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Chez Charlier Engineering: «Une machine doit être robuste et fiable; les interventions minimales, aisées et rapides»

Déjà retenue dans le Parcours Innovation de l’événement DemoForest organisé en marge de la Foire de Libramont 2022, la nouvelle abatteuse C20 de l’entreprise wallonne Charlier Engineering vient de rafler le prix de la Machine forestière de l’Année 2023 lors du salon EuroForest organisé en France et qui vient de fermer ses portes ce 24 juin. C’est donc fraîchement auréolé de ces distinctions que nous avons rencontré Alain Charlier, fondateur de la société et concepteur des machines portant son nom.

Temps de lecture : 16 min

C’est au cœur du village de Theux, en province de Liège, que l’entreprise a pris ses quartiers. Et ce n’est pas un hasard. Alain est originaire de cette contrée et l’homme est visiblement très attaché à ses racines : « Mon papa était agriculteur. J’ai donc connu la beauté mais aussi la rudesse de ce métier dans lequel on travaille sans compter ses heures, confronté aux caprices de la météo. J’ai pu apprécier les services rendus à l’homme par la machine mais aussi les difficultés engendrées par la même machine lorsque celle-ci se révèle difficile à apprivoiser ou tombe en panne ».

Un leitmotiv bien défini

Habitant cette région boisée, il a pu très vite s’apercevoir que les métiers de la forêt connaissent, grosso modo, des contraintes similaires. « J’ai toujours porté un intérêt à la technique. De cette expérience découle un leitmotiv : selon moi, une machine doit être robuste, fiable et les interventions sur celle-ci doivent être minimales, aisées et rapides. »

L’évolution du machinisme lui pose question. « Sur un tracteur du temps de mon enfance, il était possible de remplacer une pièce majeure, telle qu’un embrayage, rapidement et à moindre coût. Moyennant un peu de technique et d’habileté, l’agriculteur pouvait même le changer lui-même. »

Bien sûr, l’évolution technologique a complexifié les engins. « Ne pensez pas que je suis contre ces avancées technologiques, bien au contraire. Mais je reste circonspect quand j’entends un agriculteur évoquer le prix d’achat de son nouveau tracteur, des entretiens, du remplacement d’une boîte de vitesses… Je me pose la question de savoir où se situe le seuil de rentabilité de cet engin qui n’est jamais qu’un outil de travail. Quand je conçois une machine, ces éléments sont toujours au cœur de mes réflexions : je dois construire un matériel facile à prendre en mains sur lequel les interventions sont réduites au minimum et les plus aisées possible, ce qui nécessite que chaque organe soit facile d’accès et à démonter ».

L’abatteuse Charlier Engineering C20, élue machine forestière de l’année 2023.
L’abatteuse Charlier Engineering C20, élue machine forestière de l’année 2023.

Des blindés… aux engins forestiers

Cette éducation pleine de bon sens paysan, Alain l’allie à une robuste formation dispensée par l’École Royale Militaire dont il sort avec un diplôme d’ingénieur civil, après un cursus strict et rigoureux. Débute alors une carrière au sein de l’armée où il est affecté dans un service logistique. À 24 ans, il est promu Chef de Service, à la tête d’une équipe d’une centaine d’hommes.

Sa tâche principale consiste en la mise en place d’une chaîne de production dans le cadre d’un programme de révision et de modernisation de blindés, une sacrée expérience au cours de laquelle il acquiert des connaissances, de l’expérience de terrain et des compétences qui lui sont encore bien utiles aujourd’hui.

Concentré au travail, l’esprit d’Alain ne s’arrête pas lors de ses temps libres : il imagine régulièrement des solutions techniques à apporter à l’une ou l’autre machine.

Si, initialement, ces projets restent purement virtuels, les événements prennent une autre tournure quelques années plus tard : il quitte l’armée et lance son entreprise. Il produit alors sa propre tête d’abattage, un matériel permettant d’abattre un arbre, de l’ébrancher et de le débiter en différentes longueurs. La machine fonctionne. Il en produit d’autres, puis étoffe sa gamme avec de nouveaux modèles.

Alain se fixe un nouveau challenge : s’il peut produire une tête d’abattage, il peut construire une machine complète ! C’est ainsi que, en 2007, sort de ses ateliers l’abatteuse C25. Les premiers tours de roues en forêt sont concluants, le client est ravi, c’est un succès. D’autres exemplaires suivent avant qu’Alain ne décide de remplacer la C25 par un nouveau modèle, la C20, celle-là même qui vient de recevoir le prix de la Machine de l’Année.

