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Restauration de la nature : «Une manœuvre orchestrée par les démocrates-chrétiens»

On attendait un vote chaud sur le texte en commission de l’Environnement, il fut brûlant. Avant que le résultat ne se transforme en une douche glacée pour les défenseurs du projet de ce règlement controversé qui sera soumis, dans quelques jours, à l’ensemble des députés lors d’un scrutin à l’issue des plus incertaines.

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Le texte avait déjà échappé in extremis, le 15 juin dernier, à un rejet en bloc que demandaient les groupes politiques de droite en commission de l’Environnement (Comenvi). Et faute de temps, son examen n’avait pas pu être finalisé.

Douze jours plus tard, le 27 juin donc, aucune majorité ne s’est dégagée lors du vote organisé par la même commission.

44 eurodéputés ont soutenu le projet de texte amendé et 44 s’y sont opposés.

En l’absence de cette majorité, la Comenvi est tenue de présenter à l’ensemble des eurodéputés une motion de rejet de la proposition de la commission européenne. Puis, si cette motion n’est pas adoptée, les parlementaires examineront dans la foulée des amendements au texte.

La déception du rapporteur du texte

La tension à l’issue du vote a rapidement cédé la place à la (grande) déception du rapporteur du texte, le social-démocrate espagnol Cesar Luena.

« On a entendu beaucoup de mensonges, or il faut avoir une certaine dignité en politique, il faut argumenter sur base de données précises » a développé le socialiste espagnol, assurant que cette loi garantit la sécurité alimentaire, bénéficie aux agriculteurs tout en s’inscrivant en faveur de la bonne santé des entreprises et de l’économie de l’UE.

« Cette loi nous permet d’atténuer les conséquences du changement climatique, d’améliorer la santé des écosystèmes et de garantir une planète habitable pour les générations futures. Cela vaut donc la peine de travailler pour lui permettre de poursuivre son chemin dans nos institutions » a-t-il encore plaidé.

Alors qu’en l’espace de quatre ans, l’Europe a réussi à développer et fournir des vaccins extrêmement rapidement à sa population pour enrayer une pandémie, a été à même de réagir face à une guerre à ses portes, M. Luena refuse de croire qu’elle serait incapable d’adopter une loi en faveur de la biodiversité et de la nature.

Et de demander solennellement à la droite de l’hémicycle de clairement répondre à cette question.

Il a d’ailleurs assuré devant la presse qu’il continuerait de « tendre la main, les deux mains au groupe PPE pour négocier » avant la session plénière de ce mois juillet, sur la base des compromis qui avaient préparé ces dernières semaines mais aussi de la position de négociation du conseil européen arrêtée le 20 juin.

La colère froide de Pascal Canfin

Le président de la Comenvi, le centriste français Pascal Canfin n’a, quant à lui, pas mâché ses mots à l’encontre de ses collègues du PPE, responsables du rejet du projet de la proposition.

Il a dénoncé le fait qu’un nombre significatif de membres du groupe PPE siégeant en commission de l’Environnement ait été remplacé lors du vote par des eurodéputés PPE suppléants, qui sont membres des commissions de l’Agriculture et de la Pêche – deux commissions qui avaient rejeté la proposition.

« Ceux qui auraient voulu voter en faveur de ce texte ont été mis hors-jeu » s’est indigné M. Canfin, ajoutant qu’il s’agit « d’une manipulation orchestrée par Manfred Weber (président du groupe PPE, ndlr) ».

L‘écologiste Yannick Jadot a quant à lui dénoncé une droite « pathétique » qui « prétendait aimer la nature » mais « est dorénavant prête à la saccager pour s’aligner sur l’extrême droite ».

Manipulation et opposition frontale du PPE

« Si les gens avaient voté librement en conscience dans tous les groupes, je peux vous dire qu’il y avait une majorité très claire pour soutenir la loi sur la restauration de la nature. C’est effarant de voir qu’un groupe politique manipule un vote de cette manière. Il va falloir tirer les enseignements de cette fâcheuse expérience » a encore cinglé Pascal Canfin devant la presse.

Il n’est pas inutile de rappeler qu’une majorité de gouvernements de tendance PPE (Roumanie, République tchèque, Bulgarie, Irlande, Grèce…) avait trouvé un compromis leur permettant de voter en faveur du texte lors du conseil des ministres européens de l’Agriculture du 20 juin, alors que l’on a assisté à une opposition totale de ce même parti en commission de l’Environnement.

La manœuvre sera toutefois impossible en plénière. Le parlement dans son ensemble sera désormais tenu de prendre position, vraisemblablement lors de la session plénière de juillet à Strasbourg, sous réserve de l’approbation de l’ordre du jour par la Conférence des présidents.

Le groupe PPE estime pour sa part qu’il faudrait attendre le mois de septembre pour organiser le scrutin en plénière, la session de juillet étant déjà très remplie avec notamment le vote sur un autre dossier sensible pour l’Agriculture : la révision de la directive sur les Émissions industrielles (IED).

Le Copa résiste, la commission persiste

La gauche et les écologistes se persuadent qu’il est « encore temps de sauver cette loi », argumentant que « l’avenir des agriculteurs, des pêcheurs, des entreprises ou de l’économie repose sur la restauration des écosystèmes naturels ».

Une position diamétralement opposée à celle du Copa-Cogeca, qui s’était déjà montré « consterné » par le fait que les ministres européens de l’Environnement n’ont pas rejeté le texte. « Cette absence de consensus prouve que la proposition initiale de la commission est mal construite, à commencer par l’incohérence totale entre l’ambition affichée et l’absence de financement proposé » avait souligné l’organisation syndicale.

Mais la commission européenne continue d’affirmer qu’en cas de rejet de la proposition en plénière, elle ne présentera pas, faute de temps notamment, de nouveau projet sous cette législature.

Marie-France Vienne

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