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Conseil des ministres européens de l’Agriculture : «la Belgique est en phase avec les priorités de la présidence espagnole»

Les présidences à la tête du conseil de l’UE tournent, mais la question de la situation sur les marchés agricoles reste en haut de l’agenda. Comme lors de la réunion des ministres européens de l’agriculture du 25 juillet durant laquelle ont été aussi abordées les conclusions de l’étude d’impact complémentaire sur la proposition de règlement pesticides ainsi que le débat sur les NBT. Et rien n’apparaît vraiment simple…

Temps de lecture : 7 min

Elle revient inexorablement au menu des ministres. Elle, c’est la question de l’accumulation des céréales ukrainiennes dans les cinq pays de l’Est de l’Europe riverains de l’Ukraine (Pologne, Bulgarie, Roumanie, Slovaquie, Hongrie) qui avaient appelé, le 19 juillet dernier dans une déclaration commune, à prolonger au-delà du 15 septembre les restrictions qu’ils imposent aux importations de céréales ukrainiennes.

Et ce, pour protéger leurs agriculteurs et marchés locaux déstabilisés par l’afflux massif de produits agricoles ukrainiens qui ont un temps saturé leurs silos.

Pression sur les agriculteurs et les marchés

Si le commissaire Wojciechowski n’a pas fermé la porte à une prolongation des restrictions, selon les volumes des récoltes de cette année et l’état des marchés en septembre, plusieurs ministres ont jugé inacceptable que certains États membres passent outre les traités en vigueur.

Ils ont réclamé une stratégie globale sur le moyen terme à la commission plutôt que des mesures d’urgence prises tous les deux mois.

Une discussion qui revient au moment la Russie a signifié la suspension de l’accord sur les exportations en Mer noire qui a permis d’envoyer 33 millions de tonnes de produits agricoles (principalement du blé et du maïs) d’Ukraine vers 45 pays et sur trois continents, depuis un an.

Cet accord, ô combien important, avait été négocié dans la douleur avec le parrainage de l’Onu et de la Turquie en juillet 2022. Il avait eu l’avantage de détendre les prix et d’atténuer la crise alimentaire mondiale.

Renforcement des voies de solidarité

Pour la présidence espagnole, la seule solution semble le renforcement des corridors de solidarité terrestres et fluviaux, à travers la Pologne et la Roumanie, par lesquels 41 millions de tonnes de céréales ukrainiennes ont pu être acheminées. Désormais, c’est la seule voie d’exportation pour l’Ukraine.

Selon le commissaire Janusz Wojciechowski, il serait possible d’exporter, via ces voies de solidarité, jusqu’à 4 millions de tonnes de céréales ukrainiennes par mois.

« Nous sommes prêts à exporter par ces corridors la quasi-totalité des besoins ukrainiens », a même assuré le commissaire devant la presse.

Pour faciliter le fret, un projet d’harmonisation de l’écartement des rails entre l’UE et l’Ukraine est en cours. Mais dans l’immédiat, pour éviter la saturation des corridors existants, la Lituanie propose de recourir aux ports des États baltes, d’une capacité annuelle combinée de 25 millions de tonnes pour les grains.

Cette orientation devra aussi s’appuyer sur des procédures douanières et administratives plus efficaces, qui peuvent se faire à l’arrivée dans les ports européens, et pas uniquement à la frontière ukrainienne où elles sont plus lentes et moins fluides.

Présentation de l’étude sur le règlement « SUR »

Sujet sensible s’il en est, la proposition de règlement sur l’utilisation durable des pesticides (Sustainable Use of pesticides, plus connu sous l’acronyme « Sur ») a de nouveau été au cœur des discussions à l’occasion de la présentation de l’étude complémentaire de la commission.

Dans cette étude réalisée à la demande des États membres, l’Exécutif estime que les objectifs de réduction des pesticides ne menacent pas la sécurité alimentaire de l’UE.

la proposition de règlement sur l’utilisation durable des pesticides (Sustainable Use of pesticides, plus connu sous l’acronyme «Sur») a été au cœur des discussions à l’occasion de la présentation de l’étude complémentaire de la commission ... qui a convaincu peu de ministres.
la proposition de règlement sur l’utilisation durable des pesticides (Sustainable Use of pesticides, plus connu sous l’acronyme «Sur») a été au cœur des discussions à l’occasion de la présentation de l’étude complémentaire de la commission ... qui a convaincu peu de ministres. - UE.

Mais nombre de ministres ne sont pas convaincus, loin s’en faut, au premier rang desquels David Clarinval qui regrette que l’étude « ne tienne pas compte des conséquences sur le revenu des agriculteurs mais aussi sur la souveraineté alimentaire européenne ».

« Les quelques chiffres qui se dégagent de ce rapport nous indiquent par exemple que nous allons perdre 40 % de productivité pour les céréales, c’est très impactant pour le secteur agricole » nous a précisé le ministre fédéral à l’issue de la réunion.

