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Le cas des échanges, de l’exploitation en commun et des contrats de culture

Les dernières parutions, auxquelles il est renvoyé, définissaient la notion d’exploitation personnelle et exposaient les règles légales en matière de cession de bail et de sous-location. Devaient encore être abordées les exceptions légalement prévues à l’obligation d’exploitation personnelle (hors les cas de cession de bail/ sous-locations autorisées et les cessions de bail / sous-locations au profit d’un parent légalement éligible).

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Ces exceptions sont listées à l’article 30 §1er al.3 de la loi sur le bail à ferme, lequel distingue les hypothèses visées des cas de sous-location et, donc, d’absence d’exploitation personnelle. Il s’agit (1) des échanges d’occupation, (2) de l’exploitation en commun d’un bien rural et (3) des conventions annuelles dites « de culture ». Abordons les un après l’autre.

Les échanges d’occupation : de cultivateur à cultivateur, avec notification

L’échange d’occupation vise ici le cas du cultivateur A qui, disposant d’un droit au bail sur un bien rural déterminé, autorise un autre cultivateur B à occuper ce bien rural déterminé contre le droit d’occuper un bien rural sur lequel le cultivateur B dispose du droit d’occupation. Il s’agit donc d’un donnant-donnant : « je te laisse occuper le champ A que je loue et tu me laisses occuper le champ B ». L’échange d’occupation permet généralement de rationaliser l’occupation des terres, soit pour constituer un bloc de culture, soit pour mettre fin (temporairement, en tout cas) à une enclave, soit pour éviter de cultiver des terres éloignées du siège d’un cultivateur, etc. etc .

Dans la mesure où l’échange d’occupation a une visée d’ordre pratique, la loi n’y voit rien à dire si bien qu’elle énonce clairement qu’il est autorisé. Autorisé oui, mais à condition de respecter les règles suivantes.

En premier ordre, les échanges se font de cultivateur à cultivateur : autrement dit, pas question de faire un échange avec un particulier (exemple : mon « échangiste » mettra des chevaux de loisir sur la prairie que je lui donne en échange : strictement interdit).

En second ordre, les contreparties faisant l’objet de l’échange sont, forcément, des droits d’occupation, à l’exclusion de toute autre forme de contrepartie (exemple : mon « échangiste » me donne de l’argent en contrepartie du fait que je le laisse occuper la prairie dont je suis preneur : strictement interdit).

En troisième ordre, la loi, en son article 30 §2, impose, depuis le 1er janvier 2020, que le preneur qui envisage de procéder à un échange notifie au bailleur le projet d’échange, et ce à peine de nullité, tout en précisant les informations légalement prévues quant à l’identité de toutes les parties à l’échange, la date de prise de cours de l’échange et le cas échéant sa durée et la désignation cadastrale des parcelles concernées par l’échange. La loi prévoit que le bailleur peut s’opposer à l’échange, en saisissant le Juge de Paix dans les trois mois de la notification du projet d’échange, pour certains motifs légalement prévus (il est renvoyé à l’article 30 à ce sujet). Si le Juge considère l’opposition fondée, il annulera l’échange…

Précisons enfin que les échanges sont révocables à tout moment (moyennant, le cas échéant, récolte de la culture croissante) et que l’échange maintient les droits et obligations du preneur dérivant du bail.

 

L’exploitation en commun : dans le cas d’une association

L’exploitation en commun d’un bien rural permet que des biens ruraux loués soient coexploités par plusieurs personnes pour autant que l’une d’elle soit le preneur originaire et le demeure du temps de l’exploitation. On peut penser à l’hypothèse d’une association. Un preneur A est titulaire d’un bail vis-à-vis d’un bailleur B. A s’associe avec un autre cultivateur C. C, via l’association, cultivera aussi le bien rural sans que cela ne constitue une sous-location puisque A reste seul titulaire juridique du bail et répond seul des obligations du bail vis-à-vis de B. La loi prévoit que A doit, en cette hypothèse, participer activement à l’exploitation du bien rural concerné, ce qu’il fait d’une certaine manière en état membre actif de l’association. Pareil cas ne sera pas vu comme une sous-location interdite alors qu’un tiers au contrat de bail cultive le bien rural concerné. Curieusement, la loi n’impose pas, contrairement aux cas d’échange, de notification particulière au bailleur B.

Le contrat de culture doit durer (en théorie et en pratique) moins d’une année.
Le contrat de culture doit durer (en théorie et en pratique) moins d’une année. - D.J.

Les conventions annuelles de culture : pour le lin, les légumes…

Les conventions annuelles dites «de culture» sont ce qu’on appelle habituellement les contrats de culture. La loi ne les interdit pas, même si elles ont pour conséquence de permettre à un tiers au contrat de bail d’occuper le bien rural loué.

A prend à bail une parcelle vis-à-vis d’un bailleur B. A conclut un contrat de culture annuel avec le cultivateur C. Durant le contrat de culture, ce sera C qui exploitera, seul, la parcelle de B sans que ce dernier ne puisse « rouspéter »… Le cas est fréquent pour la culture de légumes, lin, etc. Il est aussi très fréquent pour les « contrats de patate ».

Pareilles conventions ne sont pas interdites et sont même légalement prévues comme autorisées, pour autant qu’elles respectent les règles visées à l’article 2 2º de la loi sur le bail à ferme : (1) le concédant du contrat de culture, donc A dans l’exemple, doit être cultivateur (C doit l’être aussi, évidemment), (2) le contrat doit durer (en théorie et en pratique) moins d’une année, (3) le concédant du contrat de culture doit faire les travaux de préparation et de fumure avant que le concessionnaire du contrat, C dans l’exemple, ne prenne possession des lieux et (4) le contrat doit être concédé pour une culture déterminée, (5) le contrat doit être concédé contre paiement.

Henry Van Malleghem,

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