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«C’est un peu le chant du cygne de l’agriculture»

Du bleu, du vert et surtout du rouge colère dans le centre de la capitale. Des représentants de la FJA et de la Fugea ont coloré les abords du ministère de David Clarinval auquel ils ont symboliquement apporté, le 26 janvier dernier, une balle de foin.

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Ils sont venus avec un triste constat sous le bras: celui de l’inexorable érosion du nombre d’exploitations en Wallonie et son cortège de chiffres déprimants du taux de reprise des exploitations par la jeune génération.

Refonte de la Pac

La FJA l’a une nouvelle fois rappelé, 57% des exploitations wallonnes se sont volatilisées entre 1990 et 2022 et seul un exploitant de 50 ans et plus sur cinq déclare avoir un successeur tandis que 40% savent déjà qu’ils n’en auront pas.

Acculés par des revenus insuffisants, surcontrôlés et écrasés par des normes qui s’empilent de façon peu cohérente, les jeunes agriculteurs réclament une refonte de la Pac, devenue une véritable «usine à gaz».

On marche sur la tête, au sens propre comme figuré.
On marche sur la tête, au sens propre comme figuré. - J.V.

«Les décisions politiques prises depuis les années 90 ont placé les agriculteurs européens sur un marché mondialisé laissant la part belle à la compétitivité à outrance. Or, il est inconcevable d’être à la fois l’agriculture la plus vertueuse du monde tout en laissant rentrer en Europe des denrées produites selon des normes bien moins strictes, engendrant une concurrence déloyale avec les agriculteurs européens» a fait savoir la fédération des jeunes agriculteurs à l’occasion de son action du 26 janvier.

Concurrence déloyale des pays tiers

Le commerce international est aussi dans le viseur des agriculteurs. Vincent Delobel, éleveur et membre du conseil d’administration de la Fugea, pointe du doigt les dirigeants européens «qui signent des accords de libre-échange avec des régions du monde où les coûts de production, les normes sociales et environnementales, les normes de protection de la santé des travailleurs ne sont pas du tout les mêmes que chez nous».

«Nous restons sur nos fermes avec un faible revenu, nous sommes confrontés aux aléas du vivant et du climat tandis que les agro-industries et les multinationales captent la valeur ajoutée de notre travail» a-t-il enchaîné.

«D’un côté on nous exhorte à progresser dans nos pratiques environnementales, de l’autre on nous met en concurrence avec des pays qui ne respectent pas la transition écologique qui est amorcée en Europe» déplore encore le représentant de la Fugea.

Comme ses collègues de la FJA, il dénonce la faiblesse du revenu agricole, lequel décourage les jeunes qui seraient désireux de s’installer.

Interpeller l’agro-industrie et les pouvoirs publics

Le courroux des agriculteurs porte aussi sur le prix du foncier et la présence de groupes financiers qui rôdent autour des terres agricoles, leur outil de travail.

«C’est un enjeu de démocratie alimentaire» dénonce Vincent Delobel, ajoutant que les agriculteurs manifestent «pour interpeller les pouvoirs publics, les agro-industries et les citoyens pour que tous se réveillent».

«Car c’est un peu le chant du cygne de l’agriculture» souffle-t-il.

Les NBT s’invitent dans les revendications de la Fugea

Mais la Fugea questionne aussi la présidence belge qui, selon elle, permet « la déréglementation des nouveaux OGM, à la faveur de quelques multinationales semencières ». Le syndicat souligne la proposition de la commission « qui introduit une nouvelle définition des OGM avec pour conséquence d’exclure la plupart d’entre eux des obligations d’évaluation des risques, d’étiquetage, de traçabilité et de contrôle ».

« Au-delà du non-respect du principe de précaution, les risques liés à cette proposition ne sont pas des moindres » développe le syndicat agricole qui cite la privatisation des semences par les brevets, l’absence de traçabilité signifiant la fin du secteur agricole sans-OGM et biologique, l’absence de protection en cas de contaminations et durabilité non démontrée.

Et d’insister sur « l’importance de prendre le temps nécessaire pour examiner ce dossier sur des bases scientifiques solides ».

«Les charges environnementales pénalisent les agriculteurs»

Interpellé, le ministre de l’Agriculture a apporté son soutien aux agriculteurs, reconnaissant aisément que le Pacte Vert «apporte des charges environnementales qui pénalisent les agriculteurs européens par rapport au reste du monde».

M. Clarinval a toutefois précisé à la délégation d’agriculteurs venue à sa rencontre, que la Pac actuelle avait été décidée avant la crise sanitaire et la guerre en Ukraine.

«Aujourd’hui nous devons considérer l’agriculture plus globalement, comme étant nourricière et source de revenu pour les agriculteurs» a-t-il assuré à ses visiteurs.

Marie-France Vienne

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