Inciter mais aussi aider les propriétaires privés à reboiser

Reboiser une parcelle, un art que maîtrisent les entrepreneurs de travaux forestiers, quelles que soient les conditions météorologiques.
Reboiser une parcelle, un art que maîtrisent les entrepreneurs de travaux forestiers, quelles que soient les conditions météorologiques. - J.V.

Emmanuel Defays, directeur de l’Office économique wallon du bois, est inquiet et ne s’en cache pas : « Le taux de prélèvement annuel des résineux atteint 135 % selon l’Inventaire permanent des ressources forestières de Wallonie. Nous mordons à belles dents dans notre capital résineux ! ». Pour les épicéas, ce rapport entre l’accroissement annuel et le volume de bois récolté atteint même 150 % ! « Et ne parlons pas des forêts privées… Le taux de prélèvement y grimpe à 151 % pour les résineux et 163 % pour les épicéas », poursuit-il.

À cette surexploitation flagrante s’ajoute un déficit de reboisement, mettant en péril l’approvisionnement en matières premières résineuses de la filière bois mais aussi sa rentabilité et, par conséquent, ses emplois. À l’horizon 2040, si rien ne change, les volumes annuels disponibles vont chuter de 20 %, passant de 2,5 millions de m³ à 2 millions. À titre de comparaison, cette perte de 500.000 m³ représente la consommation annuelle d’une grosse scierie industrielle.

Informer, orienter et conscientiser

Afin de contrer cette situation, divers programmes ont vu le jour, sous l’égide de l’Europe, de la Wallonie et de la province de Luxembourg.

Les projets européens, cofinancés également par la Région wallonne, sont au nombre de deux. Le premier, Interreg Forêt Pro Bos, regroupe treize partenaires belges et français (Hauts de France et Grand Est) depuis octobre 2016 et bénéficie d’un budget de 3,5 millions d’euros. « Foret Pro Bos a pour objectifs d’évaluer la ressource forestière, d’inciter au reboisement, de sécuriser l’accès aux massifs forestiers, de former les propriétaires peu habitués à la gestion forestière et, éventuellement, de les regrouper pour une gestion forestière concertée », détaille Nicolas Dassonville, chargé de projet à la Société royale forestière de Belgique (SRFB).

«
Reboiser est essentiel si l’on souhaite pérenniser les fonctions économiques, touristiques, sociales, écologiques... de la forêt
», plaide René Collin, son ministre.
« Reboiser est essentiel si l’on souhaite pérenniser les fonctions économiques, touristiques, sociales, écologiques... de la forêt », plaide René Collin, son ministre. - J.V.

En Wallonie, le projet cible particulièrement les 90.000 propriétaires forestiers privés se partageant 51 % de la surface forestière wallonne, soit 282.500 ha. En effet, ceux-ci ont des intérêts, connaissances et objectifs bien différents en matière de gestion parcellaire. En outre, en matière de reboisement, plusieurs éléments les découragent profondément : coût de l’investissement, dégâts de gibier, morcellement du parcellaire, méconnaissance de la gestion forestière…

Accompagner ces propriétaires s’avère plus que nécessaire. « Pour ce faire, nous avons mis sur pied un guichet d’information afin de répondre à toutes les questions économiques et techniques liées au reboisement », explique M. Dassonville. Accessible par mail (reboisement@srfb-kbbm.be) ou téléphone (02/223.09.01), ledit guichet oriente également les propriétaires vers les professionnels ad hoc  : Office économique wallon du bois (forêt de moins de 5 ha), SRFB (forêt de plus de 5 ha), Carah (populiculture), Association pour l’agroforesterie en Wallonie et à Bruxelles (arbre hors forêt).

Nicolas Dassonville : « Forêt Pro Bos vise à conscientiser les propriétaires aux intérêts du reboisement ».
Nicolas Dassonville : « Forêt Pro Bos vise à conscientiser les propriétaires aux intérêts du reboisement ». - J.V.