Cette récompense propulse la société Charlier Engineering sous les feux de la rampe sur la scène européenne, en témoigne d’ailleurs cet appel téléphonique qui entrecoupe notre reportage émanant d’un professionnel suisse souhaitant une démonstration de l’engin.

Une machine petite et puissante !

Revenons avec Alain sur la genèse de cette abatteuse promise à un bel avenir. Pour concevoir une machine, sa recette répond à la logique des hommes de terrain : d’abord être à l’écoute des clients et des professionnels de la forêt pour en saisir les besoins et, ensuite, penser les solutions les plus simples techniquement pour y répondre, le tout en se démarquant de la concurrence.

À l’origine de cette machine figure un constat : tous les grands constructeurs de matériels forestiers se lancent dans une véritable course à l’équipement, en proposant des grosses, voire très grosses, machines, et en délaissant les plus petits modèles. Ces sociétés, souvent internationales, produisent au niveau mondial. Leurs engins de grand gabarit s’adressent aux chantiers de grandes étendues, que l’on rencontre peu sous nos latitudes.

La tête d’abattage  est aussi signée Charlier Engineering.
La tête d’abattage est aussi signée Charlier Engineering.

Dans nos régions, les parcelles exploitées sont bien moins vastes et les exploitants éprouvent bien des difficultés à trouver un matériel convenant à leurs impératifs pour ces espaces. Il existe encore des engins de petit gabarit sur le marché mais ils manquent alors de puissance. « Face à ce constat a germé en moi l’idée qu’il existait un marché de niche dans lequel je pourrais tirer mon épingle du jeu : il me fallait construire une petite machine puissante », dit Alain.

« J’ai continué à écouter mes contacts forestiers qui m’expliquaient régulièrement les contraintes qu’ils rencontraient et qui, au final, m’ont conforté dans mon idée. Parmi celles-ci, l’ébranchage des bois devient de plus en plus compliqué en raison d’attaques de scolytes ou des effets du réchauffement climatique. Les coupes sont plus hétérogènes que par le passé, avec des mélanges de bois de petits et grands diamètres, rendant la manipulation des plus gros bois complexe. Enfin, les déplacements du matériel d’une coupe à l’autre sont monnaie courante et rendus difficile avec les machines dont la largeur, la hauteur et la masse ne cessent d’augmenter. »

Le cahier des charges s’affine et apparaît alors comme une évidence : « il faut développer une machine petite et puissante, bien entendu, mais aussi pourvue d’une grue et d’une tête d’abattage tout aussi puissantes ». Alain passe d’innombrables heures à imaginer, réfléchir, calculer, dimensionner, simuler, tester…

Une transmission inédite, empêchant le patinage

L’abatteuse C20 remplit les exigences de son cahier des charges initial mais l’ingénieur va plus loin encore. Il la dote d’un système de mise à niveau automatique pour en corriger le centre de gravité. Ce dispositif, s’il concourt aussi au confort de l’opérateur, est techniquement nécessaire pour éviter des situations de déséquilibre sinon inévitables pour une machine de ce gabarit amenée à porter à bout de bras une telle tête d’abattage. Chaque roue dispose ainsi d’une grande latitude pour préserver en permanence l’horizontalité du châssis du véhicule.

Et ce n’est pas tout, l’ingénieur a imaginé une transmission novatrice et unique en son genre sur ce type d’engin : la vitesse de rotation de chaque roue est adaptée individuellement en fonction de la géométrie et de l’articulation de la machine de manière à ce qu’aucune d’elles ne patine. « Ce faisant, la transmission s’adapte à la configuration du terrain. Cette synchronisation adaptative des roues empêche le patinage pour une meilleure adhérence et la préservation essentielle des sols forestiers et prévient tout ripage des roues susceptible d’endommager les racines des arbres d’avenir. »

La conception de cette transmission a nécessité de revoir l’intégralité du système hydraulique de la machine pour en améliorer le rendement global et parvenir à cette gestion indépendante de la vitesse des roues. « Pour être honnête, cela fait une dizaine d’années que j’ai cette transmission dans un coin de ma tête. Mon fournisseur de composants hydrauliques, la société allemande Bosch Rexroth, n’avait jamais produit de telle transmission. En dix ans, nombreux sont ceux à m’avoir pris pour un doux rêveur, me disant que cela ne fonctionnerait jamais. J’ai continué à travailler sur ce projet. À force de calculs, de plans et de simulations, j’ai pu convaincre Bosch Rexroth de me fournir les composants nécessaires. Aujourd’hui, l’avis des utilisateurs est unanime : ils sont ravis », se félicite le chef d’entreprise.

