Accueil Cultures

Prometteuse, la silphie se distingue par ses multiples finalités

On la reconnaît à ses fleurs jaunes pouvant culminer jusqu’à 3,50 m de hauteur et à son feuillage vert vif… On vante ses atouts et sa double finalité… La silphie fait parler d’elle et gagne peu à peu du terrain dans les campagnes. Il faut dire que l’espèce peut satisfaire divers besoins, sans requérir de grands travaux une fois le semis effectué.

Temps de lecture : 7 min

Fin août, Silphie Belgique, en la personne de Nicolas Havelange, et Silphie France organisaient une grande journée dédiée à cette culture qui prend de l’ampleur en Allemagne, en France mais aussi en Belgique. Si les démonstrations d’ensilage ont constitué le point d’orgue de la journée, Amédée Perrein, à la tête de l’entité française, en a également profité pour livrer de nombreuses informations sur cette plante à haut potentiel.

Pour 15 ans, minimum

Encore peu rencontrée dans nos régions, la silphie Abica Perfo (Silphium perfoliatum) est une astéracée originaire d’Amérique du Nord. « Elle a d’abord été importée par la Russie dans les années 1860, à des fins ornementales. En 1950, les Allemands ont commencé à s’y intéresser, en raison de son fort potentiel méthanogène », détaille le gérant de Silphie France. Lui-même a découvert l’espèce chez ses voisins d’outre-Rhin et a débuté la commercialisation des semences auprès des agriculteurs français voici 6 ans. Avec un certain succès, car on retrouve actuellement 7.000 ha de silphie dans l’Hexagone.

En Belgique, c’est Nicolas Havelange qui assure l’importation et la commercialisation des semences, en collaboration avec la structure française. Le jeune homme a été séduit par cette culture et ses atouts lors d’un voyage en France, suivi d’une rencontre avec M. Perrein.

Pour Amédée Perrein (à gauche) et Nicolas Havelange, la silphie présente  un grand potentiel de développement en Belgique de par ses divers atouts.
Pour Amédée Perrein (à gauche) et Nicolas Havelange, la silphie présente un grand potentiel de développement en Belgique de par ses divers atouts. - J.V.

Au rang des atouts, justement, cette vivace demeure en place minimum 15 ans après son implantation, et se récolte donc durant autant d’années. Son système racinaire peut atteindre 2 m de profondeur, ce qui lui confère une bonne résistance à la sécheresse. Résistance encore accrue par l’ombre que se font les plantes entre elles. Elle constitue également un atout biodiversité non négligeable (lire encadré).

Par ailleurs, elle répond à des problématiques spécifiques. Elle peut jouer le rôle de barrière naturelle entre les habitations et les parcelles agricoles. Elle constitue une culture de choix pour les fonds humides car elle résiste à une immersion prolongée (2 à 3 mois). Elle peut être semée sur les parcelles les plus éloignées de la ferme car elle ne requiert pas une surveillance considérable. Enfin, elle constitue un couvre-sol et réduit les risques d’érosion des parcelles agricoles.

Sur tout type de sol, ou presque

Sur le plan technique, la silphie s’implante au printemps, sur des terres nivelées, à l’aide d’un semoir monograine équipé de disques spécifiques. On favorisera un semis relativement serré, avec un inter-rang de 37,5 à 75 cm, pour une profondeur variant entre 0,5 et 2 cm. « En cas de semis trop profond, la graine se remet en dormance pour une voire plusieurs années. L’opération doit donc être effectuée dans les règles de l’art ! Il ne faut pas hésiter à faire appel à un entrepreneur de travaux agricoles, si nécessaire. »

Quant au type de sol, les exclusions sont rares. Seules les parcelles très acides (ph inférieur à 5) et les terres superficielles doivent être évitées.

Et la fertilisation ? « Au cours de l’année d’implantation, une dose de départ d’environ 130 kg N est suffisante. Ensuite, en fonction du rendement attendu, la fertilisation variera entre 100 et 160 kg N/ha pour une récolte allant de 12 à 18 t MS/ha. » Un apport au printemps et un fractionnement en deux passages à 3 à 4 semaines d’intervalle sont préférables.

Notons encore que la silphie assimile très bien les digestats. Les apports sous forme de fumier et lisier sont également envisageables. « Si l’on opte pour le lisier, on favorisera une rampe à pendillards ou un enfouisseur à disques. Certes, ce dernier peut abîmer la culture mais le stress la pousse à développer davantage de tiges. »

Idéalement, une analyse de sol sera réalisée tous les quatre à cinq ans en vue de ne pas appauvrir le sol.

