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Quand peut-on envoyer un congé et quels sont les délais de préavis à respecter?

Le congé est la manifestation écrite d’une partie au contrat de mettre fin au bail selon un des motifs de congé prévu par la loi. La loi sur le bail à ferme encadre de façon rigoureuse l’envoi d’un congé. Elle prévoit ainsi de façon limitée les motifs (c’est-à-dire les raisons) pour lesquels un congé peut être envoyé, les moments auxquels un congé peut être envoyé, la façon dont un congé doit être rédigé, le délai de préavis… Bref, on n’envoie pas un congé par Snapchat, Facebook ou Instagram…

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De façon bien précise, la loi contient que, selon le motif du congé, celui-ci peut être envoyé à tel ou tel moment moyennant tel ou tel délai de préavis. Ces quelques lignes, non exhautisves, ont pour objectif espéré d’apporter la clarté nécessaire et ainsi de se retrouver dans les méandres de la loi. Elles seront cependant limitées aux hypothèses d’envoi d’un congé par le bailleur, les cas d’envoi d’un congé par un preneur étant possibles mais de loin moins fréquents.

Au niveau des dispositions légales, les motifs de congé seront trouvés aux articles 6, 7, 8 et 55 de la loi sur le bail à ferme. Les délais de préavis, eux, se cachent à l’article 11 de la même loi. En substance, les articles 6, 7, 8 et 55 indiquent à quel moment de la vie du bail le congé dont ils renseignent le motif peut être envoyé, et l’article 11, lui, indique, selon le motif de congé concerné, la durée du préavis, soit le laps de temps entre la notification du congé et le jour où l’émetteur du congé peut espérer récupérer la libre disposition du terrain concerné.

Congés à préavis réduit

Les congés dont les motifs sont renseignés à l’article 6 sont ceux qui peuvent être envoyés à tout moment et dont le délai de préavis, renseigné à l’article 11.1 de la loi, est de 3 mois minimum (éventuellement prorogeable jusqu’à reprise de la récolte croissante). Il s’agit des congés qui concernent :

– les terrains à bâtir ou à destination industrielle ;

– les terrains appartenant aux autorités publiques suite à une expropriation ;

– les terrains pouvant être affectés à des fins d’intérêt général ;

– l’usage familial (reprise de 20 ares contigus à la maison d’habitation du bailleur).

La loi est donc souple, ce type de congé pouvant être notifié à tout moment de la vie du bail moyennant un délai de préavis de 3 mois minimum (ou enlèvement de la récolte croissante), évidemment dans l’hypothèse où les conditions légales d’envoi sont rencontrées.

Exemple : je suis propriétaire d’un terrain à bâtir à rue ne nécessitant pas de travaux de voiries. Ce terrain est loué à un preneur depuis 2 ans. J’ai reçu mon permis d’urbanisme. Je peux envoyer au preneur un congé dès après l’obtention du permis d’urbanisme, sans devoir attendre la fin de la période en cours, moyennant un délai de préavis de 3 mois minimum éventuellement prorogeable jusqu’à reprise de la récolte croissante.

Exploitation personnelle

Les congés visés à l’article 7 (sauf 7 alinéas 9 et 10) sont ceux qui sont envoyés pour l’échéance de la période en cours, moyennant un délai de préavis de 2 ans au moins et de 4 ans au plus (article 11.2 de la loi). L’article 7 reprend toute une série de motifs de congé (congé pour motif d’injures ou actes d’hostilité, congé pour dépréciation du bien loué…) dont le plus fréquent est le motif d’exploitation personnelle : un bailleur entend récupérer la libre disposition de son bien pour l’exploiter lui-même ou en confier l’exploitation à un membre de sa famille légalement éligible (fils, fille, beau-fils, belle-fille…).

Exemple : je suis fermier et propriétaire de 5 ha loués à un preneur selon bail d’une première période de 9 ans ayant pris cours en janvier 2020. Je puis envoyer un congé pour motif d’exploitation personnelle au preneur entre janvier 2025 et janvier 2027 pour espérer récupérer la parcelle en janvier 2029. Je respecterai ainsi le délai de préavis de deux ans au moins et de quatre ans au plus pour exploiter ma parcelle à l’échéance de la période au cours de laquelle le congé est envoyé.

En matière d’exploitation personnelle, pour ce qui concerne les deux premières périodes d’occupation, le bailleur ne peut envoyer le congé que pour l’échéance de ces deux premières périodes. Pour revenir à l’exemple ci-avant, si le bailleur n’envoie pas le congé pour l’échéance 2029, le bail est donc automatiquement prolongé pour une seconde période d’occupation prenant cours en 2029 et se terminant en 2038. À défaut d’avoir envoyé le congé pour l’échéance 2029, le bailleur pourra en envoyer un pour l’échéance 2038, deux ans au moins et quatre ans au plus avant ladite échéance, soit entre 2034 et 2036.