Cette transmission est sans conteste l’un des atouts majeurs de la C20 qui se distingue aussi par ses quatre roues motrices, là où les productions des concurrents s’orientent plutôt vers des véhicules à six roues. Charlier Engineering a opté pour cette solution, qui a nécessité une étude poussée de la répartition des masses, précisément pour éviter le ripage et procurer plus de compacité.

Les clients soulignent les capacités de franchissement et l’adhérence supérieures de la C20, et cela sans aucune chaîne sur les roues. Cette absence de chaînes participe aussi à la préservation du sol et des racines et facilite les opérations de chargement et déchargement sur un porte-engins en bordure de route.

Enfin, dernier avantage, l’adaptation individuelle de la rotation des roues lui garantit une excellente maniabilité car elle s’inscrit parfaitement dans les virages et courbes adoptés.

L’électronique au service du conducteur…

La C20 dispose de la puissance des plus grosses machines sur le marché dans un gabarit compact grâce à son moteur Deutz Tier V de 7,8 l de cylindrée développant 350 ch, couplé à de nouvelles pompes hydrauliques Bosch Rexroth pilotées électroniquement.

L’électronique, voici un autre domaine où Alain excelle, lui qui imagine, crée et programme les fonctions électroniques de ses machines. Par exemple, l’abatteuse renferme un système de gestion électronique pour la sécuriser. Celui-ci surveille tous les éléments vitaux de la machine, de telle sorte qu’elle se contrôle toute seule.

Sur cette photo, le système de mise à niveau automatique  de la machine montre toute son efficacité.
Sur cette photo, le système de mise à niveau automatique de la machine montre toute son efficacité.

À cet égard aussi, Alain place le conducteur au centre de ses priorités. « Je veux qu’il puisse rester concentré sur son travail, et non sur la surveillance de la machine. C’est pourquoi je couple un signal sonore au signal visuel lorsque survient un problème. Bien souvent, l’ordinateur d’une machine affiche un code d’erreur quand un élément dysfonctionne. En pareil cas, l’opérateur ne comprend généralement pas ledit code et doit faire des recherches ou téléphoner pour demander assistance. » L’ingénieur ne trouve pas cela très efficace ; surtout lorsqu’il s’agit d’un petit problème. Il part également du principe que l’opérateur doit pouvoir se dépanner lui-même et rapidement dans la mesure du possible mais, pour ce faire, il doit d’abord comprendre ce qu’il se passe.

« C’est cela qui m’a poussé à « traduire » moi-même les codes d’erreur en phrases simples qui s’affichent sur le tableau de bord. Je cite souvent un exemple très parlant : l’abatteuse est pourvue d’une pédale d’avancement dont la première partie de la course permet de libérer le frein tandis que le reste de la course commande l’avancement. Un opérateur m’a une fois appelé en urgence pour me signaler que sa machine reculait toute seule dans un talus et qu’elle devait donc avoir un sérieux problème de freins. En réalité, il n’y avait aucun problème technique. Je lui ai juste dit d’éliminer la terre accumulée sous la pédale qui empêchait celle-ci de remonter complètement et donc d’engager le frein totalement. »

Depuis lors, Alain a ajouté un avertissement en cabine demandant de nettoyer la pédale lorsqu’elle ne revient pas à sa position initiale. « Le but que je recherche est que la machine parle à l’homme, de manière à ce que ce dernier comprenne immédiatement la situation et que cela engendre le moins de pertes de temps possible. Si une machine se met en sécurité, elle doit informer l’opérateur de la raison, dans sa langue et de manière compréhensible ».

Alain pousse cette réflexion jusqu’au manuel d’utilisation de la machine qui doit, lui aussi être le plus pratique possible pour l’utilisateur.

Il nous présente ainsi le schéma électrique de la machine qui y figure : « Vous voyez ce schéma ? C’est un schéma électrique normalisé, comme il en existe pour tous les matériels. Un professionnel le comprend d’emblée mais pensez-vous que ce soit le cas d’un conducteur d’engins ? Souvent, il n’y comprend rien. À la page suivante du manuel, j’ai converti ce schéma à l’attention de personnes moins initiées dans le domaine électrique, à l’aide de photos des différents organes électriques et de liens entre eux. Ceci devient alors facilement lisible et compréhensible pour quiconque ».

