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L’œil de Christophe Clergeau: «nous devons construire un chemin de transition pour le monde agricole»

Les polémiques et réflexions autour du renouvellement de l’autorisation du glyphosate, les blocages et clivages au sein de l’hémicycle européen, Christophe Clergeau peut d’autant mieux en parler qu’il les vit de l’intérieur. Nous n’avons donc pas hésité à échanger avec lui…

Temps de lecture : 4 min

E t s’il y a bien un dossier qui a hérissé les poils des eurodéputés, c’est bien le glyphosate.

Glyphosate, le sujet qui a fâché tout le monde

Souvenez-vous, la commission annonçait, il y a quelques semaines, le renouvellement de son autorisation à l’issue d’un vote où les États membres n’étaient pas parvenus à dégager une majorité.

Du coup, plusieurs associations, soutenues par des eurodéputés dont Christophe Clergeau lui-même, ont décidé de contester cette décision devant la Cour de justice européenne (Cjue).

Le socialiste français, membre très actif des commissions de l’Environnement et de l’Agriculture, fait partie de ceux qui se sont depuis toujours montré favorables à un plan de sortie rapide du glyphosate, dans un délai de trois ans, avec un accompagnement des agriculteurs.

Faiblesse des moyens de l’Efsa

Plus que déçu, il s’était montré « effaré » que l’on puisse « condamner » l’Europe à dix ans de glyphosate supplémentaires alors que planent de très nombreuses incertitudes scientifiques et de risques identifiés à la fois pour la santé et l’environnement.

L’élu français a rappelé, lors de la session plénière du mois de novembre dernier, que l’Efsa n’avait pas été capable d’évaluer le produit de référence et son coformulant. Il a rappelé que le directeur général de l’agence européenne avait affirmé qu’il ne comprenait pas l’écart qu’il y avait entre la place des pesticides dans l’agenda politique européen et la faiblesse des moyens consacrés à l’évaluation des risques, y compris des moyens donnés à sa propre organisation. M. Clergeau s’est dit « frappé par l’aveuglement et l’obstination de la commission » dans un cadre où de nombreux États membres avaient formulé des propositions, des citoyens et des ONG avaient fait entendre leur voix ».

Il s’agit, pour lui, d’un passage en force qui s’appuie sur des règles juridiques « au détriment des principes démocratiques ».

Une position partagée par « Pan Europe » (Pesticide Action Network Europe). S’appuyant sur les jurisprudences, l’association reproche aux régulateurs européens de ne pas avoir suivi leurs lignes directrices dans l’examen du potentiel caractère cancérigène du glyphosate en ignorant de « nombreuses études » sur sa toxicité, et à la commission de « ne pas avoir respecté le principe de précaution ».

Le collectif « Secrets toxiques » sonne la révolte

L’élu socialiste soutient le collectif français d’ONG « Secrets toxiques » composé de 80 associations engagées contre les pesticides jugés dangereux pour l’environnement qui a quant à lui décidé de déposer un recours devant la Cour de justice de l’UE (Cjue) pour défaut d’évaluation du risque.

Il est accompagné dans sa démarche juridique par plusieurs eurodéputés au rang desquels les écologistes français Benoît Biteau et Claude Gruffat. Sous réserve de recevabilité, il faut toutefois savoir que la Cour de justice ne devrait pas rendre sa décision avant un an.

« Il faut rétablir les conditions du dialogue »

Christophe Clergeau est aguerri aux bagarres rangées au sein de la commission de l’Agriculture. S’il reconnaît les divergences de vue qui semblent parfois irréconciliables au sein de l’hémicycle, il pense qu’il y a eu une approche trop radicale de part et d’autre autour des questions agricoles.

« Il faut trouver un chemin de transition, s’appuyer sur celles et ceux qui ne veulent pas se laisser instrumentaliser par la droite et son extrême et pensent que le monde agricole doit changer, sans pour autant que ce soit à marche forcée ».

Pour lui, une partie du problème vient du fait que « la droite court après l’extrême droite et utilise la question agricole, et notamment la question de la sécurité alimentaire, pour faire de la démagogie électorale ».

La course à l’échalote derrière l’extrême droite

Le représentant socialiste ne peine pas à reconnaître des positions « peut-être parfois trop radicales » dans le chef des écologistes et de la gauche mais « dans sa course à l’échalote derrière l’extrême droite, la droite porte une lourde responsabilité dans le blocage des débats ».

L’important, pour lui, consiste à « renouer le dialogue » loin des positions caricaturales de certains. Il évoque un chemin de raison économique « car le premier élément de durabilité de l’agriculture, c’est que les agriculteurs puissent vivre de leur métier ».

Il se montre aussi désireux d’apporter des réponses aux attentes des citoyens et aux défis de la transition écologique et climatique.

Marie-France Vienne

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