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Règlement européen sur l’utilisation durable des pesticides (SUR) :«Nous ne voulons pas effrayer les agriculteurs»…

Le parlement européen a validé, la semaine dernière, un rapport portant sur le règlement relatif à l’usage durable des pesticides. Un texte audacieux qui revoit à la hausse certaines ambitions de la commission en termes de réduction des produits phytosanitaires. Rapporteure du texte, l’écologiste autrichienne Sarah Wiener est venu longuement s’en expliquer devant la presse à l’issue des débats.

Temps de lecture : 5 min

Les discussions furent parfois volcaniques sur une directive aussi clivante que ne l’est la loi sur la restauration de la nature. C’est dire la férocité des échanges auxquels l’écologiste a été confrontée.

La rapporteure accusée « d’éco-populisme »

Sarah Wiener a tout d’abord dû fermement réfuter les accusations « d’éco-populisme » dont le seul but était de bannir totalement les pesticides. Des propos venus des rangs de la droite, PPE en tête, et de son extrême.

Elle a ensuite regretté l’absence de compromis avec une partie de la droite et l’attitude du président de la commission de l’Agriculture, Norbert Lins, lui aussi issu de cette formation politique avec lequel elle espère néanmoins trouver un terrain d’entente.

Et si une majorité solide a pu finalement être dégagée, « c’est parce que les autres partis s’inscrivent en faveur de la biodiversité, de la lutte contre la crise climatique et la possibilité d’offrir davantage de stabilité aux agriculteurs » s’est-elle rassurée.

Élargissement

de la période de référence

Dans le texte adopté par 47 voix pour, 37 voix contre et 2 abstentions, les députés plaident pour une réduction, d’ici 2030, de l’utilisation et du risque des produits phytopharmaceutiques chimiques d’au moins 50 % et de l’utilisation de produits plus dangereux (produits de substitutions) de 65 %, par rapport à la moyenne de la période 2013-2017.

Pour rappel, la commission avait proposé un objectif de 50 % pour les deux, sur la base de la moyenne 2015-2017. La nouvelle période de référence élargie proposée par le parlement permettrait de mieux prendre en compte les efforts déjà entrepris dans les États membres.

Des chiffres précis,

mais réalistes ?

Les réductions iraient de 15 % à 65 % en fonction de l’intensité d’utilisation dans les États membres. Il serait fixé à -15 % lorsque l’intensité d’utilisation d’un État membre au cours de la moyenne des années 2013 à 2017 est inférieure à 35 % de la moyenne de l’UE, à -35 % pour ceux dont l’utilisation est inférieure à 70 % de la moyenne, à -50 % pour une utilisation se situant entre 70 % et 140 % de la moyenne et à 65 % lorsque l’intensité d’utilisation est supérieure à 140 %.

Les eurodéputés veulent par ailleurs ajouter un second objectif de réduction de 65 % de l’utilisation des pesticides les plus dangereux, « même si elle était de 80 % dans ma proposition » a précisé la députée autrichienne qui s’est, dans la foulée, défendue de vouloir « effrayer les agriculteurs ».

Pour atténuer la portée des chiffres avancés, la rapporteure écologiste a d’ailleurs mis en avant les conseils et autres aides et accompagnement qui leur seront prodigués.

« Nous pouvons aussi apprendre des agriculteurs engagés en bio » (selon Eurostat 15,9 millions d’hectares étaient cultivés biologiquement ou étaient en cours de conversion en 2021 dans l’UE, soit 9,9 % des terres agricoles) a-t-elle avancé en réitérant l’objectif de « réduire les poisons que l’on injecte dans l’environnement ».

« Les mêmes règles du jeu pour tout le monde »

Il y aura par contre une tolérance zéro au niveau de l’importation et de l’exportation des produits les plus dangereux.

« Les pesticides toxiques qui sont interdits en Europe ne pourront être exportés pour pulvériser des produits qui seront ensuite réimportés au sein de l’UE » a spécifié Sarah Wiener ajoutant vouloir que « les règles du jeu soient les mêmes pour tous ».

Les États membres devront aussi préparer des plans nationaux avec des objectifs spécifiques notamment pour cinq cultures au moins pour lesquelles une réduction de l’utilisation de pesticides chimiques aurait le plus grand impact.

Quid des zones sensibles ?

Le texte confirme l’interdiction des pesticides dans les zones sensibles, hormis les produits qui sont autorisés en agriculture biologique et les produits de biocontrôle, et dans une zone tampon de cinq mètres, tels que les espaces verts urbains, les parcs, les terrains de jeux, les terrains de sport, les sentiers publics, ainsi que les zones Natura2000.

Le document offre toutefois des possibilités de dérogations « pour assurer la viabilité à long terme des activités agricoles ou pour sauvegarder la culture de semences » ainsi que des flexibilités dans la délimitation de ces zones.

« Nous ne voulons pas remplacer un produit chimique par un autre, nous voulons transformer en profondeur notre secteur agricole » a insisté l’écologiste autrichienne.

Le courroux du Copa-Cogeca

Le vote de la commission de l’Environnement a fait bondir le Copa-Cogeca qui a dénoncé une proposition allant « encore plus loin que celle de la commission, déjà complètement déconnectée des réalités agricoles du terrain ».

Les dirigeants craignent « des conséquences sans précédent pour l’ensemble de l’agriculture européenne ». Parmi les points les plus critiqués par le Copa-Cogeca des objectifs nationaux basés sur une méthodologie de calcul complexe, l’interdiction des produits phytopharmaceutiques dans les zones sensibles et une zone tampon de 5 mètres.

L’organisation professionnelle appelle les députés à se montrer « pragmatiques » lors du vote à venir en plénière, et à « se concentrer sur des solutions concrètes, afin que cette proposition ne soit pas rejetée d’emblée car inapplicable sur le terrain avec de graves conséquences sur la sécurité alimentaire, notamment sur le prix des aliments dans l’UE ».

Une session plénière

sous haute tension

Pour le PPE, vent debout contre plusieurs articles du texte, « il n’est tout simplement pas réaliste de demander aux agriculteurs d’annoncer sur un site internet chaque fois qu’ils utilisent des produits. Les agriculteurs doivent être autorisés à travailler dans les champs au lieu de remplir des formulaires » a tempêté un eurodéputé.

« Il ne s’agit pas du règlement SUR définitif ni de l’avis global du parlement européen » a toutefois tempéré l’écologiste autrichienne.

Et maintenant, que va-t-il concrètement se passer ? Le 22 novembre prochain, en session plénière, la rapporteure espère qu’un compromis « solide » puisse se dégager avant que ne débutent, mi-décembre, les pourparlers en trilogue.

Il apparaît déjà clairement que la gauche et les écologistes devront ferrailler ferme pour endiguer dans les prochaines semaines les assauts de leurs collègues de droite et de son extrême.

Marie-France Vienne

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