… et de la protection de la machine

La sécurisation de la machine passe aussi par l’informatisation des manœuvres non autorisées en fonction des conditions d’utilisation du moment et qui pourraient nuire tant à la machine qu’à la sécurité de son chauffeur.

Des éléments de sécurisation que d’aucuns jugeraient plus secondaires sont aussi embarqués sur la C20 comme la désactivation de l’alimentation électrique du moteur de l’essuie-glace quand ce dernier est coincé par une branche. Cela peut paraître anecdotique mais cela évite de voir ce moteur forcer et griller, ce qui occasionne immanquablement un temps d’arrêt pour le remplacer ensuite.

La gestion électronique est omniprésente sur l’abatteuse et fait partie de ses points forts. La fiabilité de l’électronique est parfois mise en doute par ses détracteurs. Un argument qu’Alain balaie d’un revers de la main : « L’électronique embarquée est fiable. J’en veux pour preuve mes cinq premières C25, sorties entre 2007 et 2012. Elles sont toujours en activité aujourd’hui et comptabilisent chacune plus de 15.000 heures, soit un total dépassant 75.000 heures de service. Aucune d’elles n’a connu la moindre panne majeure au niveau électrique ou électronique ».

D’autant plus qu’en bon gestionnaire, il prévoit une marge de sécurité au cas où une défaillance électronique surviendrait. À titre d’exemple, la machine est dotée d’un système de sécurité relatif au niveau d’huile d’hydraulique. Si celle-ci vient à manquer, un signal retentit en cabine. S’il n’y a aucune réaction de l’opérateur, la machine réduit ensuite d’elle-même sa puissance hydraulique. Enfin, s’il n’y a toujours aucune réaction, le moteur finit par s’arrêter avant de mettre les pompes hydrauliques en danger.

Dans un souci de maîtrise du processus, la société fabrique elle-même les vérins afin  de les dimensionner correctement pour obtenir les forces, longueurs et vitesses souhaitées.
Dans un souci de maîtrise du processus, la société fabrique elle-même les vérins afin de les dimensionner correctement pour obtenir les forces, longueurs et vitesses souhaitées.

« Imaginons à présent que le niveau d’huile est en fait resté correct mais que c’est le capteur lui-même qui dysfonctionne. Habituellement, en pareil cas, la machine est bloquée. L’opérateur a beau constater visuellement que le niveau d’huile est bon, sa machine ne redémarre pas car le signal envoyé par le capteur est erroné. La situation reste alors figée jusqu’au remplacement du capteur défectueux. Pour éviter cela, j’ai prévu de pouvoir débloquer les capteurs à distance. Il suffit à l’opérateur de me téléphoner et je peux lui donner un code d’accès évolutif qui permettra de neutraliser la sécurité et de remettre en route la machine. L’exploitant pourra donc rentrer chez lui avec sa machine ou terminer son chantier sous sa propre surveillance et responsabilité. J’avais déjà testé cette solution sur les ébrancheuses à la grande satisfaction des clients et l’ai adaptée sur les abatteuses. Comme je construis moi-même les programmes de gestion électronique, tout est possible ».

Une grue réfléchie jusque dans les moindres détails

La grue de l’abatteuse est, elle aussi, le fruit d’un développement interne. « Sur mes premiers engins, je commandais des grues à des constructeurs externes mais elles ne me convenaient généralement pas totalement. Je leur trouvais toujours l’un ou l’autre point faible. Il m’est arrivé de demander à ces fournisseurs de faire des adaptations mais soit ils refusaient, soit ce n’était pas concluant. De ce fait, je les modifiais moi-même. »

À force, l’ingénieur s’est dit qu’il devrait créer ses propres grues. « J’ai beaucoup analysé la question. Il s’agit d’un type de grues appelées « grues parallèles ». Celles-ci ont un défaut : elles ne lèvent pas très haut. J’ai étudié la géométrie de ma grue pour corriger cette imperfection. J’ai envisagé diverses bielles, différentes longueurs d’éléments et de pistons. La grue a été paramétrée pour décrire les trajectoires et vitesses d’exécution les plus adaptées. Cela requiert beaucoup de calculs et simulations. J’ai dû modifier les vitesses et temps de réaction des différents éléments pour obtenir les mouvements et vitesses de travail souhaités. Pour un même débit d’huile, on obtient des vitesses d’exécution différentes selon les dimensions respectives des éléments. »

« J’ai également fourni à cette grue davantage de puissance. Sa giration est commandée par une couronne, et non des vérins, pour pouvoir prendre place entre les roues avant sans que celles-ci ne soient entravées dans leurs débattements commandés par le système de mise à niveau. La plupart des concurrents font passer les flexibles hydrauliques par l’avant de la grue. C’est incompréhensible pour moi car le risque de les accrocher est permanent. Je les ai donc fait passer par l’arrière, si bien que l’avant de la grue comme l’avant de la machine sont complètement fermés, ce qui permet de pénétrer dans des taillis sans risque ».