En outre, une brochure présentant les différents acteurs du reboisement en Région wallonne et des documents de vulgarisation ont été réalisés. De nombreuses actions de communication visant à conscientiser les propriétaires aux intérêts du reboisement sont mises en place par les partenaires du projet. Enfin, un module de formation devrait voir le jour en septembre prochain.

Forêt Pro Bos souhaite également sensibiliser le grand public aux coupes forestières, une étape cruciale du cycle de vie des parcelles, par l’intermédiaire de plaquettes informatives.
Forêt Pro Bos souhaite également sensibiliser le grand public aux coupes forestières, une étape cruciale du cycle de vie des parcelles, par l’intermédiaire de plaquettes informatives. - J.V.

De son côté, Régiowood II, le second projet cofinancé par l’Europe et la Région wallonne, vise à améliorer et innover les itinéraires techniques sylvicoles de renouvellement forestier et à répondre aux problématiques réelles de terrain, afin d’assurer la conduite des régénérations pour une forêt plus résiliente.

Pour y parvenir, les partenaires du projet vont tester de nouvelles techniques en forêt, créer un catalogue de bonnes pratiques du renouvellement forestier et installer un réseau de placettes dans le but d’assurer la formation des forestiers.

Accompagner les « petits » propriétaires

La Wallonie souhaite quant à elle s’attaquer au problème du morcellement des parcelles forestières privées grâce à la Cellule d’appui à la petite forêt privée, un service de l’Office économique wallon du bois destiné à accompagner les propriétaires qui souhaitent reboiser leur parcelle (propriété de moins de 5 ha d’un seul tenant). « L’objectif de la Cellule est d’aider le propriétaire à poser les bons choix dans son projet de reboisement en cherchant à faire réaliser les travaux de plantation avec le meilleur rapport qualité/prix », détaille Vincent Colson, son responsable.

En Région wallonne, 51 % de la forêt est aux mains de propriétaires privés.

Pour y parvenir, ladite Cellule propose des réflexions sur le terrain avec les propriétaires, réalise des appels d’offres groupés auprès d’entrepreneurs de travaux forestiers et suit les chantiers de reboisement. Forte de cette expérience, elle s’est vue attribuer, à l’automne 2016, une subvention wallonne (500.000 € répartis sur trois ans) visant à développer davantage ces travaux groupés. « Ainsi, deux techniciens forestiers ont été engagés pour poursuivre ce travail de sensibilisation, en collaboration avec les communes, et d’accompagnement des propriétaires wallons. »

Enfin, la structure renseigne les porteurs de projet de l’existence de primes à la plantation (lire encadré).

J.V.

Infos : www.reboisement.be

et www.foret-pro-bos.eu/fr.

Une prime pour encourager les privés

Depuis octobre 2013, la province de Luxembourg alloue une prime de 750 €/ha aux propriétaires privés domiciliés dans la province reboisant leur parcelle (luxembourgeoise, elle aussi), que ce soit en feuillus ou résineux, pour autant que sa superficie ne soit ni inférieure à 40 ares, ni supérieure à 3 ha. Cette prime couvre environ un tiers du coût de replantation.

La gestion des dossiers est assurée par l’asbl Ressources naturelles développement. Plus de 480 propriétaires ont déjà profité de la prime, pour une superficie forestière de 850 ha (dont 700 ha ont déjà été replantés).

Et dans les autres provinces ?

Depuis cette année, la Région wallonne ajoute 1 € d’aide à la replantation pour chaque euro dépensé par la province. Un total de 300.000 € étant dédié à cette action, contre 150.000 € précédemment, le nombre de propriétaires bénéficiant de l’aide au reboisement peut être doublé.

Le ministre wallon de la Forêt, René Collin, souhaiterait que cet incitant régional pousse les autres provinces wallonnes à prendre exemple sur le Luxembourg. « Cependant, seule la province de Liège semble porter de l’intérêt au projet. Du côté des trois autres provinces que sont le Brabant wallon, le Hainaut et la province de Namur, rien ne bouge ! », déplore-t-il. Avant d’ajouter : « Cette politique devrait être menée par chacune des provinces car les problèmes du reboisement et du désintérêt de certains propriétaires ne se limitent pas à la province de Luxembourg ».

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