Et d’ajouter que « l’objectif de réduction de 50 % des pesticides n’est pas très crédible et ne tient pas compte des efforts déjà accomplis dans le passé par plusieurs pays ».

Plusieurs ministres ont demandé des flexibilités. Certains estiment aussi que l’échéance de 2030 devrait être repoussée.

La Belgique ni satisfaite, ni convaincue

Quant aux compromis proposés par la commission sur les restrictions d’utilisation qu’elle souhaite imposer dans les zones sensibles, ils n’ont pas du tout convaincu la Belgique car « la superposition de ces zones risquerait d’interdire l’utilisation des pesticides dans de nombreux endroits de notre pays » a déploré M. Clarinval pour qui l’analyse qui a été proposée « n’est absolument pas satisfaisante ».

La présidence espagnole, par la voix de son ministre de l’Agriculture Luis Planas, a assuré assure qu’elle ferait son maximum pour faire progresser les débats. Elle a néanmoins prévenu qu’il sera peut-être difficile de finaliser une position commune d’ici la fin de l’année en raison de la frilosité de nombreux États membres.

Une posture qui satisfait notre ministre fédéral qui se sent « en phase » avec la direction prise par son collègue Luis Planas « qui ne passera pas en force ».

« La commission va dans le bon sens au niveau des NBT »

David Clarinval se félicite aussi de la volonté de son collègue espagnol de mener le débat sur les NBT, « une priorité que nous partageons ».

À ce propos, les ministres ont reçu le projet de texte de la commission que la Belgique entend soutenir « même s’il nous faut encore arrêter une position au niveau belge ».

« Pour moi, cela va dans le bon sens car on voit clairement que la commission reconnaît les NBT comme source d’opportunités en termes de durabilité pour les agriculteurs qui pourront produire en utilisant moins d’eau, de pesticides, développer des cultures plus résistantes aux ravageurs » s’est félicité M. Clarinval.

Et le ministre fédéral d’ajouter que « les NBT sont très importants au niveau de la compétitivité de l’agriculture européenne par rapport à d’autres continents où ils sont déjà utilisés. Il ne faut donc pas que l’Europe soit à la traîne dans ce domaine »

Le texte vise à faciliter la culture des plantes issues de ces techniques et prévoit de les classer en deux catégories : la première pour celles équivalentes à ce qui pourrait être trouvé dans la nature ou produit par sélection conventionnelle étant exemptée des obligations de la directive OGM, la seconde pourrait bénéficier d’une procédure d’évaluation allégée au cas par cas.

Cette distinction en deux catégories a été soutenue par beaucoup de délégations.

Six États membres (Lituanie, Slovénie, Autriche, Hongrie, Pologne, Croatie) ont néanmoins fait part de leurs inquiétudes quant à cette proposition. Ils demandent notamment de pouvoir interdire, s’ils le décident, la culture de variétés NBT sur leur territoire.

Vers une position commune d’ici la fin de l’année

De nombreux autres points animeront les discussions des prochains conseils : la condition de coexistence avec le secteur bio, l’exclusion des variétés résistantes aux herbicides (demandée par la France notamment), l’étiquetage, sachant que certains plaident pour qu’il ne soit pas limité aux seules semences, les conditions d’évaluation des variétés ou encore le financement des laboratoires chargés des contrôles.

L’Espagne a déjà entamé les discussions à la fin du mois de juillet en vue de parvenir à arracher un accord politique sur cette proposition avant la fin de l’année. Une nouvelle discussion au niveau ministériel entre les Vingt-sept est prévue lors de leur réunion informelle des 4 et 5 septembre, à Cordoue (Espagne).

Fin des dérogations au niveau de la conditionnalité des aides ?

Plusieurs pays ont appelé la commission à accepter de reconduire en 2024 les dérogations accordées cette année en matière de conditionnalité des aides de la Pac.

C’est le cas des pays de l’est de l’Europe, de même que l’Italie et les pays baltes qui ont réclamé la poursuite l’année prochaine des exemptions accordées en 2023 en matière de respect des règles s’agissant des BCAE 7 (rotation des cultures) et 8 (part minimale de terres arables consacrée à des surfaces et des éléments non productifs).

La Bulgarie a réclamé de suspendre aussi la BCAE 6 (couverture des sols minimale en vue d’éviter les sols nus dans les périodes les plus sensibles).

Le commissaire Wojciechowski s’est pour sa part montré réservé sur la poursuite de ces dérogations, au motif qu’il fallait préserver la crédibilité de la Pac et assurer la transition vers une agriculture plus durable.

« Avant de prendre une décision, j’ai besoin d’un complément d’informations sur les effets de la sécheresse sur les récoltes » a-t-il toutefois précisé à la presse avant de souligner, à juste titre, qu’une telle reconduction était synonyme de procédure législative complète nécessitant l’accord du conseil et du parlement…

Marie-France Vienne

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