L’avant de l’abatteuse et l’avant de la grue sont intégralement fermés, écartant tout risque  de dommages ou d’arrachage de flexibles hydrauliques en entrant dans les fourrés.
L’avant de l’abatteuse et l’avant de la grue sont intégralement fermés, écartant tout risque de dommages ou d’arrachage de flexibles hydrauliques en entrant dans les fourrés.

Concepteur, mais aussi monteur et dépanneur

Comme on le lit à travers ces lignes, Charlier Engineering a une approche de la construction de machines différente et plutôt rare. « L’entreprise a l’avantage d’une petite structure : nous sommes très réactifs et gardons la maîtrise sur l’ensemble de notre processus de développement et de fabrication. J’ai la chance de pouvoir compter sur une petite équipe dynamique, solidaire et très professionnelle. À toutes les étapes, je recherche en permanence la simplicité pour l’utilisateur. J’ai d’ailleurs toujours gardé en mémoire la maxime d’un officier supérieur quand j’étais à l’armée : « Une boîte de munitions doit être facile à ouvrir. Sinon, au combat, on est mort avant de l’avoir ouverte ». J’essaie d’appliquer ces préceptes à mes machines. »

À cet égard, Alain participe aussi au montage des machines et les dépanne lui-même sur le terrain. « Je ne suis pas certain qu’il y ait beaucoup de matériels sur le marché professionnel qui soient montés et dépannés par l’ingénieur qui les a conçus. Pourtant, il n’y a pas meilleure école pour se rendre compte de la pertinence de tel ou tel montage. »

Il lui est arrivé, alors qu’il pensait avoir réalisé un montage facile, de devoir passer deux heures les genoux dans la neige pour extraire une pièce en dépannage ou finir les doigts en sang après avoir dégagé à mains nues un organe tournant autour duquel étaient parvenues à s’enrouler des ronces. « De retour au bureau, mon premier réflexe a été de revoir mes plans pour éviter pareilles mésaventures sur les exemplaires suivants. »

Pour uniformiser la production, des gabarits de soudage sont employés,  comme ici pour la fabrication du cadre d’une portière.
Pour uniformiser la production, des gabarits de soudage sont employés, comme ici pour la fabrication du cadre d’une portière.

« Attention cependant, il est souvent simple de faire compliqué et compliqué de faire simple. Mes têtes d’abattage illustrent parfaitement ce propos : à première vue, elles semblent d’une construction plus simple que d’autres modèles du marché. Mais cette simplicité m’a coûté beaucoup de complications lors de leur développement car, pour parvenir à cette simplicité de construction, il faut que chaque organe soit positionné de manière idéale et fonctionne de façon optimale. J’ai passé énormément d’heures à calculer selon les dernières théories de géométrie analytique les angles et placements précis d’un rouleau sur cet équipement par exemple. »

Une aventure professionnelle et familiale

Avant de le quitter, nous félicitons Alain pour son parcours et les distinctions qu’il a reçues. Il nous confie alors se retourner de temps à autre sur l’une de ses machines en fonctionnement dans les bois : « Lorsque je vois une de mes productions travailler, j’éprouve bien entendu un grand sentiment de satisfaction d’être parvenu à fabriquer pareil engin. C’est un peu l’aboutissement d’un rêve ».

Bientôt, sa fille Constance, détentrice d’un diplôme d’ingénieur civil mais aussi d’un diplôme de management, ainsi que son fils Alexis, qui termine des études d’ingénieur civil également, devraient rejoindre Alain dans l’entreprise. Et ce n’est pas sans émotion ni fierté que ce papa en parle. Visiblement, des tas de projets fourmillent déjà dans leurs têtes et nous leur souhaitons le même succès. Une aventure professionnelle en famille, le voilà certainement le nouveau rêve d’Alain…

N.H.

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