Les choses s’assouplissent cependant lorsque se profile la troisième période d’occupation puisque l’article 8 §1er de la loi prévoit qu’à partir de la troisième période d’occupation, un congé pour motif d’exploitation personnelle (en ce compris au profit d’un parent au 4ème  degré, par exemple un neveu – extension de la liste des bénéficiaires du congé par rapport à l’article 7) peut être envoyé à tout moment moyennant un délai de préavis de 3 ans au moins et 4 ans au plus (article 11.3).

Retour à l’exemple : le bailleur n’a pas envoyé le congé pour l’échéance 2038. En cours de 3ème période, par exemple en 2040, ce bailleur pourra envoyer un congé au preneur lorsqu’il le souhaite, moyennant un délai de préavis de 3 ans au moins et de 4 ans plus, donc par exemple pour l’échéance 2043.

Toujours en matière d’exploitation personnelle, il doit être précisé que :

– En matière de bail de longue durée (soit un bail d’une première période d’occupation de 27 ans au moins tel que prévu à l’article 8§2 de la loi sur le bail à ferme) : le délai de préavis visé à l’article 11.3, soit 3 ans au moins et de 4 ans plus, est celui qui doit être respecté lorsque le bailleur veut mettre fin à ce type de bail.

– En matière de congé pour exploitation personnelle adressé au preneur ayant atteint l’âge légal de la pension qui ne peut indiquer de repreneur au sens de l’article 34 de la loi (fils, fille…) et qui bénéficie d’une pension de retraite (voire conditions d’application à l’article 8bis de la loi), le délai de préavis est d’un an au moins et de quatre ans au plus, conformément à l’article 11.4 de la loi.

– En matière de congé pour exploitation personnelle relatif à des biens loués selon bail n’ayant pas date certaine, en cas d’aliénation (vente, par exemple), l’article 55 al.2 de la loi prévoit que l’acquéreur peut envoyer le congé dans les 3 mois de l’acte notarié d’aliénation moyennant un délai de préavis de 6 mois prenant cours à dater de l’envoi du congé (ce qui est très court) (attention : la Cour Constitutionnelle a été saisie en juin 2023 de deux questions préjudicielles quant à la légalité de l’article 55 al.2 de la loi).

– En cas d’échange de propriété, l’article 11bis de la loi prévoit l’impossibilité pour celui qui est devenu propriétaire par suite de l’échange de notifier congé pour exploitation personnelle pendant la période en cours au moment de la passation de l’acte notarié d’échange : il faut attendre la période suivante et tout congé doit respecter un délai de préavis de 6 ans au moins.

Quelques délais particuliers

En matière de bail de carrière (article 8 §3 de la loi) : le délai de préavis à respecter pour que le bailleur reprenne possession de son bien au cas où le preneur est laissé en place à l’issue du bail de carrière (et bénéficie donc d’une reconduction annuelle) est de 6 mois (ou enlèvement de la récolte croissante), conformément à l’article 11.5 de la loi.

En cas de bail de courte durée (article 8 §4 de la loi) : le bailleur doit notifier congé 6 mois au moins avant la fin de la durée convenue (11/3.1) (délai important à respecter car le preneur bénéficie d’un bail de 9 ans s’il est laissé en place ou si le délai de préavis n’est pas respecté).

En matière de bail de fin de carrière (article 8 §5 de la loi) : le délai de préavis à respecter pour que le bailleur reprenne possession de son bien au cas où le preneur est laissé en place à l’issue du bail de fin de carrière (et bénéficie donc d’une reconduction annuelle) est de 6 mois (ou enlèvement de la récolte croissante), conformément à l’article 11.5 de la loi.

En matière de congé pour vente libre d’occupation par le bailleur du bien loué pour 2 ha maximum ou 10 % de la superficie louée : il s’agit d’une nouveauté suite à la réforme de 2020, prévue à l’article 6§4 et dont le délai de préavis est de 6 mois au moins avant la vente, conformément à l’article 11.1/1.

Lorsque le bail arrive à sa fin de vie par l’écoulement des quatre périodes d’occupation (référence à la fin des baux éternellement renouvelés – article 4 nouveau de la loi), le délai de préavis minimum qu’il peut être conseillé de respecter pour que le bailleur reprenne possession de son bien est de 6 mois avant la fin du bail (ou enlèvement de la récolte croissante). Au cas où le preneur est laissé en place à l’issue du bail (et bénéficie donc d’une reconduction annuelle), le même délai de préavis de 6 mois doit être respecté (ou enlèvement de la récolte croissante), conformément à l’article 11.5 de la loi.

Henry Van Malleghem

avocat au Barreau de Tournai

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