Accueil Economie

Quels éléments prendre en compte lorsqu’on envisage une transmission?

Il n’est jamais trop tôt pour penser à la transmission de son activité et l’organiser. Lors d’un colloque organisé par Accueil Champêtre en Wallonie, Maître Pierrre-Yves Erneux, notaire à Erpent, a identifié les éléments essentiels dont il faut tenir compte afin d’en faciliter le processus. Ces points s’articulent autour de deux mots-clés : la structuration et la transmission.

Temps de lecture : 6 min

Lors de la programmation d’une transmission, les paramètres à prendre en compte sont nombreux : l’identité de la structure juridique et du projet, le régime fiscal adapté, le bail à ferme… Il s’agit de bien identifier les besoins, de protéger le conjoint, de traiter les aspects successoraux en tenant compte des règles en la matière, d’étudier le traitement fiscal qui sera appliqué, de tenir compte des mécanismes d’aides existants et de leurs conditions d’application… Dans son exposé, Maître Erneux revient sur tous les points qui seront à la base d’une méthodologie de travail pour faire les choses correctement.

Dans toute transmission, il y a toujours deux volets. La première étape est celle de la structuration : « On prend le temps de s’arrêter un instant pour savoir si on est bien structuré ou pas ». Ensuite, on peut passer à la seconde étape qui est celle de la transmission en tant que telle.

Mon entreprise est-elle bien structurée ?

« La première question, qui semble peut-être évidente mais n’en est pas moins importante, est de savoir si j’ai raison de continuer mon activité en personne physique ou si je dois éventuellement la structurer en société ».

Si on décide de passer en société, il est alors important d’identifier pour quel motif on le fait et vers quelle forme de société on doit se diriger. Dans ce cadre, plusieurs questions doivent être posées.

La première concerne le type de projet associatif. « Parfois le projet concerne une exploitation mais dans d’autres cas on ne s’intéresse simplement qu’au matériel ou à l’immobilier. De plus en plus souvent, il s’agit de projet d’une grande mixité avec de l’agricole mais aussi de l’immobilier ou autre. Il faut alors considérer l’ensemble ».

Ensuite, il s’agit de savoir si on peut bénéficier d’un régime fiscal plus adapté ou si l’on peut le maintenir(avec ou sans transparence fiscale). « On sait qu’en matière d’agriculture, on peut être soumis au forfait, aux charges réelles et même encore bénéficier de la transparence fiscale et être taxé comme en personne physique. Ne soyons pas naïfs, l’implication fiscale de ce qu’on va mettre en place va clairement avoir son importance.

Il s’agira également de voir si l’on peut bénéficier d’une neutralité en matière de bail à ferme. « Quand il est question de société éligible à l’agrément de société agricole – ce qui suppose quand même de remplir 10 critères – on peut aller chercher la neutralité au regard du bail à ferme. Cela signifie que le fait de déplacer l’activité de la personne physique pour la mettre dans la société sera neutre au regard de la loi sur le bail à ferme. Sinon, il y aura des implications. Si je ne détiens pas toutes mes terres en faire-valoir direct, il est donc important de penser à l’effet du passage en société par rapport au bail à ferme ».

Enfin on pensera à facilité la transmission de l’activité et de la ferme. « Il est clair que selon qu’on soit en personne physique ou société, les paramètres de transmission et la facilité de transmettre sous l’angle fiscal ou suivant l’articulation par rapport à la génération suivante, ne seront pas les mêmes. Il peut donc être intéressant de réfléchir à se structurer en société quelques années au préalable afin que la transmission puisse s’effectuer avec une certaine progressivité ».

Le processus de transmission

Lorsque cet exercice a été fait vient plus tard le moment fatidique de la transmission. La réussite de celle-ci repose sur plusieurs paramètres.