La floraison de la silphie s’étend de mi-juillet à fin septembre.  D’un jaune vif, les fleurs attirent de nombreux pollinisateurs.
La floraison de la silphie s’étend de mi-juillet à fin septembre. D’un jaune vif, les fleurs attirent de nombreux pollinisateurs. - J.V.

Enfin, l’espèce est volontaire et ne craint pas les adventices. Après la levée, le désherbage ne peut être que mécanique. « Herse étrille et houe rotative vont quelque peu stresser la culture. Mais, une fois encore, cela boostera son développement. » Un broyage peut être envisagé à l’automne. Il réduit la pression des adventices et entraîne un développement foliaire accru au printemps suivant.

Pour l’alimentation des troupeaux…

Et la récolte alors ? Si la silphie n’est pas productive l’année de son implantation, elle peut être récoltée dès la saison suivante selon un schéma qui dépendra de la finalité qui lui est réservée. Elle peut, en effet, être destinée à la biométhanisation ou à l’alimentation du bétail. Il est donc tout à fait possible de se tourner vers cette espèce que l’on soit cultivateur ou éleveur.

Pour une utilisation dans la ration des bovins, on vise une récolte en plusieurs coupes. La première est à planifier fin avril – début mai, lorsque les plantes atteignent 80 cm à 1 m. Suivront deux à trois autres coupes, lorsque la culture aura à nouveau atteint la hauteur précitée. Amédée Perrein précise : « De préférence, on se tournera vers une faucheuse conditionneuse et on laissera la récolte reposer durant trois à quatre jours. Les faneuses et aindaineurs sont à proscrire : la silphie flétrit rapidement après la coupe et pourrait perdre ses feuilles si elle est manipulée avec ces outils. Or, ce sont bien les feuilles qui sont riches en protéines ! ».

Après ce repos, la silphie peut être pressée et enrubannée ou stockée en silo. Dans ce cas, la récolte s’effectue avec une ensileuse équipée d’un pick-up à herbe.

« Dans la ration, elle peut remplacer la luzerne ou compléter une base de maïs. Elle est riche en protéine (entre 14 et 17 %, et jusqu’à 21 % dans les meilleurs cas) et est très appétente. On veillera à bien l’intégrer dans une ration globale, sans dépasser le seuil 50 %, car étant très digeste, elle pourrait provoquer des cas d’acidose dans le troupeau. »

… ou la biométhanisation

Si la biométhanisation constitue la finalité choisie, on effectuera une seule coupe, fin août – début septembre, lorsque la teneur en matière sèche de la culture avoisine 27 à 28 %. En ne considérant que son rendement à l’hectare, et selon les conditions de culture, la silphie peut présenter un pouvoir méthanogène équivalent à celui du maïs.

Est-il possible de combiner les deux finalités ? Oui, si l’on en croit le gérant de Silphie France. « Après la première fauche, on laisse la culture poursuivre son cycle. Elle fleurira début août plutôt que début juillet mais pourra parfaitement être récoltée et envoyée vers des unités de biométhanisation. »

La culture supporte très bien le passage des engins. « Le piétinement de l’ensileuse ? Aucun problème ! Ce petit stress la fera redémarrer de plus belle au printemps suivant. » En outre, à chaque coupe, le nombre de tige se développant depuis un même pied augmente. Tout bénéfice pour les récoltes suivantes et ce, d’autant que l’on peut évoluer de 5 à 80 tiges par pied en 7 à 8 ans selon M. Perrein.

Aucun inconvénient ?

Si le tableau dépeint peut laisser rêveur, précisons encore que cette nouvelle culture présente un inconvénient majeur : son coût. Pour une densité de semis de 2,5 à 3 kg/ha, le coût d’achat, engrais starter inclus, varie de 1.500 à 1.800 €/ha. Cela s’explique, entre autres, par le fait que seule une société allemande est, à l’heure actuelle, en mesure de lever la dormance des semences et ce, selon un procédé tenu secret.

« Il faut voir cela comme un investissement à long terme. La culture reste en place durant de nombreuses années et ne requiert aucun intrant, à l’exception de l’engrais », conclut Amédée Perrein qui, tout comme Nicolas Havelange, croit au développement de la silphie en Belgique.

J. Vandegoor

A lire aussi en Cultures

Colza d’hiver: floraison et fraîcheur!

Oléagineux Comme annoncé, la semaine écoulée a connu l’arrivée d’air polaire entraînant des températures plus fraîches que la normale, des giboulées, de fréquentes averses et du vent parfois violent. Avec les deux nuits de gel nocturne de ce début de semaine, l’heure n’est pas encore au printemps.
Voir plus d'articles