaire européenne et que le maïs participe également à sa souveraineté énergétique.

Souscrivant, elles aussi, à ces critiques, les organisations et coopératives agricoles de l’UE saluent néanmoins le « timing de la décision » qui va donner aux agriculteurs la sécurité juridique dont ils avaient besoin concernant les règles à appliquer à partir de l’année prochaine.

Débat en Allemagne

Si la plupart des ministres de l’Agriculture de l’UE demandaient depuis des semaines de nouvelles dérogations aux exigences de rotation des cultures et de maintien des jachères, le ministre allemand de l’Agriculture, Cem Ozdemir, a, lui, critiqué la proposition de la commission européenne estimant qu’au « lieu d’assumer elle-même la responsabilité d’une politique agricole durable, celle-ci renvoie la balle aux États membres ».

Les dérogations devraient, selon lui, être traitées avec prudence. Si le ministre allemand s’est déjà prononcé en faveur d’une plus grande flexibilité en matière de rotation des cultures, qu’il considère comme une mesure raisonnable, il s’est à plusieurs reprises fermement opposé à l’autorisation de la production agricole sur les terres en jachère, invoquant les conséquences considérables pour la biodiversité.

Dans le même temps, Cem Özdemir déplore que la commission néglige le plus important levier, à ses yeux, pour garantir l’approvisionnement alimentaire mondial : produire moins d’aliments pour animaux et de biocarburants afin de libérer des terres agricoles pour la production de l’alimentation humaine.

Toujours prompt à s’opposer au ministre vert, le président – allemand – de la commission de l’Agriculture au Parlement européen, Norbert Lins, lui a immédiatement répondu via Twitter : « Ne lancez pas de manœuvres de diversion ! La jachère et la rotation des cultures doivent être suspendues pendant une courte période ! La faim dans le monde doit être combattue. Nos agriculteurs et agricultrices ont besoin d’une sécurité de planification. Maintenant ! ».

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