Les besoins et envies de celui qui transmet

Le premier paramètre est celui de l’identification des besoins pour vivre et des envies de l’entrepreneur qui détermineront si l’opération de transmission sera onéreuse, gratuite ou mixte. « Dans toute planification, il y a la question des besoins objectifs – de quoi a-t-on besoin pour vivre et les réserves que j’ai ou je n’ai pas – mais également les besoins subjectifs : de quoi ai-je besoin pour faire ce que je n’ai pas pu faire jusqu’ici. Ces besoins qui peuvent même être de recréer autre chose comme entreprise. On veut transmettre mais il faut savoir ce que l’on souhaite retirer de cette opération. C’est fondamental et ça influence le choix de la méthode de transmission : une vente, une donation ou encore une partie vendue et une donnée ».

L’un des premiers points à envisager concerne les besoins objectifs et subjectifs de celui  qui transmet. Qu’a-t-il besoin pour vivre et réaliser ses envies lors de sa pension ?
L’un des premiers points à envisager concerne les besoins objectifs et subjectifs de celui qui transmet. Qu’a-t-il besoin pour vivre et réaliser ses envies lors de sa pension ?

La protection du conjoint

Se pose aussi la question de la protection du conjoint ou compagnon avec deux éléments : le statut et le contrat. « On vit avec quelqu’un qui travaille ou pas dans le cadre de l’exploitation. Il faut pouvoir identifier son statut et, en fonction, déterminer quel type de contrat doit être mis en place car les effets ne seront pas les mêmes. Ça fait partie des trois phases du couple : l’installation, la consolidation et la planification successorale ».

Le traitement de l’aspect successoral

L’élément fondamental de cette partie est bien sûr de savoir s’il y a ou non présence d’héritiers réservataires, c’est-à-dire d’époux ou de descendants successibles car, alors, la réserve héréditaire entre en jeu. « Cela signifie qu’au minimum 50 % des biens reviennent d’office aux enfants. S’il y a compétition entre les enfants, cette réserve héréditaire se fait en valeur et plus en nature. Concrètement, les enfants qui ne reprennent pas l’exploitation peuvent revendiquer 50 % diviser par le nombre d’enfants en compensation financière. Il faut évidemment tenir à l’œil cette règle des 50 % car, si je consens à une donation, elle va entrer dans le calcul et si je suis marié, il y a aussi une protection pour le conjoint survivant ».

Le traitement de l’aspect fiscal

Dans le cas de la vente d’une ferme, une distinction sera faite entre personne physique ou société. « En Belgique, dans la plupart des situations, il n’y a pas de taxation au niveau de la plus-value sur actions mais, en personne physique, il y aura des conséquences en termes de taxation ».

S’il s’agit d’une donation ou d’une succession, le taux 0 % peut s’appliquer pour celui qui est agriculteur (et résident wallon) ou l’a été et qui dispose d’immeubles ruraux bâtis ou non bâtis (à l’exclusion de l’habitation) et de l’activité, moyennant un engagement de continuité pendant 5 ans. La délivrance d’une attestation par la Région Wallonne est obligatoire.

« Dans ce cas, deux situations se posent. Soit je suis en activité et je remets à qui que ce soit tout ou en partie (pourcentage ou droit réel) d’un fond de commerce ou d’une branche d’activité et je peux le faire en plusieurs étapes. Soit il s’agit d’un rattrapage. Je ne suis plus en activité mais je remets mes biens ruraux uniquement à mon exploitant ou co-exploitant ou à mon conjoint, cohabitant légal ou héritier en ligne direct. Il est alors possible, même si je ne suis plus en exploitation et que j’ai conservé mes terres, de transmettre au taux 0 % ».

La transmission des contrats et des autorisations

Le devenir des baux à ferme, contrats et autorisations liées à l’exploitation doit certainement être envisagé dans le processus de transmission. « Concernant les baux, on pensera notamment à la cession privilégiée et pour les contrats, au nouveau régime de cessibilité avec ou sans libération du cédant ».

Enfin le programme d’aides pour le repreneur pourra également être activé.

L’ensemble de ces éléments sont à prendre en considération pour envisager une transmission.

Propos recueillis par D. Jaunard

A lire aussi en Economie

Voir plus d'articles